Parmi les dates de l’ambitieuse programmation musicale de reprise de l’Antipode MJC, celle du vendredi 19 novembre nous a tout particulièrement mis le sourire aux lèvres. Ce soir là vous pourrez en effet voir et entendre successivement sur la grande scène du lieu deux formations dont la haute valeur scénique n’est plus à prouver. Se succéderont ainsi les étonnantes et détonantes Bacchantes puis le formidable collectif suisse Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp dont on guettait le retour dans le coin avec fébrilité et qui revient en formation XXL. Revue en détails d’une soirée tout simplement immanquable.
C’était le 3 mars 2012 pour la mémorable première édition du Musiq’Alambic, encore au Jardin Moderne. En conclusion d’une déjà fort belle soirée, le collectif helvète Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp nous avait fait une démonstration éblouissante d’énergie scénique littéralement euphorisante. Le genre de concert dont on garde durablement des morceaux imprimés au fond du cerveau et qui vous accompagne longtemps après. Le genre de concert qui vous fait dire à la seconde où le troisième rappel s’achève : « Quand est-ce qu’on remet ça ? ». Il aura fallu attendre trois longues années, avant de les revoir le jeudi 14 mai 2015 de nouveau au Jardin Moderne mais avec Kfuel cette fois, et ce fut de nouveau un flamboyant et mémorable feu d’artifice.
La pandémie est passée par là en prenant bien son temps pour nous pouyrrir la vie et il aura fallu attendre six longues années avant d’avoir de nouveau l’occasion de retrouver cette belle bande sur une scène rennaise. Ce sera vendredi 19 novembre sur la grande scène du tout nouvel Antipode MJC et c’est tout simplement immanquable.
A l’image de leur musique, l’épatant patronyme Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp (ou OTPMD, pour les plus intimes) vient de la joyeuse collision entre les noms hauts en couleur des groupes traditionnels africains : Orchestre Tout Puissant Konono n°1, Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou… avec le plus iconoclaste des dynamiteurs d’art français. Cette formation est née à Genève dans une salle de concert assez épatante appelée La cave 12. L’envie de départ est de faire fusionner l’énergie de l’afrobeat ou du jazz-funk africain avec les dissonances et les expérimentations de la scène punk-noise. Cela donna une musique joyeuse et nerveuse à la fois, pleine de transe bariolée, de chaleur et d’aspérités, quelque part entre The Ex, Dog Faced Hermans et Fela Kuti. Autour de ce projet atypique, va se créer un collectif à la composition assez fluctuante et allant même parfois jusqu’à 13 personnes. Uniquement genevois à l’origine, le groupe s’internationalise avec des Français, un Anglais ou un Belge. Aujourd’hui (à peu près) stable, la troupe se compose de Liz Moscarola (chant, violon et tout un bric-à-brac fabuleux), Aïda Diop (marimba, percussions, voix), Maël Salètes (guitare, voix), Vincent Berholet (contrebasse,voix), Mathias Forge (trombone, voix), Vincent Bertholet (contrebasse, voix) et l’ex Dog Faced Hermans Wilf Plum (batterie, voix).
Un premier album sans titre auto-produit sort fin 2007. Il sera suivi du coloré The Thing That Everything Else Is About en juillet 2010 chez Redwig. Malgré leurs qualités et la présence de titres absolument fabuleux, les deux disques peinent à approcher ne serait-ce que de loin la puissance dégagée par la formation sur scène. Leur troisième album Rotorotor (clin d’œil aux vertigineux Rotoreliefs de Marcel Duchamp), sorti en avril 2014 chez Moi J’connais Records et leur quatrième Sauvages Formes sorti en avril 2018 remettaient les pendules à l’heure. Enregistrés au studio Toybox à Bristol par Ali Chant et produit par monsieur John Parish (PJ Harvey mais aussi Auguri de Dominique A ou It’s A Wonderful Life de Sparklehorse, Eels et Giant Sand…), les disques réussissaient l’exploit paradoxal de sublimer la bête en la domptant et ont squatté nos platines avec une régularité toute helvète.
En juillet 2021 sortait leur cinquième galette : We’re OK. But we’re lost anyway, cette fois sur l’excellent label Bongo Joe Records. De nouveau, l’album a tourné en rotations intensives tout l’été. Les compostions du maître d’œuvre de la bande Vincent Berholet (qu’on retrouve aussi dans Hyperculte) sont de nouveaux particulièrement inspirées. Étirant les titres en de vertigineuses et réjouissantes spirales rythmiques, il dresse un portait aussi féroce que joyeux de notre époque. Ce disque assez précieux nous invite à la transe tout en n’occultant pas les noirceurs du temps et ce n’est pas un mince exploit. Nous nous languissions donc à nous fendre l’âme de savourer enfin ces merveilles en live. Comble du bonheur, la formation jouera cette fois en version à douze musiciens. Chaque instrument sera ainsi doublé pour deux fois de puissance et de bonheur. Merci un million de fois à l’Antipode de nous en donner l’opportunité.
La soirée sera d’autant plus immanquable qu’elle sera complétée le singulier quatuor Bacchantes. Alliance parfaite dont l’évidence limpide nous a frappé à l’annonce de la date. Nous suivons de très près et ce, depuis ses débuts, cette formation. Il faut dire qu’il est issu de la rencontre de quatre femmes qui ont déjà largement prouvé talent et inspiration dans nombre de formations que nous apprécions au plus haut point. Le piment dans l’histoire est que les quatre dames viennent d’horizons fort différents et que la largesse du spectre musical couvert par leurs expériences précédentes a tout pour nous titiller l’oreille.
De gauche à droite, on retrouve donc dans Bacchantes : Amélie Grosselin à la voix et la guitare (Fordamage), Astrid Radigue à la voix et la batterie (Mermonte), Faustine Seilman à la voix, à l’harmonium indien et au clavier et enfin Claire Grupallo à la voix, à l’harmonium indien et au clavier (Sieur & Dame). De Nantes à Rennes et inversement, de la chanson lyrique à la pop alambiquée en passant par le noise rock, la variété de profils du groupe promettait de belles étincelles et nous n’avons pas été déçu. Nous avons en effet eu le bonheur d’assister à plusieurs de leurs fiévreuses prestations scéniques (dont un concert assez magique aux Embellies 2019) et nous avons complètement été conquis par la fougue et l’énergie que dégagent nos quatre prêtresses de Bacchus. Le premier album sans titre mais pas sans fougue de la bande est sorti chez Figures libres Records le 5 février 2021 et nous vous en avions loué avec ferveur dans nos chroniques confinées toutes les qualité.
La combinaison de ces deux formations qui ont déjà fait à maints reprises la preuve de leur grande qualité scénique, dans le somptueux écrin de la grande salle de l’Antipode, est une des plus belles promesses de ce très riche mois de novembre. Répondrez-vous à cette imparable rendez-vous ?
Vendredi 19 novembre 2021 – Antipode MJC, La grande scène, 75 Av. Jules Maniez Rennes- 20h
Tarifs : Pass Sortir : 5€, en prévente : 14€, sur place : 17€
Abonné·e offre Admit : 12€
(sur réservation auprès de Marie à marie.levron@antipode-rennes.fr)