Arrêtez le monde, je voudrais descendre se joue dans une baraque en bois sur le site Guy Ropartz. On entre avec curiosité…
On prend place sur des gradins installés en U autour de la scène ou au balcon, sur ces balustrades surplombant l’espace scénique. Ce dernier est occupé par une structure métallique à panneaux de bois. Juste devant, un rideau de toile blanche en arc de cercle maintenu par des filins cache le devant de la scène.
Des bruits nous parviennent : de souffleries, de chaînes d’usine ou de fonderie… L’éclairage, composé de petites ampoules blanches, est parcimonieux, intimiste même. Nous voici au cœur du monde Dromesko.
Un monde sur deux plans
Le spectacle alterne les tableaux et les lieux. Le devant de la scène occupé par des personnages et des animaux (chien, chèvre, cochon, âne, poule, poisson rouge) qui discutent entre eux, assis sur des mini-chaises autour d’une table basse.
Effet salle d’attente décalée au tout début : hommes, femmes, animaux et un homme en blouse blanche qui vient les chercher un à un. Mais qui soigne-t-il ? l’homme ou son animal de compagnie ? La salle d’attente se transforme au fil des scènes en salon de discussion entre un homme et une femme, qui livrent des bribes de vie aux couleurs de Bourdieu ou de Dubillard.
Et puis, il y a cette structure métallique, où se joue aussi le spectacle. Ce manège du monde enchanté et parfois désenchanté, qui tourne, grince, vibre, accélère…sous les manipulations attentives de l’homme en bleu, grand ordonnateur perché sur la structure et qui actionne les panneaux de bois nous permettant d’entrer par le regard dans ce manège. Un Deus ex machina forain, spécialisé dans les sacs de sable.
Ritournelle de bribes de vie
Le manège tourne et les scènes se succèdent, alternant tableaux poétiques, musique, images cocasses et fantaisistes.
Images d’automne, avec ce SDF nu sur un banc, ce coq de concours plumé qui picore sur scène et cette contorsionniste dansant dans une poubelle.
Images d’alcôve, avec le manège dont le sol revêtu d’un drap blanc nuptial laisse place aux ébats sensuels et acrobatiques d’un couple.
Images étranges des musiciens ayant la tête dans le mur, en résonance avec ces têtes d’animaux empaillés : qui est donc le trophée de chasse de l’autre ?
Images médicales avec cette plongée dans une chambre d’hôpital décalé où l’infirmière fait les poches d’un cadavre et où les malades sous perfusion de vin rouge fument des gauloises.
Un monde qui donne le tournis ?
On suit avec étonnement et délectation ces immersions dans des mondes étranges et décalés. Quand l’homme devient animal, avec un simple masque. Ritournelles musicales avec ces musiciens jouant accordéon, contrebasse, cymbalum, violon et violoncelle, au gré des scènes avec mélancolie et étrangeté.
Ritournelles structurelles avec ce manège s’ouvrant et se refermant au gré des scènes, se transformant en salle de bain, en hôpital, en chambre nuptiale. Ritournelles de petits mondes qui s’ouvrent et se referment, en nous entraînant à chaque fois, au gré de cette musique lancinante.
Jusqu’au tournis quand Lily, icône en robe blanche, marche à contre-sens de personnages gris, se faisant arracher au passage des lambeaux de robe, laissant apparaître un tissu rouge, comme une chair sanguinolente…
Jusqu’à l’angoisse produite par ce battle de hip-hop de l’homme-animal en gris. Il virevolte, chute, se relève, et meurt sous les yeux de ses congénères.
Moment intense où le public est happé par le propos dramatique. Où l’on voudrait ne pas assister à la scène mais la structure nous y oblige, refusant désespérément de refermer ses panneaux, comme si elle nous forçait à regarder…
Echappée belle
Mais le manège ne s’arrête pas sur les drames de la vie, il repart de plus belle avec les musiciens prompts à jouer une ritournelle plus entraînante et plus joyeuse ! Les guirlandes d’ampoules colorées s’animent, les chevaux de bois du manège ont repris leurs places naturelles et les artistes rejoignent ce monde joyeux et truculent.
Et si, par chance, vous les aviez croisés durant le spectacle, peut-être serez-vous inviter à monter sur ce manège et faire un tour dans le monde Dromesko !
Arrêtez le monde, je voudrais descendre ? non, on voudrait plutôt y rester tant le monde Dromesko nous enchante ; on voudrait même remonter sur ce manège insolite et audacieux et refaire un tour !
Et si vous voulez en savoir plus sur ce Théâtre Dromesko et découvrir toutes les facettes de leur monde, jetez un oeil malicieux sur leur site : http://www.dromesko.net/