Cette année encore, dans la programmation de la Route du Rock, une tripotée de groupes revient sur la(es) scène(s) du festival. Et ce, bien souvent après avoir laissé des souvenirs indélébiles de leurs prestations les éditions précédentes. Petit tour d’horizon des retrouvailles qui s’annoncent…
Les histoires d’amour sont parfois brèves et fulgurantes. D’autres s’inscrivent dans la durée. Sur la planète des fondus de musique (dont nous sommes), d’aucuns n’écouteront jamais QUE les premiers albums et feront une moue dégoûtée si on leur parle de Closer plutôt que d’Unknown Pleasures, de Rid of me plutôt que de Dry (ne rigolez pas on a VRAIMENT des copains comme ça), d’autres lâcheront l’affaire au premier long format correspondant moins à leurs attentes. D’autres encore choisiront de suivre un artiste sur la longueur, avec ses doutes, ses réussites (voire ses errements). Possédant le même indie-ADN que ces derniers festivaliers, la Route du Rock poursuit ainsi avec fidélité, des relations au long cours parfois commencées il y a longtemps, avec des artistes déjà venus brûler les planches (parfois humides) du Fort St Père. Fort heureusement, bien sûr, la programmation du festival fait aussi la part belle aux découvertes et aux new comers, notamment encore cette année. Mais pour une fois, retour sur les durables amitiés, la confiance renouvelée et les longues attentes qui se trouvent enfin récompensées…
PJ Harvey
Forcément, c’est à Polly Jean qu’on pense en premier. La très grande dame du Rock avait donné un concert au Fort St Père en 1998. Depuis, le retour de la Britannique était chaque année attendu les doigts croisés (et très serrés) par une bonne partie des festivaliers. Après des années d’attente, et sûrement du fait d’un budget réservé à l’artistique plus important cette année et du décalage d’une semaine (voir les interviews de François Floret et Alban Coutoux pour Soul Kitchen « Nous avons décidé de décaler le festival d’une semaine. La disponibilité des groupes est plus forte à la mi-août » et Froggy’s Delight « il a fallu revoir le cachet des musiciens. Nous avons clairement doublé ce budget pour pouvoir réaliser notre ambition qui était d’avoir au minimum un gros nom par soir pour avoir un festival homogène, que ce soit dans la programmation ou dans la fréquentation »), la Route du Rock peut enfin combler son public avec le retour de la dame du Somerset le vendredi 18 août. Et autant dire qu’on les attend, ces retrouvailles avec « une artiste au succès public et critique indéniable mais qui a su conserver son intransigeance artistique, sans jamais se répéter, en explorant constamment de nouvelles pistes au fil de ses albums depuis 1992. » (Alban Coutoux sur Indiemusic)
PJ Harvey, c’est certain, fait partie des pierres angulaires (voir philosophales) du rock, et ce depuis les inauguraux Dry (1992) et Rid of me l’année suivante (sans compter le 4 tracks demo) grâce auxquels la musicienne impose un style frontal, direct, aux guitares rugueuses, qui castagne dur et cru. Rappelez vous les cris étranglés du final de Rid of me, Lick my legs I’m on fire/ Lick my legs of desire. Par la suite, en 1994, PJ Harvey se retire dans le Dorset, et ce, sans les complices qui l’accompagnaient alors en formule trio (le batteur Rob Ellis et le bassiste Steve Vaughan). Elle écrit en solo, prend le temps de fouiller, d’aller au fond d’elle-même, assure la production avec Flood et le fidèle John Parish et change de musiciens pour exploser un cadre devenu trop rigide. Le résultat sera To bring you my love (1994), immense album inépuisable. Polly Jean s’y incarne en une Ophélie rouge sang et se décline en 10 titres désormais totalement essentiels, entre vaudou habité, blues funèbre, sensualité fiévreuse et terrifiante.
Un premier album plus loin, partagé avec l’ami producteur, musicien et songwriter, John Parish Dance Hall At Louse Point (1996), on retrouve PJ qui continue de s’inventer elle-même sur un Is this desire ? (1998) d’un cru tout aussi exceptionnel. Machines intensément glauques, basses rauques au grain épais, épures d’un romantisme échevelé et désespéré (ah ces cuivres lointains sur The River…) servent d’écrin aux voltiges vocales de la funambule Polly Jean qui habite chacune des voix de ses personnages avec une intensité désarmante.
Avec le dyptique Stories from the city, stories from the Sea -2000- (Dorset versus New York), P.J. Harvey continue alors d’explorer et se renouvelle encore. Plus propre dans sa production, le disque se veut plus direct, avec des titres pop-rock directement efficaces et moins écorchés, mais sacrément bien charpentés. On ne boude pas notre plaisir une seconde, d’autant que le duo avec Thom Yorke The mess we’re in, se révèle particulièrement addictif. Uh Huh Her (2004) décline ensuite un blues primitif, cramé et incendiaire qui renoue avec une production plus brute. Et se retrouve loin d’annoncer le pavé dans la mare que sera l’album suivant (entre temps, il y a aussi eu les Peel Sessions 1991-2004).
On se souvient que la sortie de White Chalk (2007) avait divisé. Les amateurs de la sensualité rêche et rock de PJ Harvey ne se retrouvaient pas le moins du monde dans ces 11 titres sans guitare. Album lame de fond plutôt que cran d’arrêt, White Chalk nous a pourtant poignardés profond. Avec un piano et une voix de cristal fêlé. PJ Harvey, dame en blanche robe victorienne, s’y est de nouveau totalement ré-inventée (ou plus exactement révélée). Un cauchemar pour certains, un tsunami pour nous. Après, forcément, ça ne pouvait qu’être différent. Faisant suite à un second album partagé avec John Parish (A Woman A Man Walked By – 2009), Let England Shake part dans de nouvelles directions. Pop, poétique, bouillonnant, ses 12 titres tissent autour du thème de la guerre des paroles plombées sur une musique énergique, lumineuse, aérienne. La voix de la musicienne se pare de chœurs masculins et perd sa fragilité crayeuse de l’album précédent.
C’est finalement avec The Hope Six Demolition Project (2016), son dernier long format en date, que la musicienne foulera à nouveau la scène du Fort St Père. On ne sait pas pour vous, mais nous on a un peu les genoux qui tremblent à l’idée de revoir Miss Polly Jean. Et il semblerait bien qu’on ne soit pas les seuls.
PJ Harvey – Scène du Fort – Vendredi 18 août – 20h30
Car Seat Headrest
Ce gamin-là a dû sortir une tripotée d’albums avant d’arriver sous notre radar. On est loin d’en être fier. Mais Teens of Denial vaut vraiment qu’on comble notre retard. Programmé avant la publication du disque, dans la collection Hiver, en soirée d’ouverture à l’Antipode MJC en 2016, Car Seat Headrest a en effet rien de moins sorti qu’un des tous meilleurs albums de l’an dernier pour les amateurs d’indie pop rock. Avant cela, le gamin de Virginie (désormais installé à Seattle) a juste enregistré une dizaine de disques (quelques eps, beaucoup d’albums) entre 2010 et 2014 mis en ligne via son bandcamp, parfois enregistrés dans la camionnette familiale (d’où son nom) -et nous on a le temps de rien- avant de signer sur Matador. Arrivé sur le label new yorkais, Will Barnes aka Will Toledo a été invité à sortir un premier album « officiel » Teens of simple, sans que celui-ci n’en soit vraiment un puisqu’il s’agit de chansons que l’Américain avait déjà sorties précédemment qu’il a été invité à ré-enregistrer en studio.
L’année suivante, quelques mois après sa venue à la Route du Rock, le garçon sort donc douze nouveaux titres rassemblés sous l’entité Teens of Denial. Un vrai album, collection de chansons en même temps variées et parfaitement agrégées les unes aux autres, qui se permettent de durer d’1 minute 18 à plus de 11 minutes 30, de se soucier des structures académiques couplets-refrains autant que le festivalier de ses premières bottes. Mais surtout de passer à la moulinette tout ce que les nineties et early 00’s ont pu produire en morceaux séminaux indie pop, et ce, en en faisant un truc avant tout personnel. Power-chords, power pop, guitares pleines de crasse et voix éraflées là, ballades fragiles ici, avec de temps en temps un phrasé goguenard à la Sun Kil Moon ((Joe Gets Kicked Out Of School For Using) Drugs With Friends (But Says This Isn’t A Problem)) le tout arrangé parfaitement (des chœurs, des cuivres -saxophone, trompette, trombone- Cosmic Hero) sans jamais de redondance : Teens of Denial est une petite pépite. Ajoutez à cela un vrai don pour les mélodies virales, un talent de conteur qui sait aussi bien hurler que manier l’humour et l’ironie, et vous comprendrez que les 12 vignettes narrant les déboires adolescents de leur auteur (de la responsabilité individuelle au mal-être existentiel en passant par une prise d’acide sans effet, un sac à dos oublié en allant jouer au basket ou la dernière bière qu’on n’aurait pas dû boire) ont de grandes chances de faire tout aussi mouche en live que sur disque. Vivement.
Car Seat Headset – Scène du Fort – Vendredi 18 août – 22h30
Thee Oh Sees
Le dimanche, on aura l’ineffable bonheur de retrouver une formation qui éclate crânement le garage et en repousse les murs à chaque prestation. On a déjà dit tout l’amour qu’on portait à la centrifugeuse John Dwyer dans ces pages, à la faveur d’albums, eps, etc troussés avec un talent sans faille à un rythme stakhanoviste et de concerts plein de bruit et de sueur (pardon Faulkner) qui nous ont hachés menu menu. Les Thee Oh Sees ont en effet une carrière longue comme le Golden Gate aller-retour derrière eux, avec, déjà, plusieurs changements de noms (OC’s, The OhSees, The Ohsees, entre autres) et pas loin d’une trentaine de galettes (lps, eps, ou autres compilations de singles confondus) dans leur besace. Des mélodies hors-pair, des riffs qui vous donnent en même temps envie de vous rouler par terre et de vous déhancher en perdant toute décence, des fulgurances pop, des striées psychées, de la crasse garage, des soli hallucinés, une basse démente et des « lalalala » ou des « ouh ouh » hurlés à tue-tête. Sans oublier quelques ralentissements parfaitement sentis, avant de repartir de plus belle affronter des déluges électriques.
Leaders incontestés et incontestables du garage actuel, les bourricots de Thee Oh Sees ont essaimé bien au-delà des collines de San Francisco les graines d’un garage espiègle, jouissif et rageur. On gage que la prestation du combo de la Bay Area à la Route du Rock, après leur première venue en 2014, vous laissera bien plus échevelé qu’un ride agrippé à la barre d’un cable car, tant les lives de la bande à John Dwyer sont connus pour inverser irrémédiablement les connexions entre vos deux lobes cérébraux à coup d’énergie furibarde. Et avec un charisme de malades, tenez-le vous pour dit.
Thee Oh Sees – Scène du Fort – Vendredi 18 août – 00h15
Dj Shadow
On fait partie de ceux qui à la fin des nineties sont tombés dans les marmites de Dj Shadow. On appelait ça l’abstract hip hop, autrement dit un hip hop expérimental particulièrement novateur, qui gardait comme règle d’or l’ouverture d’esprit chère aux pionniers Afrika Bambaata et Grandmaster Flash. DJ Shadow en est vite apparu comme l’un des chefs de file les plus intéressants (avec Dj Food, Dj Krush ou Coldcut dans une certaine mesure et le label Mo’Wax), et notamment avec la sortie de son inépuisable album Entroducing (album de l’année 1996 pour Christophe Brault, si on ne se trompe pas). A l’époque, le disque file une claque à tout le monde car le Californien le compose en utilisant seulement des samples, ce que personne n’a jamais fait avant lui. D’un point de vue technique, le disque représente sans doute l’apothéose de ce type de composition car le musicien a fait tout le travail de production, de l’enregistrement au mastering en passant par le mixage, avec une MPC Akai 6011, une platine vinyle (Technics, pour la petite histoire) et son énorme collection de disques. Aujourd’hui, ça ne surprend plus, mais à l’époque qu’un type ponde un tel album sans studio, sans instrument, juste en samplant les disques des autres, ça vous mettait la tête à l’envers. Et que le gars en plus, pioche dans tous les genres du rock au free jazz, de la soul au funk, du rap aux musiques de film… et ne s’interdise rien, ça détonnait vraiment. Mais ce que Joshua Davis réussit surtout c’est que ces seize titres s’imposent pour la plupart comme des tubes en puissance, qu’il s’agisse de la lourde rythmique de Building Steam With A Grain Of Salt avec son sample au piano et ses voix de sirènes, du cinématographique Stem/Long Stem qui annonce les synthés fous d’Organ Donor, au quasi trip hop Midnight in a perfect world, et on en passe. En 1999, l’Américain sera dans la programmation du festival.
C’est avec son second album sous le bras que le producteur américain est pour la seconde fois venu sur la scène de la Route du Rock. On est en 2002, The Private Press est sorti quelques mois plus tôt (en juin) et se révèle tout aussi exceptionnel. De la basse retorse et addictive de Fixed Income à l’inoxydable tuerie qu’est Six Days en passant au hasard par l’obsédant Mongrel ou les enchevêtrements savants de Giving up the Ghost, l’ami de l’ombre compose une nouvelle fois une réelle tuerie à écouter sans discontinuer. Pour son retour au Fort St Père, le producteur revient avec un cinquième album, The Mountain will fall (2016) pour lequel il a continué de se remettre en question, d’apprendre de ses pairs, de garder les oreilles et l’esprit ouverts aux nouvelles technologies et musiques d’aujourd’hui avec une remarquable humilité. Toujours intéressé pour frotter sa musique à de nouveaux territoires, il s’y est permis d’inviter Nils Frahm et le trompettiste de jazz Matthew Halsall en plus de collaborations passionnantes mais peut-être plus évidentes (Run the Jewel, Bleep Bloop). Au final, encore un bon cru chez ce virtuose qu’il nous tarde de revoir sur scène. Et comme on sait que le garçon aime revisiter ses titres en live, la prestation devrait être sacrément intéressante. Voire trippante.
DJ Shadow – Scène du Fort – Vendredi 18 août – 02h45
Parquet Courts
On se souvient d’avoir découvert le prometteur quatuor Parquet Courts sur la petite scène des Remparts en 2013. Ces Texans installés à Brooklyn nous avaient enchanté les oreilles avec leur excellent album Light Up Gold et ils arrivaient avec une réputation live de fous furieux. Les plus blasés ont pu trouver que c’était la meilleure imitation de Wire qu’on ait vu depuis longtemps mais le quatuor nous a vite montré qu’il valait bien mieux que ça. On avait retrouvé avec un plaisir jubilatoire des compositions post-punk vives et incisives, faussement cantonnées à un «One, two, three, four» endiablé, mais en réalité redoutables mélodiquement. Toute en riffs distordus et chants mitraillette débraillés, volte-faces accumulés avec gourmandise et enchaînements entre les morceaux particulièrement soignés, la musique de Parquet Courts nous avait offert un très beau moment de rock sauvage bien moins crétin qu’il n’en avait l’air.
Depuis ce baptême (païen !) réussi à la Route du Rock, les quatre New Yorkais d’adoption ont commis une palanquée d’enregistrements avec une frénésie vivifiante (de nouveaux albums, dont le Content Nausea sous le nom de Parkay Quarts, nombreux maxis ou eps) et se révèlent tout aussi intéressants sur la longueur. Leur dernier album en date, Human Performance (le premier sur Rough Trade, 2016) enfonce encore le clou. Raide, fiévreux, electrique, le disque mêle tout autant le New York des Television et Richard Hell -en passant par les Feelies ou même le Velvet avec Steady on my mind– au post-punk des Wire, mais surtout continue de fasciner à chaque nouvelle écoute, tant le quatuor empile les arrangements culottés, alambiqués et inattendus. En attendant l’escapade en solo de leur leader Andrew Savage (un premier album solo, Thrawing Dawn paraîtra le 13 octobre prochain), on sera donc plus que ravi d’en prendre plein les oreilles sur la scène du Fort le samedi 19 août.
Parquet Courts – Scène du Fort – Samedi 19 août – 19h15
Temples
Révélation pop psychée de 2014 pour beaucoup le quatuor britannique Temples a un talent ineffable pour trousser de petites bombes inspirées et racées comme le démontre son premier album Sun Structures (2013) en 12 titres bluffants. Avec leurs allures de Marc Bolan Byrdsien, les gamins de Kettering ont un sens inné de la mélodie qui tourne et vous kidnappe l’oreille (oui, The Golden Throne en est le parfait exemple). Sans compter une sacrée habileté à fomenter des arrangements aussi ambitieux que malins, qui certes, doivent beaucoup à leurs glorieux aînés (oui, il y a du Beatles chez les Temples, mais aussi du Syd Barett, du Byrds ou du T-Rex), mais avec un réel talent de mélodistes. D’autant que ces quatre drilles enregistrent le tout tranquille à la maison et produisent leurs albums avec un talent presque vexant.
Sur la scène du Fort en 2014, les quatre gamins dont les tenues (veste à franges, pendentifs indiens) et les épaisses chevelures étaient totalement raccord avec les influences musicales (mais n’était-ce-ce pas un poil trop ?), avaient eu quelque peine à nous convaincre totalement. On aurait en effet aimé que, sur scène, le quatuor britannique salisse un peu la production élégante et lissée de ses (belles) chansons et mette davantage les doigts dans la prise. Autrement dit : plus de sueur et de stupre. On espérait donc les revoir, afin de leur laisser le temps d’évoluer et de prendre un peu d’épaisseur en live, tant les garçons parvenaient à s’imposer comme de sacrés fieffés songwriters. La sortie cette année de leur second album Volcano déclinant douze nouveaux titres d’une pop psychée kaléidoscopique (et toujours produit par James Bagshaw, le chanteur du groupe), donne l’occasion à La Route du Rock de les revoir un peu mûris. C’est en tout cas tout le mal qu’on se/vous souhaite.
Temples – Scène du Fort – Samedi 19 août – 21h15
Angel Olsen
On se souvient de la folk inspirée de la jeune Angel Olsen, pas nian-nian pour deux sous, la demoiselle n’hésitant pas à durcir le ton ou à sortir les fantômes du placard sur la scène des Remparts en 2014. Et ce sous des draches d’eau tombant du ciel breton, la demoiselle devant même se coiffer un moment d’une serviette-éponge. L’ancienne choriste de Bonnie Prince Billy avait alors confirmé que son dernier album en date d’alors Burn your fire for no witness (2014) n’était pas un feu de paille avec 11 titres allant de la folk la plus dépouillée et envoûtante (White Fire, Enemy) aux guitares en power chords (avec même un petit côté Pixies) –Forgiven/Forgotten-, en passant par la bossa nova voilée et pervertie de Iota.
Depuis cette venue humide, l’Américaine a sorti un troisième long format (encore) sur Jagjaguwar, My Woman (2016) et a quelque peu changé sa guitare d’épaule. Plus ambitieux, davantage orientée sur une pop directe (du moins sur la face A de l’album), un peu à la manière de sa compatriote Mitsky (on pense aux tubes Shut up kiss me ou Never Be Mine), Angel Olsen n’hésite pourtant pas à varier les ambiances, à convier un peu d’électronique ici, mais surtout des ambiances plus ouatées, avec toujours sa voix chaude et profonde mise en avant. A ce titre la seconde partie de l’album se révèle particulièrement soulful, entre délicatesse paisible et lyrisme mélancolique. Angel Olsen continue ainsi de se construire au fil de ses albums et son passage de la scène des Remparts en 2014 à l’ouverture de la scène du Fort le dimanche ne fait qu’adouber cette belle évolution. Allez, on ose : sous un soleil de début de soirée, le moment pourrait même se révéler très chouette.
Angel Olsen – Scène du Fort – Dimanche 20 août – 19h20
Mac Demarco
Après un passage, à peine réveillé, sous le soleil et sous une montgolfière en 2014, le très attendu gratteux lo-fi Mac Demarco sera de retour sur la scène du Fort le dimanche 19 août. Aussi nonchalant qu’attachant, le gamin aux blagues potaches un rien grivoises et à la guitare à 30 dollars canadiens (c’est ce que dit la légende) devrait immédiatement vous donner envie de danser en tongs sur sa pop faussement torchée en 3 minutes sur un coin de table, une Viceroy aux lèvres. Le songwriter, capable d’écrire une ode aux cigarettes (Viceroy, donc) en la transformant en ballade aussi contemplative qu’addictive a en effet un talent certain pour écrire de petits bijoux à la Jonathan Richman. Depuis de premiers essais avec son complice Alex Calder sous le nom de Makeout Videotape, Mac Demarco enchaîne désormais sous son propre nom les galettes de ballades lo-fi à la classe nonchalante (Rock and Roll Night Club en 2012, premier album déglingué du slacker canadien signé chez Captured Tracks, puis l’excellent 2 la même année qui a ouvert au garçon et à ses musiciens les scènes du monde et de Navarre ; puis Salad Days en 2014 qu’il venait défendre à la Route du Rock). On se souvient d’un franc fou rire face à cette décontraction naturelle qui permettait à Mac de changer une corde en laissant le reste du groupe massacrer Yellow de Coldplay ou de finir une bière et un clope en surfant sur les mains des festivaliers.
Depuis, rien n’a changé ou presque. Certes, le Canadien a déménagé de New York à Los Angeles, a sorti deux nouvelles galettes Another One en 2015 puis This Old Dog en mai 2017, toujours sur Captured Tracks (sans compter les démos et eps), mais reste indéniablement le prince farfelu du cool. A tel point que les teigneux Fat White Family avaient menacé de rejoindre Daesh si le Canadien ne quittait pas la musique. On laissera ces facéties d’un goût douteux aux Anglais (mais The Moonlandingz jouera le même soir sur la scène des Remparts, gare) et on se réjouira de retrouver la pop faussement désinvolte du Canadien sur la scène du Fort. Car ce magnifique branleur aux faux airs je-m’en-foutiste parvient tout de même à trousser des albums lo-fi parfaitement produits (This Old Dog en est un exemple bluffant), ce qui est un joli tour de force.
Mac Demarco – Scène du Fort – Dimanche 20 août – 21h15
Interpol
La tête engoncée sous notre capuche, c’est à la Route du Rock, à l’été 2002, qu’on avait découvert Interpol (ils étaient aussi venus en 2001). On en garde (contrairement à d’autres membres de l’équipe, on le précise par souci d’honnêteté) un souvenir sacrément ému. Leur premier album, Turn on the bright lights allait sortir quelques jours plus tard sur Matador et on ne connaissait rien, absolument rien des New Yorkais. Vêtus de noir dans des nappes lumineuses de brouillard rouge, Paul Banks (voix, guitare rythmique), Daniel Kessler (guitare lead), Carlos Dengler et sa mèche à la basse (portée très bas) et Sam Fogarino à la batterie, avaient déroulé l’essentiel de ce premier album qu’on allait ensuite user à force d’écoutes. On se souvient, va savoir pourquoi, que l’intro d’Untitled à la guitare tremblante nous avait cueillis dès le début du set avant que la voix et le chant mélancolique et désespéré de Paul Banks ne nous hypnotisent complètement. Du dialogue de guitares d’Obstacle 1 aux virages mélodiques de PDA, de la montée toute en tension retenue d’Hands Away aux tubes Stella was a diver and she was always down ou Obstacle 2, jusqu’au contrepoint à la voix quasi parlée de Daniel Kessler sur Song 7, on avait tout immédiatement absorbé. A l’époque, on n’avait pas repéré que le titre de l’album s’inscrivait dans les paroles de NYC. On se rappelle juste que cette nuit-là, on aurait voulu que le concert dure toujours. Alors certes, on était jeune, et oui, nos copains plus vieux et plus érudits avaient déjà entendu ça ailleurs et ça ne leur faisait pas grand effet. Mais là, sous le crachin breton (cette fois interrompu), il s’était passé quelque chose. Et pas que pour nous.
Quelques années après, Katie Sketch (The Organ) nous avouera elle aussi que Turn on the Bright Lights était l’un de ces disques de chevet. On ne s’en étonne pas tant les New Yorkais faisaient revivre les brumes eighties dans nos oreilles. Nous dans le même temps on aura dégotté les différentes versions de l’album, les maxis et eps s’y reportant, les lives pirates, vu le groupe quelques mois plus tard à l’Antipode, à Paris, à Nantes… Depuis, Interpol est devenu trio avec le départ de son bassiste, a sorti plusieurs albums qui ont rencontré un succès (fort) confortable (Antics -2004-, Our Love to admire – 2007-, Interpol -2010 et El Pintor -2014-). Depuis, on n’écoute plus vraiment Interpol. On a vieilli, écouté ailleurs. Pourtant, malgré un frisson d’agacement pour ces groupes qui rejouent leurs vieux albums en entier lors de tournées anniversaires, l’idée de ré-entendre l’intégrale de ce disque qu’on connaît par cœur nous colle d’ores et déjà des fourmillements dans le ventre et la poitrine. Et à défaut de pouvoir enfiler notre t-shirt de l’époque (celui avec la pochette du disque) dans lequel (las) on ne doit plus rentrer, à l’idée de chanter I can’t pretend I don’t need to defend some part of me from you, on a déjà un peu la gorge serrée.
Interpol – Scène du Fort – Dimanche 20 août – 22h45
Ty Segall
On triche un peu, parce que la dernière fois le blondinet héraut du garage n’était pas venu tout seul mais avec ses copains de Fuzz (en 2015). Mais si l’ami Christophe Brault se montre ravi du retour du Californien (les auditeurs de Music Machine le savent), on ne boude pas notre plaisir non plus. On a déjà vu le garçon à quelques reprises et dans des formations différentes, mais à chaque fois Ty Segall et ses buddies ont fait débouler un tsunami fracassant sur les publics massés en rang serrés et pogotant devant la scène. Le jeunot prolifique dont la liste d’albums (en solo ou au sein d’une bonne demi-douzaine de formations annexes) eps, splits (et on en passe) est longue comme la faille de San Andreas (déjà trois disques cette année, Ty Segall en janvier, le Fried Shallots caritatif -déjà dispo en version numérique, à sortir en version physique le 25 août – et le ep Sentimental Goblin en mars), chantre de la scène rock garage avec ses compères feu Jay Reatard ou autres Thee oh Sees dont on a parlé plus haut, sait vous dégommer les esgourdes à coups de brûlots noisy et de chansons barrées dont lui seul a le secret. Mais sait aussi curieusement ralentir le tempo et écrire d’étonnantes ballades (Take Care (To Comb Your Hair), Orange Color Queen ou Talkin’ sur Ty Segall).
Si le set de la Route du Rock devrait avant tout s’apparenter à une déferlante réjouissante mélangeant fougue punk, garage qui tache, influences métal, saturations grunge et riffs psychés (on se souvient d’avoir levé le poing en hurlant avec la salle et le groupe sur une reprise furibarde incendiaire de Paranoid de Black Sabbath, toute en guitares saturées et en hurlements à l’Antipode MJC), il ne faut jamais oublier que ce garçon a plus d’un tour dans sa besace : il maîtrise, mais dégomme aussi tous les codes, rebondissant souvent où on ne l’attend pas (le Ty Segall de janvier est à ce titre particulièrement probant). Les premiers rangs devraient en tout cas pogoter à qui mieux mieux.
Ty Segall – Scène du Fort – Dimanche 20 août – 00h55
Arab Strap
C’est au siècle dernier que les Ecossais avaient été programmés à la Route du Rock, en 1999. Après une dizaine d’années d’existence (en gros de 1995 à 2006) clôturée par une tournée d’adieux et une compilation, Arab Strap avait tiré sa révérence en 2006 avec six albums studio à son actif. Reformé en 2016, le groupe mené par le chanteur Aidan Moffat et le multi-instrumentiste Malcolm Middleton est revenu pour quelques dates sold out (Glasgow, Londres, Newcastle et Manchester) et un double album compilation de vingts titres partagés entre classiques du groupe et raretés l’an dernier. Les Ecossais, depuis, s’offrent de nouvelles dates et passeront par le Fort St Père le samedi 19 août.
Faite de chansons d’une mélancolie grise et glauque, qui narre les exploits pitoyables d’une vie de loosers marquée par le sexe triste (et cru), les relations bancales, l’alcool et les drogues frelatées, la musique d’Arab Strap ne transpire pas la joie de vivre. Marqués par un chant heurté, quasi plus parlé que chanté, les morceaux du duo, en apparence plutôt depouillés, se révèlent au final insidieux voire obsédants. Un habillage un rien austère, avec ici des arpèges à la guitare électrique qui hoquettent ad nauseam, un orgue ou un piano rachitiques, là des percussions synthétiques monotones à la mélancolie calleuse, ou même des cuivres funestes (The Night Before The Funeral) : la plupart des titres composés par Arab Strap n’en mettent pas plein la vue. Mais marquent pourtant plus durablement qu’ils n’en ont l’air. On parie donc qu’une bonne palanquée de fans se massera devant la scène des Remparts, (mal)heureux comme au premier jour, pour fêter les retrouvailles avec ces anti-héros à l’humour forcément noir. Et même que les Ecossais sauront en séduire de nouveaux avec leur spleen brumeux.
Arab Strap – Scène des Remparts – Samedi 19 août – 20h10
Allah-Las
Les Allah-Las vont finir par être des habitués : déjà programmés sur la scène des Remparts en 2013, puis lors de la collection hiver à la Nouvelle Vague en 2015, les voici de retour cette année encore. C’est d’ailleurs dans la salle malouine que le groupe revient. Comme depuis plusieurs années, le festival commence en effet par une soirée apéritif à la Nouvelle Vague le jeudi 17 août, histoire de débuter le marathon de concerts avec un chouette échauffement. D’ailleurs, cette année encore, la mise en bouche est des plus alléchantes puisqu’en plus des vignettes west coast ensoleillées des Allah-Las, on pourra également y entendre les balades finement ouvragées d’Andy Shauf et les délires synthétiques minimalistes rehaussés de saxophone du double mètre Alex Cameron.
Quant aux Allah-Las, on donne toute notre confiance au quatuor de Los Angeles (dont autrefois trois des membres travaillaient chez le mythique dealer de vinyles Amoeba sur Sunset Boulevard), dont le premier LP (Allah-Las, 2012) avait été produit par Nick Waterhouse, pour faire surfer les festivaliers sur une pop west coast aux guitares surf et garage aux accents rétro. Si le son très tourné vers les sixties versant pop (un peu de Byrds, un peu de Love), les guitares aux éclats cristallins, les reflets kaléidoscopiques de la pop psychée et les délicates harmonies vocales vous bottent, les Allah-Las parviendront à vous faire croire que le soleil est là, dehors (si, si). Leurs deux albums suivants, Worship the sun (2014) et Calico Review (2016) se révèlent d’ailleurs particulièrement bien troussés et tout aussi remplis de tracks regorgeant de soleil. On le répète, avec les Allah-las, on est confiant : des gars qui reprennent Alone again or de Love ne peuvent foncièrement pas être mauvais.
Allah-Las – La Nouvelle Vague – St Malo – Jeudi 17 août – 22h50
Magnetic Friends
Eux aussi au Fort, comme chaque année, les djs des Magnetic Friends auront également une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son voisin (parfois inconnu quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Comment ? Vous avez dit chenille ?
Magnetic Friends – Fort St Père – Vendredi 18, Samedi 19 et dimanche 20 août – de 18h à très tard…
Christophe Brault : la conférence
Le retour de Christophe à la Route du Rock sera forcément gagnant comme chaque année. Si vous arrivez à vous lever (14h c’est tôt en langage festivalier), on vous promet un chouette moment dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le samedi 19 août dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur C-Lab) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) l’histoire du punk, celle de ces ébouriffés percés d’épingles à nourrice qui en réaction aux développements précieux et perchés de leurs quasi contemporains décident de brancher les guitares sans même penser à les accorder. D’abord à New York avec d’essentiels prémices (Patti Smith, les Ramones, Richard Hell, Television…) puis dans la perfide Albion avec ces lads qui aiment mettre en avant leurs mauvaises manières -mais pas que- (Sex Pistols, Buzzcocks, The Clash). Un chouette moment en perspective.
Christophe Brault – Théâtre Chateaubriand, St Malo – Samedi 19 août – 14h00
Retour gagnant pour les sportifs (pas nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu, comme chaque année ce que deviendra la plage de l’éventail (en face du Palais du Gand Large) le dimanche 20 août de 13h à 17h pour la onzième édition de Sports are not dead sur le sable malouin. Techniciens, bénévoles, festivaliers et organisateurs s’affronteront une nouvelle fois dans un tournoi de foot sur sable en 16 équipes.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à à des initiations de Touch Beach Rugby , à un tournoi de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?) ou comme depuis l’an dernier vous essayer au Beach Volley. Sans oublier pour cette édition, une nouveauté : le Bloum (en gros une version moderne du Jokari) à tester au son de la sélection de DJ La Rouff.
Sports are not dead – Plage de l’Eventail, St Malo – Dimanche 20 août – 13h00
Tout ceci considéré, le vrai retour gagnant, on ne va pas se mentir, ce serait celui du public. Alors, on s’y retrouve ?
La Route du Rock Collection Eté 2017 aura lieu du jeudi 17 août au dimanche 20 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/
Et bah ça promet toussa! 🙂