Charleroi, ville la plus moche du monde a décrété le New York Times. Un coup de poing pour Mochélan qui y est né et y a grandi. Nés Poumon Noir est un spectacle qui loin d’effacer la noirceur rend hommage à cette ville dans un clair-obscur slammé et à une génération dont la noirceur de l’avenir semble être le seul décor…

On pourrait presque se croire dans un documentaire ultra-réaliste. La scène du Vieux St Etienne est tendue de noir, la fumée s’immisce dans les interstices de la pierre, un froid sépulcral règne et l’installation vidéo en cours fait un joli zoom sur des poumons noircis qui respirent tant bien que mal.

Mochélan entre en scène dans un décor plombé. Contraste terrible entre ce slameur, immobile, droit comme un i devant son pied de micro, dans son costard ajusté et son acolyte de scène, Rémon Jr, en marcel blanc et chemise ouverte, qui jongle entre ses claviers et ses outils numériques.

Et le slameur par ses mots acérés, sa prose ciselée de fil noir va nous guider dans Charleroi, lui qui « aime sa ville sans compromis ». Dans Notre Ville, il scande cette « ville d’ouvriers, une ville de travailleurs, Une ville dépouillée mais pas une ville de pleurnicheurs ». La volonté, malgré la noirceur, de trouver un peu de lumière et d’espoir donne une teinte assez émouvante à ce texte. C’est le seul moment d’ailleurs où le dispositif vidéo voudra bien nous offrir quelques images en couleur…

Mochélan scande aussi l’absurdité de la situation politique en Belgique, l’absurdité de Pôle Emploi et de son répondeur détraqué… On relève aussi au milieu de ces cohortes de mots la question de la création poétique : « Gratter le papier, aligner les syllabes gagnantes » contre « mon carnet de rimes face à cette mascarade est pathétique ». Dans Karma, avant-dernière chanson du spectacle, le constat est sévère : « j tartinais des blocs de feuilles avec des larmes d’encre bleu / maintenant je chiffonne le papier 5 fois sur deux ».

Les textes sont effilés comme des lames de rasoir et même le karma ne vient pas à sa rescousse : « J rêvais d’un Karma positif pour une vie d’artiste prolifique / pas d’un cadenas, posé vite, entre les stries de ma propre éthique ». On étouffe presque sous ces mots sombres, ces rimes glaçantes et cette ambiance fin du monde…

La boule à facettes et cette chanson swing-pop sur laquelle nous sommes invités à fredonner le refrain seront notre bouffée d’oxygène !

Un spectacle sombre donc, porté par un artiste qui manie les mots et la langue comme personne, par un musicien qui offre un peu de légèreté aux thématiques pessimistes.
Si les dénonciations et les accusations sont nombreuses, l’artiste en prend son parti et plaisante, entre les textes. Sa complicité avec Rémon Jr donne aussi des bouffées d’oxygène régulières.

Quant au cadre, le théâtre du Vieux St Etienne, il se prêtait plutôt bien au décor mais le froid ambiant a sûrement exacerbé nos sensations et le côté sombre l’a emporté…

Mais trêve de mots, écoutez plutôt vous-mêmes et passez par Charleroi lors d’une prochaine escapade, juste pour tordre le cou aux clichés du New York Times.

Les prises de vues n’étant pas autorisées durant le spectacle, les photos sont issues du Kit Nés Poumon Noir produit par L’Ancre. 

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Festival Mythos (15-21 avril 2014)

Site de Mochélan et site du spectacle Nés Poumon Noir