Au lendemain de la victoire du groupe rennais Mermonte, lors du Tremplin des Jeunes Charrues qui se déroulait pendant le festival des Vieilles Charrues, retour sur l’interview que nous avait accordée Ghislain Fracapane en avril dernier, lors du premier concert de ce merveilleux groupe.
Nous avions découvert Mermonte lors de leur premier concert au Jardin Moderne en avril dernier. Le groupe a depuis fait (rapidement) son petit bonhomme de chemin, pour se retrouver 3 mois après vainqueur des Inrocks Lab 2012 et gagnant du Tremplin des Jeunes Charrues. Mais cette reconnaissance quasi immédiate s’appuie sur un petit bijou d’album, composé de pépites de pop orchestrale, limpides, intelligentes, mélodiques et racées avec ce qu’il faut comme ruptures et structures complexes pour nous captiver totalement. Un succès qui est né aussi après une série de concerts aboutis, captivants d’un bout à l’autre du set, avec la magie de voir 10 musiciens s’accorder ainsi à la perfection, quel que soit le lieu et le public (Jardin Moderne, Tremplin des Jeunes Charrues du Pays de Rennes, Fête de la Musique au Oan’s Pub, Finale du Tremplin des Jeunes Charrues à Carhaix). Et toujours cette impression d’assister à un concert unique, celui d’un groupe qui prend réellement plaisir à jouer ensemble.
Pour celles et ceux qui n’avaient pas eu l’occasion de lire et d’écouter l’interview de Ghislain Fracapane (l’initiateur du projet Mermonte), petit retour sur l’entretien qu’il nous avait accordé en avril dernier.
Ecouter l’interview :
Alter1fo : Tous les musiciens de Mermonte jouent dans plein de groupes différents. Comment vous avez eu l’énergie de monter encore un nouveau projet ?
Ghislain Fracapane de Mermonte : J’ai pas mal de temps, je suis professeur de guitare à la base. Et puis j’avais l’envie de jouer avec pas mal de gens. C’est un projet solo que j’ai depuis assez longtemps, donc je fais ça chez moi.
En fait, tu faisais ça tout seul chez toi dans ton coin ?
Oui, c’est ça, comme ça dans mon appart… Et puis j’ai des gens qui m’ont proposé de faire Mermonte en live.
Toi, tu avais déjà l’idée d’un album ?
Pas du tout ! A la base c’était comme ça, pour m’amuser…
Vous avez enregistré l’album et vous allez le sortir début mai, c’était quoi vos envies avec ce disque là ?
Le faire écouter à un maximum de gens. Et surtout, il y a pas mal de labels à l’étranger qui étaient intéressés… Donc voilà, au début c’était ça, l’envie. Je sais pas trop quoi dire là dessus ! (rires)
Et artistiquement, il y avait des envies particulières ?
Oui, c’était jouer avec plusieurs personnes ! Ça, c’était super intéressant. J’ai toujours eu un groupe avec 4 ou 5 personnes, donc là être à 10…
… Oui ,10 c’est quand même un autre truc ! (rires). Peux-tu nous parler un peu des autres musiciens ?
Il y a Pierre et Mathieu qui sont de Lady Jane, Matthieu le batteur, qui est dans Korkoj et qui remplace le batteur de Fago.Sepia pendant les tournées quand il n’est pas là parce qu’il est papa. Sinon, il y a des gens d’Heliport, des gens de Fago.Sepia, des chanteuses d’autres groupes, la violoniste de Dioz de Nantes, et voilà je crois que j’ai fait le tour…
Vous avez enregistré cet album dans un salon… On imagine à 10 ! Comment ça s’est passé en fait ?
On n’est pas dix dans le studio ! Moi, je suis seul à faire la basse, quelques batteries, guitare, chant, glockenspiel… Sinon, il y a Mathieu qui fait souvent la batterie, Eric à la batterie aussi, donc on doit être six en studio. On travaille en Re-Re. On ne fait pas ça en live.
C’est quoi Re-Re ?
Re-Re, c’est quand on fait une piste de guitare, ensuite une autre piste de guitare, puis une piste de batterie…
Et comment ça se passe pour mixer, c’est toi qui le fait ?
Non, c’est Pierre et Mathieu de Lady Jane, qui sont les ingénieurs du son de Fago.Sepia.
C’est toi qui compose. Comment ça se passe : tu as toutes les idées de début et après c’est les autres qui se mettent dessus ?
Je fais tout l’arrangement. C’est assez primitif la façon dont je compose. J’aime beaucoup la polyrythmie donc je travaille beaucoup dans le rythme, et après je pose les notes, et surtout j’harmonise un peu tout. Au début, c’est juste des rythmes, ou un riff de temps en temps, et après j’arrange tout.
C’est pour ça qu’en fait quand on écoute (même si on n’a pas pu tout entendre encore), on a l’impression que chaque instrument a sa partie, et que toutes les guitares ne font la même chose par exemple…
Non, voilà, c’est ça. Ça ne se fait pas souvent. Par exemple, dans des groupes comme Broken Social Scene, chacun fait à peu près la même chose. Là, ce qui est intéressant avec ce projet c’est que toutes les guitares font des choses différentes.
Alors justement, comment ça va se passer en live ce soir ? Parce que sur votre Bandcamp, c’est écrit qu’il y a encore des musiciens en plus en live. Donc vous avez réarrangé ?
Oui, certaines parties qu’on ne pouvait pas faire en live… On a aussi remis pas mal des violons parce qu’il n’y en avait pas assez à mon goût. On a réarrangé un tout petit peu. C’est un petit peu plus rock, du coup.
Il y a aussi le français. On est étonné parce qu’on a l’habitude que pour la pop orchestrale ça soit plus anglophone. Dans la chanson française, la voix est mixée vraiment devant. Avec Mermonte, ce n’est pas le cas du tout.
Non, la voix c’est plus un instrument qu’un lead.
Pour le français, moi ça me dérange un petit peu de faire de l’anglais parce que je suis très très mauvais en anglais. Après, je trouve ça intéressant parce que j’ai toujours vécu en France, donc je trouve ça un peu faux de faire quelque chose en anglais. J’ai donc essayé de faire quelque chose en français, même si ça n’a pas grand sens…
Oui, c’est plus les sonorités qui t’intéressent…
Oui, voilà c’est ça, exactement.
L’album sort sur les Disques Normal qu’on connaît bien ici, mais aussi au Japon et au Danemark !
Oui, pour la France il y a les Disques Normal mais aussi H!P H!P H!P à Lille, super label que j’adore. Au Japon, c’est le label Friend of Mine, le label de Fago.Sepia, et au Danemark c’est Father Figure Records. C’est fait par un type qui s’appelle Snævar, un projet qui s’appelle Dad Rocks.
Et comment ça se fait que vous sortiez un peu partout comme ça ?
Je leur ai fait écouter. C’est des potes aussi… Et ils ont aimé ! (rires)
La pochette, Mr B dit que ça le fait penser à David Hamilton (rires). Qui l’a faite et d’où vient-elle ?
C’est Pierre Judon de Aposiopèse. C’est un label de Bruxelles maintenant. C’est quelqu’un qui fait pas mal de photos. C’est vraiment bien ce qu’il fait. Je conseille à tout le monde de regarder.
Tu lui as donné des idées, des pistes, au départ avant de faire la pochette ?
Ah non, pas du tout. Je le laisse faire parce que j’adore son travail. Toutes les pochettes qu’il a faites, c’est vraiment excellent. Du coup, je l’ai laissé faire et il m’a proposé ça.
C’est plutôt chouette. On adore la façon dont il a intégré la police sur la photo. La photo est déjà belle d’emblée, mais avec l’écriture qui vient se superposer, la pochette est vraiment belle…
Oui, c’est vraiment bien. C’est assez original ce qu’il fait, je trouve, aussi.
Pour revenir à la musique, nous quand on écoute Mermonte, on pense aux Beach Boys, à Efterklang…
Efterkang, oui…
Tu disais aussi que tu aimais beaucoup Steve Reich…
Oui, c’est surtout rythmique. En fait, c’est la polyrythmie que j’adore chez Steve Reich.
Est-ce que tu peux expliquer pour ceux qui ne connaissent pas, ce que c’est la polyrythmie ?
On mélange par exemple deux temps différents. Par exemple, on a une partie en ¾ et une autre en 4/4, et on mélange. Du coup, ça fait quelque chose d’assez intéressant. Ça fait une boucle en fait. C’est basé sur la boucle. Tout ça, c’est des rythmes qu’il a pris en Afrique. Ce sont des rythmes africains et il a mélangé un peu tout ça avec l’influence occidentale et c’est devenu ça…
Et toi, c’est ce qui t’intéressait, de refaire la même chose dans la pop, ce qui n’est pas très courant d’habitude…
Voilà ce n’est pas très courant ! Après, ça se fait beaucoup dans le Math Rock ou des choses comme ça.
Là, tu en connais un rayon ! (rires) Mermonte joue aussi au Jardin Moderne demain soir. Ce sera les 15 ans de Kerozene. Tu peux nous dire les liens que vous avez avec Kerozène ?
On connaît surtout Kfuel. Moi, depuis que je suis à Rennes, je vais voir tous leurs concerts. J’allais voir leurs concerts au Mondo Bizarro. J’ai vu quantité de groupes grâce à eux. Donc ça m’a beaucoup influencé dans tout ce que je fais. Tout mes groupes, c’était à partir de Kfuel, à partir des concerts qu’ils organisaient.
Donc jouer avec Peter Kernel c’est plutôt bien ?
Je ne connais pas beaucoup, mais je n’entends que du bien d’eux !
C’est votre premier concert, on peut dire qu’il est très attendu ! A Alter1fo, on l’attend carrément… Mais il n’y a pas que nous en fait !
Oui, a priori il y a pas mal de gens… Je ne sais pas trop qui il y aura. Mais il y a des gens assez haut placés dans Rennes qui sont intéressés par le projet. C’est une petite pression quand même. Mais bon, après les répètes on était assez serein…
Vous allez jouer aussi pour le Tremplin des Jeunes Charrues à l’Antipode le 21 avril. Il y a d’autres dates prévues ?
Oui, le 26 ce sera à Nantes au Stakhanov. Le 27 à Paris pour le festival Indie Air organisé par un groupe de Paris qui s’appelle Apes Did Ensemble qui est vachement bien, avec This Town Needs Guns, un autre groupe vachement bien, un groupe anglais. Sinon quelques autres dates en novembre. En septembre, sûrement une tournée avec Dad Rocks, le boss du label Father Figure au Danemark, une tournée là-bas et quelques festivals qui ne sont pas encore sûrs…
On tiendra nos lecteurs au courant ! Pour finir : comment tu as eu envie de faire de la pop orchestrale alors que nous on te connaissait plutôt dans le math rock ?
Depuis tout gamin j’écoute les Beach Boys, les Beatles. Donc c’’est mes racines. Depuis que je suis gamin, c’est vraiment ce que j’aime…
Donc tu as été faire autre chose mais tu reviens à tes premières amours…
Oui voilà, exactement !
On t’avait posé une question avec Fago Sepia, on t’avait demandé les trois disques sans lesquels tu ne pourrais pas vivre, tu nous avais dit : Meet me in St Louis « Variations on swing » ,Up Up Down Down Left Right BA Start « And nothing is… » et la discographie de Street Smart Cyclist… Tu disais cependant que ça changeait souvent alors on a envie de te reposer la question…
J’aime beaucoup le dernier album d’Animal Collective, que j’adore. Il y a Liturgy, un groupe de black métal (rires). C’est génial ce qu’il font . Il y a beaucoup de mélodies en plus. C’est hyper original, j’adore en ce moment j’écoute que ça. Et Eyvind Kang, un album sur Tzadik, c’est ce qu’il y a de mieux pour l’instant !! (rires)
D’accord, on te reposera la question dans quelques mois et il y aura une autre réponse (rires) ! Merci beaucoup !
Merci beaucoup !
Interview : Mr B. et Isa. Photos : Mr B. et Solène. Transcript, montage sonore : Caro.
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Bandcamp de Mermonte : http://mermonte.bandcamp.com/album/mermonte
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