[chroniques confinées] Premier album de Bacchantes

Confinées mais pas mortes, les scènes musicales rennaises continuent de vivre malgré la morosité ambiante et la privation de concert jusqu’à date indéterminée. Histoire de soutenir celles et ceux qui se bagarrent pour continuer de défendre une vision frondeuse et indépendante de la musique, nous vous proposons quelques chroniques de disques plus ou moins locaux à découvrir dans le respect des gestes barrières aux grandes plateformes. Pour cette nouvelle étape musicale, on vous cause du premier album sans titre mais pas sans fougue du quatuor Bacchantes.

Nous suivons de très près et ce, depuis ses débuts, le singulier quatuor Bacchantes. Il faut dire qu’il est issu de la rencontre de quatre femmes qui ont déjà largement prouvé talent et inspiration dans nombre de formations que nous apprécions au plus haut point. Le piment dans l’histoire est que les quatre dames viennent d’horizons fort différents et que la largesse du spectre musical couvert par leurs expériences précédentes a tout pour nous titiller l’oreille.

De gauche à droite, on retrouve donc dans Bacchantes : Amélie Grosselin à la voix et la guitare (Fordamage), Astrid Radigue à la voix et la batterie (Mermonte), Faustine Seilman à la voix, à l’harmonium indien et au clavier et enfin Claire Grupallo à la voix, à l’harmonium indien et au clavier (Sieur & Dame). De Nantes à Rennes et inversement, de la chanson lyrique à la pop alambiquée en passant par le noise rock, la variété de profils du groupe promettait de belles étincelles et nous n’avons pas été déçu. Nous avons en effet eu le bonheur d’assister à plusieurs de leurs fiévreuses prestations scéniques (dont un concert assez magique aux Embellies 2019) et nous avons complètement été conquis par la fougue et l’énergie que dégagent nos quatre prêtresses de Bacchus. Après une longue attente voici donc, enfin, le premier album de la bande. Il est sorti chez Figures libres Records le 5 février 2021 et il réussit l’exploit de parfaitement capter la vivacité et la singularité de leur musique.

Bacchantes@bonus7

En 2003, les canadiens de The Silver Mt. Zion… (groupe formé par le trio Efrim Menuck, Sophie Trudeau et Thierry Amar en parallèle de Godspeed you! black emperor) sortaient sur le fameux label Constellation un album singulièrement saisissant de fanfare post-rock avec chorale : « This Is Our Punk-Rock, »… Une vingtaine d’années plus tard, nos quatre dames auraient pu accoler la même malicieuse déclaration d’intention à ce premier disque. On retrouve en effet dans les dix titres du disque de Bacchantes cette même volonté farouche de garder une énergie frondeuse et méchamment rock sans se soucier nullement des gimmicks habituels accolés généralement au genre. Elles mêlent ainsi dans leurs compositions arrangements vocaux d’une somptueuse richesse, chœurs médiévaux, rythmiques tribales, orgue hypnotique ou atmosphérique et riffs de guitare affutés comme des tranchoirs. Le remarquable travail sur les textes achève de singulariser la musique de Bacchantes. On y retrouve des poèmes empruntés à quelques grands auteurs (Paul Verlaine, Blaise Cendrars, De Nerval…), mais aussi quelques créations originales comme le tubesque ovni Héllébore Fétide et son texte minimaliste et bien barré (On va mourir / En pleine puissance / décomposés parmi les bêtes / Elles retrouveront / Sous les pavés / Nos corps à moitié digérés). Cette approche follement personnelle et cet équilibre entre sensibilité mélancolique et abrasivité rageuse nous évoque tout autant celle des formations issues de la scène des 90’s à Louisville (Slint, Rodan, The For Carnation…) que l’ampleur et la force d’émotions de certains titres de Dead Can Dance. Évocations à classer davantage dans la démarche que dans la forme tant les Bacchantes se forgent au fil de la quarantaine de minutes du disque une identité aussi frappante qu’unique. Avec un sens du collectif palpable à chaque note, elles bâtissent un univers vaste et hypnotisant où se nichent aussi bien la fureur que la beauté. Ne loupez donc pas l’occasion de vous plonger dans un des univers musicaux les plus fascinants et vivifiants de ce premier trimestre 2021.

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