Nous avions découvert Mermonte lors de leur premier concert au Jardin Moderne en avril dernier. Le groupe a depuis fait (rapidement) son petit bonhomme de chemin, pour se retrouver 3 mois après vainqueur des Inrocks Lab 2012 et lauréat du Tremplin des Jeunes Charrues. Mais cette reconnaissance quasi immédiate s’appuie sur un petit bijou d’album, composé de pépites de pop orchestrale, limpides, intelligentes, mélodiques et racées avec ce qu’il faut comme ruptures et structures complexes pour nous captiver totalement.
Un succès qui est né aussi après une série de concerts aboutis, captivants d’un bout à l’autre du set, avec la magie de voir 10 musiciens s’accorder ainsi à la perfection, quel que soit le lieu et le public (Jardin Moderne, Tremplin des Jeunes Charrues du Pays de Rennes, Fête de la Musique au Oan’s Pub, Finale du Tremplin des Jeunes Charrues à Carhaix). Et toujours cette impression d’assister à un concert unique, celui d’un groupe qui prend réellement plaisir à jouer ensemble. Vous avez pu redécouvrir l’interview de Ghislain Fracapane au lendemain de la victoire de Mermonte (lire ici). En effet, Ghislain est à l’origine de ce projet, patiemment mûri pendant de nombreuses années.
Mais circonscrire Mermonte au seul projet solo de Ghislain Fracapane serait une erreur. Car si Mermonte existe en dehors de son appartement, c’est d’abord parce que le guitariste rennais a eu envie d’une réelle rencontre avec d’autres musiciens, de jouer avec ses amis. Et c’est ce qui nous a frappé en live : il y a réellement autre chose que de la technique qui passe entre ces musiciens. Nous avons voulu en savoir plus sur ce merveilleux groupe, en rencontrant Pierre Marais (chant, guitare), Eric Hardy (batterie) et Astrid Radigue (chant, glockenspiel), quelques minutes après leur concert sur la scène des Jeunes Charrues. Interview.
Alter1fo : Quelles sont vos premières impressions après ce concert aux Vieilles Charrues ?
Eric : On vient de sortir de scène il y a 5 minutes, ça frôle la perfection, au niveau de l’accueil, des conditions hyper confortables. Et là, un live parfait avec un public qui applaudit pendant et entre les chansons, c’était parfait ! Et puis une aussi grande scène, je n’avais personnellement jamais connu ça, c’était donc un gros frisson !
Astrid : Je me suis régalée, j’ai passé un excellent concert, le soleil était présent, les gens avaient le sourire, il y avait du monde ! On avait un peu peur de ça, car on jouait à 15 heures.
Pierre : Moi c’est a peu près tout ça réuni ! (rires)
C’est Ghislain Fracapane qui a monté le projet Mermonte. Comment vous êtes-vous trouvés associés à ce projet ? Vous avez notamment tous les trois participé à l’enregistrement de l’album.
Eric : Je connais Ghislain depuis une dizaine d’années : on a joué ensemble dans le même groupe, Heliport, je jouais de la batterie.Il m’a fait écouté une maquette de son projet, en me demandant d’y participer, et j’ai plongé !
Astrid : Je connais Ghislain depuis un bon petit moment maintenant : il m’ a proposé de poser les voix, les choeurs un peu plus féminins, et j’ai dit banco !
Pierre : Je le connaissais depuis les Fago Sepia, où j’avais enregistré avec Mathieu (ndlr : Mathieu Fisson, bassiste de Mermonte) les premières maquettes, on bosse depuis pas mal de temps ensemble. Ses morceaux, il les avait déjà à l’époque : au tout début de Fago Sepia, il commençait à bosser sur ses petites maquettes. On enregistrait deux, trois bricoles à la maison, et, de fil en aiguille, on l’a poussé pour qu’il monte son projet. A force de le lui rabâcher, on a monté le projet ! J’étais là pour enregistrer le disque et ça s’est naturellement enchainé sur les parties de guitare.
Avec Mathieu tu t’occupe du son de Fago Sepia, c’est ça ?
Pierre : Oui on se partage les live de Fago Sepia avec Mathieu, quand l’un ou l’autre est dispo.
Il a vraiment fallu pousser Ghislain ?
Pierre : C’est quelque chose qu’il faisait tout seul. Il y a des morceaux qu’il avait depuis longtemps, comme « We’re On the Same Way ». Le fait que l’on se soit tous mis à faire l’enregistrement nous a permis d’avancer vraiment sur le projet, de structurer les choses. Ca a donné un élan, on était tous derrière et au final, ça c’est fait assez naturellement.
Eric : Le groupe s’est formé pendant l’enregistrement en quelque sorte ! L’enregistrement a duré plusieurs semaines.
Pierre : On a dû commencer en mai de l’année dernière et on a fini les dernières prises quasiment avant le mix final.
Eric : En tant que musiciens, on est arrivé comme exécutants. En cours d’enregistrement, Ghislain nous a demandé si on pouvait faire des prises de son sur des compos qu’il était en train de faire.
Pierre : A la batterie, Mathieu avait des morceaux où il enregistrait la ligne principale et il a réécrit derrière les parties de batterie et les a bossées avec Eric. Quasiment tout est enregistré par Ghislain, on est venu en musicien additionnel : Astrid pour faire les flûtes, les voix, Eric, les batteries, et moi sur des éléments percussifs et des voix.
Et vous aviez anticipé l’ajout de musiciens pour le live ?
Pierre : Ghislain a réorchestré l’ensemble, il avait a peu près le nombre de musiciens qu’il voulait : il fallait réarranger les guitares classiques et acoustiques, les parties pour violon et violoncelle, les parties de batteries…
Eric : Ces deux batteries n’étaient pas prévues au départ : c’est en écoutant les pistes et le travail que l’on avait à faire dessus. On s’est réunit tout les deux et on s’est dit qu’une grosse caisse devait suffire, mais on avait besoin de deux caisses claires, de deux toms basse, donc la partie batterie a pris forme par rapport à ce que l’on a écouté pour pouvoir jouer en live.
Avec cette disposition particulière, les deux batteries au centre de la scène, face à face.
Eric : On trouvait ça cool !
Pierre : C’était bien d’avoir un batteur gaucher et un droitier, ça fait une symétrie parfaite (rires).
Il y a quelques mois un premier concert au Jardin Moderne, puis l’Antipode, la flèche d’Or, il y a une progression, mais très rapide ! Comment vivez-vous ça ?
Eric : Ce n’est que du bonheur, c’est un mélange entre quelque chose de vertigineux et un bonheur intense ! Il y a pas mal de musiciens dans le groupe qui vont rentrer dans une phase où il va falloir faire un choix mais c’est tout choisi !
Vous faites tous partie d’autres formations, Heliport pour Eric, Lady Jane pour Pierre, Soulful Singers pour Astrid, et j’en oublie… Comment faites-vous pour gérer tout ça ?
Astrid : Ca devient compliqué !
Pierre : On a un agenda sophistiqué qui nous dit « là on peut, là on ne peut pas » (rires) ! J’ai 3 autres groupes, ce n’est pas évident !
Eric : Sans oublier qu’une partie d’entre nous a un travail.
Pierre : C’est un emploi du temps assez chargé mais ça se goupille. On a tous joué dans pas mal de groupes et ça n’a pas forcément décollé aussi vite. C’est vrai que c’est assez surprenant: on ne pouvait pas savoir si les gens allaient être réceptifs, c’est ultra rapide, les gens réagissent vraiment très bien. C’est une musique assez joyeuse, c’est fédérateur et tout le monde a l’air emballé, alors on fonce !
Heliport est plutôt punk, Lady Jane blues-rock tendance psyché, Soulful Singers entre gospel et soul. Comment fait-on pour se retrouver sur un projet de pop orchestrale ?
Pierre : On est tous fan de pop au départ ! On écoute les Beach Boys et les Beatles depuis qu’on est môme.
Eric : Pour donner un exemple assez flagrant, j’avais lu une interview du guitariste de Meshuggah, un groupe de metal hyper violent, très rythmique, mais il n’écoute pas de métal. Il écoute notamment de l’électronique, mais très peu de métal en fait. Les gens pensent souvent que les musiciens écoutent des groupes du même genre que la musique qu’ils pratiquent : en fait ce n’est pas vraiment le cas.
Pour en revenir à Mermonte, pour arriver à faire une musique aussi fournie et avoir envie de participer à ça, il faut avoir beaucoup de références. On est tous fans de musique et on écoute tous énormément de musique : par exemple, ce n’est pas parce que Pierre joue dans Lady Jane qu’il n’écoute que du blues rock (rires) !
Astrid : C’est pour ça que l’on a bien apprécié d’être là dès jeudi : on a pu voir pas mal de concerts et on s’est régalé ! Premier concert, Portishead…
Eric : … sacrée grosse tarte !
Pierre : Si l’on mettait toutes les influences de tous les musiciens de Mermonte, il faudrait quatre bouquins (rires) ! Ça va du punk au métal, en passant par la pop ou le R’n’B.
Le chant, et notamment le chant choral, est l’une des particularités de Mermonte. C’est quelque chose qui était prévu dans le projet de départ ?
Eric : C’était très bien pensé par Ghislain au préalable.
Pierre : Sur le disque, pour chaque chanson où Astrid et moi chantons, on doit avoir 3, 4, 5 pistes de voix pour nous. En live, on réduit ça à 5 personnes, car il faut gérer les harmonies : si on met trop d’harmonies sur un concert live, c’est une galère à gérer ! Mais il faut quand même garder certaines harmonies pour cet effet choral, sans partir trop loin. Tout a été pensé au départ par Ghislain : on a fait avec lui des choix sur ce que l’on prenait comme partie, et ça a parfois été réécrit sur certain morceaux.
Astrid : Il y avait aussi une volonté de Ghislain d’avoir des textes en anglais et en français, ce qui est une bonne chose aussi, je pense.
Eric : Cette musique vient de la culture anglo-saxone, il y a de grosses influences anglaises, de Chicago aussi, mais on se disait « mince il n’y a pas beaucoup de groupes comme ça en France ». On ne chante pas assez en français dans la pop, qui sonne anglaise ou américaine, on avait envie d’assumer notre langue maternelle.
Pierre : Je pense que ça plait aussi aux étrangers : débarquer dans un pays anglo-saxon et chanter dans un anglais approximatif avec un accent impossible… Ca passe mieux avec des textes en français, c’est plus assumé.
Si vous deviez citer chacun un disque sans lequel vous ne pourriez pas vivre ?
Pierre : il y en a tellement ! C’est la question ultime ! (rires)
Astrid : Harvest de Neil Young, c’est celui que j’écoute le plus.
Pierre : Ca va être un Beatles, peut être le Revolver.
Eric : Il y a quand même un disque qui revient souvent, un album de Mr Bungle qui s’appelle California.
Comment vous êtes-vous retrouvés à enregistrer le clip de Jamie à Guérande, en plein milieu des marais salants ? (rires)
Pierre : Charlotte (violoniste) était en vacances à Guérande : c’était galère pour elle de venir sur Rennes, donc on est tous allés à Guérande, c’était cool !
A la rentrée, il y a la Cigale, le Café de la Danse. Vous avez d’autres projets ?
Pierre : On a pas mal de dates, le Japon c’est en cours, on va avoir le Danemark, la Suisse.
Eric : On a quasiment quatre semaines de tournée. C’est en cours de programmation, on est dans l’attente, mais je pense qu’il va y avoir de belles choses à faire.
Pierre : On va repartir vers le nord, essayer de jouer jusqu’en Suède : on devrait normalement pouvoir se trouver une date là-bas.
Il y a déjà d’autres titres en préparation ?
Pierre : Il y a des choses sur le feu. Comme la dernière chanson, Romain Paumard, qui n’est pas sur l’album. On continue de travailler sur de nouveaux titres : on a hâte mais on ne peut pas tout dévoiler !
Merci beaucoup !
Eric, Pierre, Astrid : Merci, à bientôt !
Un grand merci à Astrid, Eric et Pierre pour nous avoir accordé cette interview quelques minutes seulement après leur concert. Et un grand merci aussi à Angèle d’avoir rendu possible cette rencontre.
Retrouvez les photos des concerts du dimanche 22 juillet, avec notamment Mermonte :
Photos : Solène
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