On se régalait doublement à l’idée de revoir St Augustine à peine deux mois après son premier passage à Rennes au Sambre. D’abord parce qu’on attendait avec impatience son nouvel EP, June, A Maze et la présentation de ses titres sur scène. Mais aussi parce qu’il venait accompagné de deux signatures récentes du label, Hospital Ships et Zak Laughed : 3 raisons de se précipiter au Dejazey.
C’est tout d’abord Zak Laughed qui se présente seul avec sa guitare sur la petite scène du Dejazey, après un premier passage il y a deux ans dans ce même lieu. A l’époque, il était venu présenter son premier album, Last Memories of my Old House, à seulement 14 ans ! Un album particulièrement réussi, avec une voix aérienne sensible et des mélodies qui faisaient mouche. 3 jours avant la sortie de son nouvel opus, Love is in the Carpet, Zak nous propose en exclusivité les titres issus de cet album. Première constatation : le jeune homme a mûri, et sa voix en est le principal reflet. Celle-ci se fait beaucoup plus grave, et étonnamment assurée. Il y a une fêlure dans son grain de voix (le magnifique Sculpture of Birds) qui sonne si folk qu’on se demande si le gars ne vient pas directement de l’autre côté de l’Atlantique.
Les titres s’enchainent et on se dit qu’il n’y a pas que son timbre qui a mûri : les mélodies sont scotchantes et la maturité d’écriture est sidérante (rappelons tout de même qu’il n’a que 16 ans…).
Les morceaux possèdent une base folk (The Joke is on Me), teintée de pop (Unknown Meaning), et qui sonnent parfois très blues-rock seventies (Lucky Random). Il a déjà digéré nombres d’influences et nous propose son propre son avec une aisance qui n’a d’égale que son talent précoce. Il reprend même avec beaucoup d’humilité Old Man de Randy Newman dans une interprétation dont il n’a pas à rougir. Il y a aussi cette superbe balade, Dear Girl, digne des plus grands songwriters et le très mélancolique Last Teen Song pour finir en beauté le set d’un artiste plus que prometteur. Son jeu de guitare tout en sensibilité fait qu’on a du mal à croire qu’il joue ces titres pour la première fois ce soir.
On savait qu’il y avait un bastion folk à Clermont-Ferrand, on sait maintenant qu’il y a une relève talentueuse.
Vient le tour de François-Régis Croisier aka St Augustine. Il commence avec 14th of July et dès les premières notes, on replonge avec délice dans l’univers merveilleux de son premier album, Changing Plans. Il y a aussi le magnifique Let It Go avec cette voix aérienne si particulière, qui sait aussi être grave, avec des modulations d’une virtuosité rare. Et Polar Bears… Ce morceau est une pure splendeur sur album, et en concert… De ces associations voix/mélodie qui vous collent des frissons et vous humidifient les yeux.
Tout aussi convaincus que nous sommes par ces titres, on attend avec impatience les nouveaux titres de son EP, June, A Maze. Lors de l’interview qu’il nous avait accordé début mars (ici), il nous avait confié vouloir enrichir ces nouveaux titres avec quelques boucles afin de retranscrire les effets que l’on peut entendre sur disque. Il va notamment jouer le premier extrait de ce nouvel EP, User’s Guide, avec une petite appréhension du fait de le jouer sans la petite boucle électro qui rythme le morceau sur album. Mais d’un simple battement de pied, on en oublie la boucle d’origine et on se laisse embarquer dans cette balade rythmée.
Et puis il y a Move On. François-Régis l’avait joué avec Damien de Leopold Skin au Sambre, et on avait déjà beaucoup apprécié ce titre. Mais là, avec une pédale loop qui lui permet de reprendre le refrain par couches successives, la voix de François-Régis nous cueille littéralement et il finit à genoux, penché sur sa pédale, tout en continuant à chanter sans micro. Le genre de prestation qui vous fait bondir sur l’EP fraichement acquis, pour une écoute fébrile, avec cette douce sensation d’un relief supplémentaire sur les titres grâce à la découverte en live.
Un grand moment.
On avait découvert Hospital Ships avec l’album Oh Ramona !, sorti une première fois en 2008, et réédité en 2010 sur le label Kütu Folk. Une voix très haut perchée, des mélodies pop-folk accrocheuses, tout pour nous faire saliver à l’arrivée du nouvel album de l’ancien membre de Minus Story, Jordan Geiger. Accompagné par Lucas Oswald aux claviers et à la mandoline, il nous propose un set à la fois composé de titres du premier album, et de nouveaux morceaux issus de Lonely Twin.
ils ne sont que deux sur scène mais ils remplissent l’espace sonore avec une simplicité désarmante. Le jeu de guitare de Jordan est parfois tout en douceur sur des morceaux sensibles (Phantom Limb, I do Not Understand), parfois percussif sur des titres plus rythmés (Reprise, Baby for J.) avec un accompagnement énergique du pied. Le set est plus acoustique que sur album, et nous permet d’apprécier la voix unique de Jordan, torturée sur The Shots I Drank, douce et aérienne sur Phantom Limb. Et d’apprécier aussi le duo de voix formé avec Lucas sur ce dernier titre beau à en pleurer.
Pour le plus grand plaisir de François-Régis, Jordan reprend aussi There is a Light, un titre de Minus Story sur l’album No Rest For Ghosts. Et pour finir en apothéose, le splendide Carry On, une petite pépite à découvrir d’urgence sur leur dernier album : la tension tout en retenue en live acoustique contraste avec la redoutable montée en puissance sur album. On ne peut que remercier le label de nous avoir permis de découvrir ce formidable groupe américain, qu’il faut voir sur scène pour apprécier l’ampleur du travail de réorchestration en version plus acoustique.
On quitte cette soirée en se promettant de ne plus parler de ce merveilleux label, de peur d’être accusé de subjectivité. Réflexion faite, on continuera, parce qu’après écoute des 3 nouveaux albums de ces artistes, il faut se rendre à l’évidence : ce label exigeant ne l’est pas seulement dans la réalisation de ses pochettes cousues main. Il y a une véritable cohérence dans le choix des artistes figurant sur ce label, et un talent indéniable chez chacun d’entre eux.
A suivre très prochainement, Evening Hymns au festival Top of the Folk le samedi 28 mai à l’Aire Libre.
Pour en savoir plus sur le label et ses artistes : site de Kütu Folk
Photos : Solène
C’était tout aussi magnifique à Clermont! St Augustine en solo c’est déjà très beau, mais là, en groupe absolument rien à redire. C’était classe, assuré, touchant, entraînant… Parfait!
Et oui, moi aussi je me pose souvent la question: « j’écris encore un article Kütu Folk ? Mais j’en ai déjà fait un il y a un mois! » Et finalement je cède, parce qu’ils sont vraiment trop forts et qu’ils ont bien besoin de ces articles, même les plus modestes…