Gaël Derive : rencontre avec un spécialiste du dérèglement climatique

Alter1fo : Le dérèglement climatique : phénomène naturel ou d’origine anthropique ?
G.Derive : Des variations climatiques, il y en a toujours eu : depuis que la planète existe. Par contre l’évolution climatique et l’évolution de la température sur le 20è siècle, ont été très fortes, brusques sur un temps très court. Selon les scientifiques, le soleil – donc l’activité solaire – a sa part aussi de responsabilité, parce qu’il a une activité qui est un petit peu plus forte sur le 20è siècle.
Mais au final, ce phénomène est fortement amplifié par l’homme, même s’il y a une petite part d’origine naturelle. L’homme avec toutes ses émissions de gaz à effet de serre comme le protoxyde de carbone, méthane… et ce dans différents secteurs d’activités : l’industrie, la production d’énergie, l’agriculture, l’habitat, les transports…
Les scientifiques et le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), disent que c’est plutôt 10% d’origine naturelle et 90% pour l’activité humaine.

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Alter1fo : A terme quelles sont les conséquences majeures de ce réchauffement ?
G.Derive : Il y a d’abord, le réchauffement en lui-même avec une augmentation de 1 à 6 degrés en moyenne d’ici à 2100.
En France, ce sera 1,5 fois supérieur à ça. Déjà ce qu’on a observé en France sur le 20è siècle, c’est 0,6 à 0,8 sur le nord de la France et jusqu’à environ 1,2 dans le Sud. (facteur 2 en France) et 0,7 au niveau mondial.
Le réchauffement induira donc des étés plus chauds, avec certains problèmes pour nous en France – canicule, problèmes des ressources en eau pour l’agriculture -, et des hivers plus doux.
La modification des conditions climatiques pourrait aussi avoir des conséquences sur la neige, En effet, les stations de sport d’hiver qui induisent une importante activité économique devraient subir d’importantes modifications. Toute l’économie induite par la neige sera stoppée d’ici quelques décennies. Ce sont certainement 20 à 30% des stations qui vont disparaître d’ici 2050 à cause de l’augmentation des températures. Il est donc indispensable pour les responsables de station de ski de repenser leurs offres.

Alter1fo : Quelles seront les conséquences pour les Pays du Sud ?
G.Derive : Par exemple, l’Afrique, qui n’est pour rien responsable de ce réchauffement ( responsable seulement de 2% des émissions au cours du 20è siècle ) présente beaucoup de problèmes de sécurité alimentaire aujourd’hui, et qui seront empirés à cause de ce dérèglement.

Les Pays développés pourront s’adapter, ce qui induira forcément un investissement monétaire, de quelques centaines de milliers d’euros. Ainsi, c’est l’économie qui va être bouleversée, poussée, mais malgré ces changements économiques importants, les pays développés pourront continuer à vivre. Mais par contre, les pays du sud auront du mal à s’adapter, leurs moyens étant infimes.

Alter1fo : Qui sont les responsables de ce dérèglement ?
G.Derive : Si on regarde sur le 20 è siècle, les pays qui ont initié ce dérèglement climatique, il y en a essentiellement deux : c’est les Etats Unis et l’Europe. Les Etats Unis représentent 30% des émissions cumulées sur le 20è siècle, et l’Europe c’est de l’ordre des 28 %.
Il faut vraiment donc que les Etats Unis mais aussi l’Europe jouent le jeu.

Alter1fo : Quelles sont les activités qui sont les plus responsables de ce réchauffement ?
G.Derive : En France par exemple, c’est essentiellement l’habitat et les transports qui représentent environ 50% des émissions de gaz à effets de serre, alors que sur l’ensemble de la planète, c’est essentiellement la production d’énergie, l’industrie et l’agriculture.

Alter1fo : Quelles avancées en matière de diminution des activités polluantes préconisez-vous ?
G.Derive : Les Etats Unis ces dernières années avec le gouvernement Bush n’ont pas évolué à ce niveau. Il s’est rien passé au niveau de l’engagement de Kyoto. Par contre certains états ont essayé de jouer le jeu par exemple la Californie qui s’est mis lui même des contraintes qu’il essaie de respecter, ce qui est plutôt positif. Par contre si on regarde les chiffres on constate que les E U qui s’était engagés à réduire de 7% leur émission, sont aujourd’hui à plus 15 %.
Ils sont encore loin même de la stabilisation des émissions. En Europe, nous sommes quand même un peu devant, nous avons réussi à stabiliser nos émissions, nous sommes mêmes à moins 2%. Ceci est notamment dû au secteur de l’industrie qui a pas mal réduit ses émissions. En Europe, on a deux secteurs qui sont en augmentation constante, il faut donc agir sur l’habitat et le transport.

Alter1fo : Quelle est votre opinion sur le rôle des Etats Unis ?
G.Derive : Chaque état est souverain et on peut rien lui imposer. Il risque d’y avoir des mouvements de populations des pays pauvres vers les pays riches et tout le monde sera donc concerné, même les Etats Unis.
Avec le gouvernement Bush, le climat a pris 10 ou 15 ans de retard, et Obama a peut-être des idées plus vertes, donc il va falloir attendre le sommet de Copenhague pour voir ce qui va se dérouler. On espère tous qu’il y aura des diminutions des taux de gaz à effet de serre.

Alter1fo : Qu’espérez vous du sommet de Copenhague ?
G.Derive : Des chiffres et des engagements très forts, des Etats Unis, de l’Europe et des pays développés. Le GIEC nous dit que d’ici 2020 il faut que les pays développés réduisent de 25 à 40 % de leur émission de gaz à effet de serre. Donc on espère tous que ces pays vont suivre.

Alter1fo : Quelles sont les premières solutions à votre avis ?
G.Derive : La sobriété pour réduire volontairement notre consommation d’énergie et donc l’émission de gaz à effet de serre. Parce qu’à partir du moment ou on est de plus en plus nombreux sur la planète et que chaque individu consomme de plus en plus, même les énergies renouvelables n’arriveront pas à suivre. En 2030, on sera exactement encore dans la même situation. Il faut donc qu’on consomme différemment. Ca passera par l’amélioration des capacités énergétiques, pour un même service il va falloir consommer moins d’énergie – énergies renouvelables, solaire, éolien – pour une sobriété et une efficacité énergétique.
Concernant le nucléaire ça pose des problèmes au niveau du développement durable et des écosystèmes, ainsi que du stockage des déchets nucléaires.

Alter1fo : Quelle est votre opinion par rapport à la taxe carbone ?
G.Derive : C’est plutôt bon, il faut qu’on réduise nos émissions de gaz à effet de serre. Soit on dit à la population de réduire leur émission mais concrètement il ne se passe rien. Soit on fait puissance 10 dans l’information et on joue vraiment le jeu et ça descend, soit la seule façon c’est de contraindre les gens sur du financier. Mais il serait intéressant de répartir en fonction des catégories sociales.


Alter1fo
: Pouvez-vous nous parler de votre livre, ainsi que de votre film ‘Odyssée du climat ?
G.Derive : Le but du film et du livre c’est de vraiment comprendre ce que c’est le dérèglement climatique en s’appuyant sur des chiffres fiables (du GIEC, de l’Agence nationale de l’énergie, de la FAO, CNRS, météo France) et faire un point de ce qu’on sait aujourd’hui, les incertitudes et les certitudes, ce qu’on observe aujourd’hui, quel pourra être le futur au niveau énergétique, quels sont les émissions, quels sont les secteurs d’ou ils proviennent, nous que pouvons-nous faire au niveau de nos transports, de notre habitat, de notre consommation, …

1 commentaire sur “Gaël Derive : rencontre avec un spécialiste du dérèglement climatique

  1. Fix

    Il faut absolument expliquer pourquoi ce sous-titre : limiter le réchauffement à 2°C.
    2° en plus sur l’ensemble de la planète, c’est déjà catastrophique. Au-delà, on ne sait pas grand chose de l’emballement possible (permafrost sibérien, méthane des océans, tourbes et forêts qui brûlent), on sait juste qu’on peut être dans un tout autre monde, à l’échelle d’une vie. Un monde où les hivers bretons ne seront pas forcément doux.

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