Article : Marine
Le festival Retour d’image commence fort ! Samedi 15 janvier, la séance « Handicap et humour noir » n’a pas laissé les spectateurs indifférents. Et le débat qui a suivi s’est déroulé dans le calme et, surtout, dans la bonne humeur…
« Rire d’une personne handicapée, il n’y a guère que les enfants qui se le permettent », explique Diane Maroger, productrice de l’édition francilienne du festival. Elle poursuit : « Le handicap porte à faire rire selon les situations. Par exemple, une personne qui marche en zig zag comme si elle dansait. Mais on inverse le sentiment et on s’empêche d’en rire car on se dit « je n’aimerais pas être à sa place » ». Pourtant, pendant près d’une heure, les spectateurs ont rigolé de bon cœur en visionnant les cinq courts-métrages de la catégorie « Handicap et humour noir ». Un humour parfois cynique, notamment avec La joie du breton Philippe Thomas. Un film qui met en scène un infirme moteur cérébral en fauteuil qui, après avoir perdu une importante somme d’argent au jeu et s’être fait piquer sa copine par un myopathe, essaye de se tirer une balle dans la tête. Chaque tentative échoue pour lui. Malheureusement, ce n’est pas le cas pour le poisson rouge, le chat ou encore la voisine qui prennent les balles perdues…
Les autres projections adoptent le même ton. Un ton décalé à « prendre au deuxième, troisième, quatrième degré », selon Diane Maroger, en référence à Coming out de Louis Neethling, dans lequel un fils révèle son plus grand secret à sa mère : Il est sourd. Il en est maintenant certain, c’est ce qu’il veut être. Apprendre le langage des signes, mettre un appareil auditif… tels sont ses plaisirs. Le réalisateur joue avec les codes et crée ainsi une situation connue mais originale. A la fois drôles et touchants, les courts-métrages flirtent avec le « Politiquement incorrect » utilisant l’auto-dérision comme une arme fatale. Une image à peine exagérée quand il s’agit de Hands solo de William Mager. En effet, Hands Solo est sourd et est une star du porno. Ses mains sont une source de plaisir indescriptible pour chaque femme qu’il touche.
Politiquement incorrect ?
C’est bien connu. Au cinéma, on fait ce que l’on veut. Pourtant, les courts-métrages présentés lors du festival donnent une vision assez proche de la réalité. Non pas dans les situations burlesques qui sont montrées, surtout dans Ya Basta ! réalisé par Gustave Kervern, grolandais de référence. Mais dans l’humour. En effet, pendant le débat « Politiquement incorrect », certains se montrent assez cocasses… Ainsi, Richard Hernandez, infirme moteur cérébral et ancien membre du collectif « Handicapés méchants », critique la langue française : « Je ne supporte pas qu’on parle de personne handicapée en situation de handicap car il est difficile pour moi de le prononcer ». Sylvie Ganche, de son côté, est amusée par le fait de dire qu’elle est « une personne en situation de limitation visuelle ». « Je suis aveugle, quoi », poursuit-elle en souriant.
Une idée directrice se dessine rapidement lors du débat : il faut appeler un chat un chat. Une personne handicapée vit comme tout le monde mais avec un handicap et toutes les difficultés que ce dernier engendre. Cependant, il ne faut pas tomber dans le discours inverse et rendre les personnes handicapées plus fortes qu’elles ne sont. « Certaines personnes ont l’impression que, parce que nous sommes handicapés, nous devons être Super woman. Moi, quand ça va mal, ça va mal et on le sait. Mais les autres aussi ils le disent quand ils ne vont pas bien », indique une spectatrice.
Néanmoins, il y a plusieurs années, l’idée d’un super héros handicapé trottait dans les esprits de Marc Cantin, écrivain et coscénariste du film La joie, et Philippe Thomas. Ils en ont même fait une bande dessinée, « qui [leur] a valu quelques ennuis ». Un homme valide se transforme, en passant par une cabine téléphonique, en Super Handicapé pour sauver le monde. « On essaye de faire rire avec le handicap. Mais on n’arrive pas à faire rire tout le monde à chaque fois. Même les personnes handicapées. Tout le monde n’est pas d’accord avec ce que l’on fait et c’est normal. Ce qui est intéressant, c’est la diversité, c’est elle qui va changer effectivement l’image et faire évoluer les choses », conclut Marc Cantin.