Retour sur les Embellies : Katerine & Stranded Horse @ L’Etage

Stranded HorseTiming au cordeau pour cette soirée. 20h30, on entre dans la salle tout en longueur de l’Etage, on se fraye un chemin, et on découvre Yann Tambour, déjà installé sur scène, assis à côté de ses instruments. Il s’apprête à débuter son set qui va nous ravir au-delà de nos espérances.

Une bonne moitié de la salle est remplie pour écouter les premières notes subtiles distillées à la kora, cet instrument à vingt cordes d’Afrique occidentale. Un son cristallin, une acoustique parfaite, et sa très jolie voix nous embarquent très rapidement. Pas de baisse d’intensité avec le changement d’instrument, Yann jouant en arpège sur sa guitare avec une fluidité et une virtuosité qui rappelle les notes jouées à la kora.

Et là, le set de Stranded Horse prend une toute autre dimension avec l’arrivée sur scène de Carla Palone, violoniste du duo Mansfield Tya, qui a collaboré sur deux titres de l’album Humbling Tides, dernier opus de Stranded Horse.

L’harmonie est parfaite entre les deux musiciens, entre accélérations conjointes de leur jeu et moments de douceur. Le chant de Yann a des sonorités irlandaises par moment, et on peut noter qu’il est particulièrement touchant lorsqu’il chante en anglais. Un morceau en français confirme cette impression, le chant se faisant alors beaucoup moins ample. Le violon de Carla nous fait penser à un moment au bruit des vagues, un environnement particulièrement présent dans l’univers de Stranded Horse.

Le duo a su nous transporter, et Yann peut alors jouer quelques titres seul. On apprécie le jeu de kora, qui a la particularité de permettre à Stranded Horse de jouer avec les silences. En effet, à la différence du jeu en arpège à la guitare, les notes jouées à la kora sont rapidement étouffées, ce qui donne des pauses, voire des ruptures dans les mélodies, ajoutant à l’intensité des compositions.

Le retour de Carla sur scène nous enchante à nouveau, et sa présence pour ce duo d’un soir est assurément une chance pour le public. Un set d’exception pour Stranded Horse. Et un véritable tour de force réussi par le duo, qui a su créer une qualité d’écoute sidérante chez un public qui était venu avant tout voir la prestation de Katerine.

Katerine

Une petite pause de 20 minutes, et déjà les lumières s’éteignent pour une prestation forcément très attendue. Les musiciens arrivent sur scène, on devine des silhouettes derrière un écran blanc, on entend la voix de Katerine sur Je m’éloigne d’autant que je m’approche, et là le rideau se lève… Katerine est sur une estrade, entouré de ses 4 danseuses/choristes. On entre de plein pied dans l’univers du trublion moustachu, qui part bille en tête sur les morceaux de son dernier album, Philippe Katerine. A l’exception des rappels, seul 100% VIP (de son album précédent) viendra faire une incursion dans ce set, puisqu’il va enchainer les courts morceaux de son dernier opus.

On attendait forcément l’artiste sur son côté fantasque, et il va jouer de son personnage en nous entrainant dans son univers si particulier. Il y a tout d’abord sa tenue de scène, faite d’une improbable association casquette bleue, survêtement vintage, kilt, chaussettes roses montantes et baskets à semelles compensées. il y a aussi une chorégraphie kitchissime de ses danseuses, qui miment des cœurs sur Des Bisous, ou réinventent le slow sur Vieille Chaine. Le tout associé à un jeu de scène loufoque de l’artiste. Un matelas pneumatique fait office de téléphone géant sur le titre Té-lé-phone. Il y a aussi le dialogue avec le public et les quelques petites boutades, notamment sur le tube La Banane où il rappelle au public « C’est moi le chanteur ».

KaterineMais il dissipe rapidement notre crainte de ne voir qu’un show Katerine. Il ne se laisse pas embarquer dans un verbiage inutile et reprend systématiquement la main après ses moments de dialogue avec le public. Il joue mais ne surjoue pas, et le personnage ne prend jamais le dessus sur le chanteur.

Preuve en est, le groupe n’est pas simplement là pour l’accompagner, les musiciens jouent au même plan que le chanteur, et contribuent largement à la réussite de ce concert. Tout comme les danseuses qui assurent de jolis chœurs (Liberté), et qui se donnent sans compter sur tous les morceaux dans un exercice physique impressionnant. Elles ne se contentent pas de gesticuler derrière Philippe : elles sont souvent présentes sur le devant de la scène, au chant comme à la danse, mais aussi dans un irrésistible jeu parodique de la langue des signes sur Le Rêve. Cette chanson mimée par les danseuses prend encore plus de relief sur scène, et c’est d’ailleurs une des particularités du jeu scénique proposé, comme autant d’illustrations des titres de l’album.

Dans son jeu de scène, Katerine n’est d’ailleurs pas en reste. Il faut le voir mimer les mouvements d’un sac emporté par le vent (Sac En Plastique), ou bien jouer avec les mimiques de joie et de tristesse sur Moustache. En plus de posséder un vrai talent d’acteur, on se rend compte aussi qu’il a un joli brin de voix, comme sur le nostalgique Vieille Chaine.

La prestation scénique du bonhomme nous permet de confirmer les impressions ressenties à l’écoute de l’album : sous des dehors dilettante, l’artiste est un gros bosseur. Les chorégraphies sont millimétrées, le set se déroule sans accroc et les improvisations sont maitrisées.

Mais la meilleure illustration du boulot fourni réside dans la partie musicale. Le groupe participe largement à la réussite du show avec une formation basse-guitare-batterie diablement efficace. C’est carré, talentueux, et les musiciens prennent un plaisir évident à jouer ensemble et avec le chanteur. Tout le set est très pop, parfois pop/rock (Morts-Vivants), parfois pop psyché (Musique d’Ordinateur).

Katerine

Fin du set, ou plus exactement de la première partie du set, essentiellement composé des titres de son dernier album. Quelques spectateurs lancent des bonbons en forme de banane sur scène, en guise de demande de rappel. Katerine nous offre alors un moment plus axé Chanson, avec quelques ancien titres de son album 8ème ciel (Des Etoiles, Bonjour) et le cynique Poulet n°728120 de l’opus Les Créatures.

Mais le set va prendre alors un virage très rock  : le groupe a réorchestré les titres de Robots Après Tout, et le résultat est assez surprenant et plutôt jouissif. Le 20-04-2005 (avec Marine Le Pen), morceau particulièrement anxiogène sur album, est ici beaucoup percussif et offensif. Philippe prend même une guitare pour se lancer dans une parodie de guitare hero sur Excuse-Moi, très hard-rock pour l’occasion. Derrière le jeu faussement gauche, il y a une réelle maitrise des accords, qui nous montre une fois de plus le gros bosseur derrière le trublion. Le tempo de Borderline est beaucoup plus rapide, et le jeu des 2 guitares remplace les petites boucles électros.

Il finit évidemment son set sur Louxor J’Adore, dans un boxer imitation jean du plus bel effet. Le titre, une fois de plus, est réarrangé à la sauce rock : et on prend un vrai plaisir à redécouvrir un morceau que l’on a déjà beaucoup entendu.

Philippe Katerine a su nous proposer un vrai moment de musique, pour un véritable concert pop/rock, maitrisé de bout en bout.

Pari audacieux de nous proposer deux univers si radicalement différents. Pari gagné pour les Embellies, qui ont su lancer le festival avec beaucoup de réussite.

Photos : Solène

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