Mythos : retour sur Zone Libre & Del Cielo @ L’Antipode

Del Cielo

Il y a foule devant l’Antipode ce jeudi soir. On arrive juste à temps pour voir entrer sur scène le duo Del Cielo, Cécile Bellat aka Liz Bastard et Gaël Desbois. Dès les premières notes du titre Et Quoi Encore, on remarque un contraste saisissant entre la fragilité de la frêle Liz et les notes saturées qu’elle délivre à la guitare. Gaël rythme les morceaux à la batterie, debout, légèrement de profil. Le duo enchaine sur le morceau Sur Des Braises qui est aussi le titre de leur deuxième album qui vient de paraitre. Le groupe va nous proposer un set qui est essentiellement issu de cet opus à une exception notable près, dont on reparlera un peu plus tard.

Ce qui est assez surprenant, c’est de constater que les saturations à la guitare sont presque étouffées. Il n’y a pas de déluge sonore, juste une ambiance très orageuse. Ca a le mérite de mettre en avant le chant particulier de Liz, ou plutôt l’absence de chant. Difficile de décrire la manière qu’elle a de poser des mots, qui sont avant tout scandés, parfois chantés, voire murmurés.

On retrouve aussi l’esprit de l’album, et on comprend mieux le côté tendu, mais retenu à la fois, en voyant les artistes jouer. Liz utilise ses pédales pour empiler par couches successives les riffs de guitare pendant la première partie des morceaux (Vers le Vide). Puis elle laisse le chant pour nous proposer des ponts en noisy délicate (si, si !), comme sur Casoretto. Elle y ajoute parfois quelques touches électros (Laisse Moi). Elle délaisse aussi sa guitare sur le très joli La Densité, en jouant avec ses pédales pour enrichir les morceaux de différents évenements sonores.

Del Cielo & Arm

Le jeu de batterie de Gaël est épuré et subtil. Il utilise des baguettes hybrides, entre baguettes classiques et balais qui donnent une rythmique parfois rèche, parfois douce. Son jeu peut se faire légèrement dansant, comme sur le titre Les Rêves à l’Envers, mais l’ensemble reste très tendu, à la limite de l’explosion.

A la fin du set, le duo nous fait un joli cadeau en invitant Arm à venir sur scène pour les deux derniers morceaux. Liz ne cache pas son admiration pour l’artiste, qui a collaboré sur deux titres de leur premier album, Sous les Cendres. Liz et Arm vont notamment reprendre en duo l’un des titres de cet opus, Faut Pas Lâcher ça, en alternant le lead du chant, pour un moment qui nous colle des frissons, avec ce timbre de voix grave qui marque de son empreinte ce morceau.

Un joli moment proposé par le duo Del Cielo, qui a réussi à retranscrire sur scène l’orage tout en retenue qui gronde sur leur album.

Les rangs clairsemés se resserrent brusquement à la fin du concert, l’attente est palpable. Certains sont là pour Serge Teyssot-Gay, d’autres pour Casey, mais la grande majorité du public semble être venue pour Zone Libre, ce nouveau projet entre rock et rap, qui laissait de belles promesses sur album. On est directement cueilli par le terrible Vengeance, morceau au long cours qui finit dans un véritable cri. Ovation dès le premier morceau, le set est parti sur des bases très élevées, et on se dit qu’il va leur falloir tenir le rythme ; Ce qu’ils vont faire durant 18 morceaux sans aucune baisse d’intensité.

Zone Libre vs Casey & B.James

La réussite du concert tient en peu de mots : l’harmonie du mélange de deux univers, rock et hip-hop. On pense bien sûr à Rage Against The Machine, même si le flow de Casey et B.James est singulièrement différent de celui de Zach de la Rocha. Peu d’artistes en France réussissent la fusion des deux genres, qui nous parait pourtant si naturelle à la fin du concert de Zone Libre.

Il faut dire qu’il y a du talent à revendre chez les membres du combo. Le trio guitares (parfois basse) / batterie fait des ravages. Les riffs de Serge Teyssot-Gay au début de chaque morceau sont imparables (Si tu m’demandes, Purger ma peine, A la Seconde près…). Il a cette capacité à donner en quelques notes une identité au morceau. Les riffs sonnent clairement rock et le groupe se donne le temps d’installer musicalement chaque titre. Marc Sens délaisse parfois sa guitare pour une basse, dans une parfaite complémentarité avec Serge, qui prend beaucoup de plaisir à jouer avec les cordes basses de sa guitare. Sur Carnet de ma Cage, Serge, accroupi, joue sur les effets en triturant ses pédales pendant que Marc sature sa guitare tout en frottant les cordes avec une baguette. Cyril Bilbeaud n’est pas en reste avec un jeu de batterie punchy et surtout hyper efficace. Le groupe se fait plaisir en étirant chaque morceau dans un final apocalyptique.

Casey

Et puis il y a le duo Casey et B.James. Un flow chirurgical, ciselé et imparable. On prend chaque mot comme on prend autant d’uppercuts. Un discours sombre, réfléchi, sans concessions. On est à mille lieues d’une forme de rap qui s’enferme dans la plainte et l’apitoiement. Ici, le duo nous propose juste un constat glacial, cynique et violent sur une société qui rejette, qui exclue et qui broie.

La présence scénique de Casey est sidérante dès le début du set. Son regard est littéralement habité, ses pas de danse complètement en phase avec la musique. Elle occupe la scène avec une force peu commune. B. James est un peu plus en retrait pendant la première moitié du concert, mais il va progressivement se lâcher pour finir sur le même rythme que sa complice d’Anfalsh. Les deux membres du crew se connaissent bien et ça se voit (et s’entend). Chacun joue en alternance le rôle de backer de l’autre, avec une virtuosité qui témoigne d’une solide expérience scénique commune.

Le flow profondément grave de B. James s’associe parfaitement avec celui ciselé et offensif de Casey. Le duo est en symbiose avec les déflagrations sonores du groupe, et leur flow devient même très rock sur le final des titres, et de plus en plus rageur au fur et à mesure que le set défile. L’association des deux genres musicaux est telle qu’on ne voit plus un collectif, mais plutôt un seul et même groupe sur scène, complètement en phase et concentré sur son sujet, même quand un abruti aviné, visiblement là par hasard, monte sur scène.

Le set s’achève sur un riff qui sonne très Noir Désir, sur lequel Casey présente chacun des membres du combo, après avoir invité le public à lever les mains en l’air. Fin du concert. Demande de rappel appuyé de la part du public. Sans réussite, ce qui est plutôt une bonne chose : en près de deux heures, tout a été dit.

En sortant de la salle de L’Antipode, on espère sincèrement ne pas avoir assisté au fruit d’une rencontre éphémère entre ces deux univers. Une telle réussite dans la fusion des styles musicaux est si rare, qu’elle ne peut que se prolonger…

Photos  : Solène

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1 commentaires sur “Mythos : retour sur Zone Libre & Del Cielo @ L’Antipode

  1. Isa

    et dire que j’ai loupé ça…………………………………………………… merci en tout cas, pour les photos et le compte rendu qui me font y être un peu quand même…

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