L’ajout l’année dernière d’une seconde petite scène dans le Fort Saint Père avait permis de mieux rythmer les fins de soirée et surtout de nous offrir, au plus près, trois très belles prestations. La scène revient en version légèrement réhaussée avec, cette fois, deux concerts par soirée. Petits détails des réjouissances.
Pour son inauguration en 2011, la minuscule scène collée derrière la tour de la sono avait été gâtée au niveau de sa programmation. On avait donc pu y entendre avec une réjouissante proximité l’electro suave d’Etienne Jaumet, le rock acétique de Dirty Beaches et finalement pris en pleine face l’irrésistible tornade chamarrée de Dan Deacon. Carton plein donc au niveau musical pour cette inauguration. D’autant plus que ces concerts placés en toute fin de soirée, avaient permis de remotiver les troupes sur ces petites demi-heures d’interludes qui peuvent parfois être fatales même aux festivaliers les plus déterminés.
Nous sommes donc totalement ravis de voir l’expérience renouvelée et même étendue puisqu’il y aura désormais deux concerts par soirée : un premier en ouverture de site et un second à nouveau en fin de soirée. La scène a également été légèrement surélevée car il devenait effectivement difficile d’apercevoir les artistes quand la foule se faisait plus dense.
Les parisiens de Yeti Lane auront le redoutable honneur d’ouvrir le bal. Le trio devenu duo viendra jouer la pop vaporeuse de son second album qui, si elle est abondamment bariolée de rythmiques krautrock ou de dissonances shoegaze, n’oublie pas de garder en ligne de mire une évidence mélodique assez réjouissante. Rêvons un peu, avec un petit rayon de soleil, cela pourrait être une ouverture parfaite.
vendredi 10 août – 18h30 à 19h10
Plus tard dans la soirée, nous sommes très heureux de retrouver un de nos groupes chouchou. L’épatant duo guitare/basse Civil Civic, dont l’album Rules continue de revenir obsessionnellement hanter nos platines, devrait être la mise en orbite parfaite pour l’imparable doublette The Soft Moon/Squarepusher qui conclura ce premier soir. Avec leurs pelletées de tubes retors et irrésistibles, passant sans baisser un instant d’intensité du synth-post-punk à la new-wave-noisy, ces australiens expatriés ont toutes les armes pour donner un concert dévastateur qui devrait faire monter la température du fort de plusieurs degrés.
vendredi 10 août – 00h25 à 01h05
Le second soir nous offrira une association au tempo plus calme mais aux talents tout aussi prometteurs. Le duo Egyptology viendra d’abord poser son OVNI antiquo-futuriste sur le début de soirée du samedi. Olamm et de Domotic, activistes chevronnés de la scène électro-underground française, se sont associés pour bricoler à grand renfort de clavier vintage leur album «The skies», monument prog et electro-synthétique aussi imposant que captivant. Les risques d’hypnose collective sont donc au maximum. Venez donc vous perdre joyeusement dans le labyrinthe de la pyramide. Si vous parvenez jusqu’au tombeau du pharaon, le sarcophage risque bien de contenir une momie d’extraterrestre !
samedi 11 août – 18h30 à 19h10
Comme Daniel Johnston ou Roky Erickson, Willis Earl Beal fait partie de ces musiciens dont les vies brisées et les parcours chaotiques ont mis à rude épreuve la santé mentale. Ce chicagoen d’origine, que la dérive a mené à Alburquerque, y distribuait CD et flyers dans le fol espoir de se sortir de l’isolement où il avait progressivement plongé. Ces messages dans une bouteille seront finalement repérés par le magazine Found, ce qui lui vaudra suffisamment d’attention pour sortir en avril dernier un album Accousmatic sorcery. Y sont gravés douze blues bruts, minimaux et bouleversants dont le souffle lo-fi écorchera les oreilles sensibles des audiophiles mais dont la voix incroyable mettra sans dessus dessous ce qui privilégient l’émotion à la justesse. Sur scène, le bonhomme chantant seul sur des bandes devant un magnétophone à bandes à la réputation de livrer des concerts fiévreux et impressionnants. On y sera à coup sûr.
samedi 11 août – 00h15 à 00h55
La dernière journée s’ouvrira avec le français Judah Warsky. Comme Willis Earl Beal, il y a une petite histoire à raconter à laquelle le chroniqueur a bien du mal à résister, et comme son prédécesseur la musique vaut bien mieux que l’anecdote. Sachez donc que pour cause de blessure, ce droitier a composé Painkillers & Alcohol, son premier album solo sous la contrainte de ne pouvoir utiliser que sa main gauche. Réduit donc à l’utilisation la plus simple d’un seul clavier, il a brodé une pop envoutante, spatiale et spartiate. Le déchirant titre d’ouverture en équilibre entre Sparklehorse et Grandaddy nous a mis des frissons dans l’échine et la larme à l’œil. On n’en attend pas moins de sa prestation.
dimanche 12 août – 18h30 à 19h10
Pour finir en beauté, la scène accueillera finalement la grosse claque de nos dernières Trans Musicales : le canadien Colin Stetson
Même si vous ne le connaissez pas vous avez peut être déjà entendu ses talents de saxophonistes. En effet sur ces derniers années, il a enregistré et joué sur scène avec un nombre effarant de groupes connus et reconnus : Tom Waits, Arcade Fire, TV on the Radio, Bon Iver, Timber Timbre, Laurie Anderson, David Byrne, LCD Soundsystem, The National…
Cet américain installé à Montréal est donc un spécialiste du saxophone et de la clarinette, mais tâte aussi avec bonheur du cor, de la flûte et du cornet à pistons. En plus de participer aux albums des artistes sus-cités, il a aussi beaucoup tourné, aussi bien en première partie qu’avec les groupes eux mêmes. Il a également participé à de nombreux festivals de jazz.
Quand il se produit sous son nom, le bonhomme se produit généralement en solo, en jouant d’un monstrueux saxophone basse. Il utilise une technique bien connue des jazzmen ou musicien contemporain : le souffle continu.
Comme son nom l’indique, cette technique respiratoire permet d’expirer de l’air et donc de jouer d’un instrument de façon ininterrompue et prolongée. Au delà de l’exploit technique et physique que cela représente, cela permet à l’artiste un travail sur le son de son instrument, riche et stupéfiant. Stetson tape et claque de la bouche et des mains. Il fait craquer les clés pour obtenir de diaboliques rythmiques. Il obtient avec son instrument une gamme sonore stupéfiante de variété. La musique produite est unique et saisissante de richesse et de profondeur.
Les disques du monsieur sont de vraies aventures. Son premier album de 2008, New History of Warfare, Vol. 1 est encore un peu brouillon et plus restreint dans ses gammes, mais sonne déjà comme rien d’autre. Son second opus : New History Warfare Vol.2 : Judges, sorti en février 2011 sur Constellation (Godspeed you black emperor, Silver Mt Zion) a été enregistré par le boss du label. C’est une vraie merveille, à la fois étrange et puissant mais d’une accessibilité et d’une immédiateté étonnante. Il y joue seul, sans gadget, enregistré par une vingtaine de micros mais parfois accompagné avec classe par les voix de Laurie Anderson ou Shara Worden (My Brightest Diamond). Quatorze morceaux intenses et sublimes, qui malgré leur influence jazzy et contemporaine gardent une énergie rock emballante qui devrait convaincre même les plus réfractaires au sax.
Son dernier EP deux titres : Those Who Didn’t Run sorti en octobre 2011 toujours chez Constellation, confirme en deux longues plages racées et tendues, le talent et la forme du monsieur.
Malgré des conditions peu appropriées, son passage aux Trans avait été rien de moins que magique. Nous attendons donc avec une impatience fébrile de redécouvrir la bête en live.
dimanche 12 août – 00h15 à 00h55
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