Comme tous les ans, la pop assiègera de toutes parts le Fort St Père pendant la Route du Rock. « Petite sélection hautement subjective » (comme le dit MrB) de pop sautillante, parfois un brin barrée, qui transformera le Fort, on l’espère, en so pop lonely heart club band… Das ist Pop, mein Freund !
On commence sûrement par l’un des groupes les plus doués de sa génération, Tame Impala, indécemment attendu par toute la communauté pop malouine. La faute à un second album (mais le premier, Innerspeak -2010- n’était pas mal non plus !) Lonerism (2012) qui a affolé les radars du public et de la critique, grand moment de bordel farfelu, grouillant d’inventivité débridée, avec huit cent cinquante idées par morceaux, pas une de moins. Sur ce second album, Kevin Parker a affirmé avoir lâché les brides et arrêté de vouloir plaire à tout un chacun. C’est pourtant tout l’inverse qui s’est passé, l’album étant acclamé un peu partout. D’abord parce que sous leurs abords kaléidoscopiques, aux structures mouvantes et aux accents bigarrés, les morceaux de Tame Impala sont de vraies chansons. De celles qui n’oublient pas les mélodies insidieuses. De celles qui osent les refrains haut perché et n’omettent jamais de parler d’abord au cœur, avant de s’occuper de la tête et des jambes. Ensuite, parce que le groupe mené par Kevin Parker mêle dans sa marmite psychédélique mélodies pop, échos tourbillonnants et arrangements multicolores dont chaque milli-seconde fait l’objet d’une obsession maniaque. Des morceaux bien sûr marqués par les 60’s et 70’s, mais surtout terriblement actuels, finalement, dans leur son. On se réjouit donc de découvrir ces titres passés à la moulinette du live sur la scène du Fort. Et autant dire que devant les étoiles australes, le public risque fort de resserrer ses rangs.
Les gourgandins pop devraient se régaler avec les Local Natives. Si vous aimez Alt-J, BRNS, la fougue de Breton ou les sautillements à la Foals, vous devriez pareillement apprécier le quatuor de Los Angeles, dont les harmonies vocales à gorge déployée, les mélodies à l’évidence immédiate et l’énergie communicative sont autant d’invitations à sourire béatement dans un Fort St Père ensoleillé (si,si!). D’autant que les Californiens ont invité le guitariste et claviériste des National, Aaron Dessner à la production de leur second album, Hummingbird (2013), excusez du peu. Les bourricots de Californie savent vous trousser les mélodies finger in the nose avec une indécente facilité. Si vous restez de marbre sur Airplanes (Gorilla Manor, 2009) ou You & I (Hummingbird), autant dire que la pop ne peut rien pour vous.
Signés chez Bella Union, les Français de Concrete Knives devraient également faire se déhancher le Fort sur leurs hymnes pop directs et décomplexés. Les Normands aiment l’énergie du live, les refrains à reprendre à tue-tête (à retrouver sur Be Your Own King, 2012) et entrainent un bon paquet de fans qui font corps avec leur dynamisme débridé. Groupe de scène, bondissant et sautillant, les Concrete Knives arriveront peut-être faire danser les (souvent calmes et mesurés) festivaliers de la Route du Rock, grâce à leur investissement décomplexé et leur fougue aussi fraîche que désarmante.
Moins foutraques mais avec déjà 7 albums au compteur (et aussi un label Woodsist), les ingoolisables Woods de Brooklyn devraient également emporter les festivaliers dans leur univers. Autrement dit, une sacrée tripotée de chansons pop, à mi chemin entre pop folk sixties (de très loin, les Byrds sur Is it Honest) et indie pop, rappelant parfois dans leurs meilleurs moments les essentiels Shins (Cali in a cup). Sur leur dernier essai en date Bend Beyond, les gars avouent avoir pris davantage leur temps pour peaufiner leur son, contrairement à leurs enregistrements précédents qui privilégiaient la spontanéité. Leurs compositions s’y avèrent du coup plus abouties. Et devraient regagner en concert l’énergie que le groupe sait insuffler à ces vignettes pop-folk. Le vendredi, d’autres Américains, californiens, cette fois-ci, joueront à l’ombre des remparts : les Allah-Las. Leur premier LP a été produit par Nick Waterhouse. Et on gage que les quatre drilles feront surfer les festivaliers sur une pop west coast aux guitares surf et garage aux accents rétro. On est confiant : des gars qui reprennent Alone again or de Love ne peuvent foncièrement pas être mauvais. On finit avec deux garnements, qui respectant l’adage, n’ont pas attendu le grand âge pour nous botter les fesses. Ainsi, le jeudi, c’est le jeune Hollandais Jacco Gardner qui accueillera les premiers festivaliers. Ses pop-songs psychées à la Syd Barrett jouant d’arrangements raffinés et délicats entre Sagittarius et Zombies, sont rassemblées sur le bien nommé Cabinet of Curiosities (2013). Chansons précieuses aux orchestrations délicates un brin surannées, les morceaux du jeune Hollandais apparaissent comme baignés d’une sunshine pop toujours un peu voilée. A découvrir en live.
On finit donc avec l’encore plus minot de Caroline du Nord Jackson Scott (20 ans à peine) qui, tout en n’y ayant apparemment jamais mis les pieds, signe un Melbourne autoproduit, ressorti sur Fat Possum (en septembre en France) et dont l’écoute de quelques titres glanés ça et là nous rappelle les pérégrinations lo-fi d’un Bradford Cox (Deerhunter, Atlas Sound), ce qui est loin de nous déplaire. Avec ce qu’il faut de légères dissonances et de parties bancales pour nous emporter totalement, Jackson Scott se révèle prince du mid-tempo et de la chanson mélancolique teenage. Un peu crade, un peu tremblante, un peu lo-fi. Il se pourrait d’ailleurs bien que le moufflet soit l’une de nos révélations de cette édition.
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