Meuh non, on va pas parler de boue et de pluie. Tout au contraire ! Direction la plage… Puisque comme chaque année, la programmation de la Route du Rock s’étend jusque sur la plage Bon-Secours, au pied des remparts malouins avec des dj sets et des lives. Concert sur le sable à écouter en piquant une tête, on a vu pire comme programme, non ? Petite revue balnéaire.
Des concerts sur la plage, c’était déjà une très bonne idée. Mais cette année encore l’organisation du festival pousse les choses plus loin puisqu’elle décide de mettre en lumière des labels indépendants français. On salue cette très chouette initiative qui donne la possibilité à ces maisons indépendantes de se faire connaître du plus grand monde. Et tout ça gratuitement!
Chaque après-midi se déroulera de la même manière : un dj set consacré au label mis à l’honneur (à partir de 14h30), suivi par le concert (à 16h) d’un artiste de son catalogue. Tout ça pendant que vous vous étirez tranquillement sur votre serviette de plage. Après le pyjama et la brosse à dents d’Electroni[k], c’est cette fois-ci en maillot de bain que vous irez au concert… Pas si fréquent tout de même !
Cette année, ce sont donc Infiné, La Station Radar et Pan European Recordings qui seront respectivement mis en avant le vendredi, le samedi et le dimanche après-midi.
On commence par Infiné, qu’on pourrait très vite définir comme un label de musique électronique, même si c’est réducteur. Le label co-fondé par Agoria (qui a désormais quitté l’aventure pour se consacrer plus exclusivement à sa carrière de producteur et dj) compte effectivement dans ses sorties des disques d’Agoria, Apparat (Walls, entre autres), The Hacker, Danton Eeprom (le Confessions of an English Opium-Eater, c’était sur Infiné !), Clara Moto, Oxia ou Murcof, mais également des artistes au background classique plus visible intéressés par les sphères électroniques (on pense à Aufgang, vu aux Trans, ou à Francesco Tristano). On avait également adoré ici le disque d’Arandel (In D). En résumé, Infiné est un label plutôt pointu (Easy music for the hard to please – De la musique facile pour les gens difficiles à satisfaire, comme ils s’amusent à le dire), qui sort des disques de qualité, avec des artistes qui aiment expérimenter.
Parmi eux, on retrouve Don Nino, le musicien de NLF3, sûrement l’un des artistes les plus « pop folk » de leur catalogue. On ne s’étonne donc pas de sa présence sur la plage Bon Secours vendredi juste après le set d’Infiné pour un live qui devrait vous filer le sourire les doigts de pied en éventail dans le sable. En marge du post-rock instrumental hors-format qu’il propose avec NLF3, Nicolas Laureau aime aussi assouvir ses amours pour la folk et la pop (influences avouées : la sublime folk de Nick Drake, les circonvolutions barrées de Syd Barrett, mais aussi Sonic Youth !). Le multi-instrumentiste (guitare, piano, harmonium, mélodica, glockenspiel, synthé, percussions…) a ainsi sorti deux premiers albums en solo de chansons pop folk aux chouettes orchestrations, Real seasons make good reasons et On the bright scale mais également un album de reprises culottées Mentors Menteurs ! (2007) alignant les Beatles, Sonic Youth, Leonard Cohen, Prince ou Bauhaus dans des atours de pop folk psychée. Il signe son dernier essai solo sur Infiné avec In the Backyard of your mind cette année. Avec une judicieuse réussite, l’homme y déroule sa pop folk oblique à la fois érudite et curieuse sur onze titres. Sous le soleil, allongé sur le sable, nul doute que ce soit une parfaite entrée en matière pour débuter cette Route du Rock.
Plage Bon Secours, St Malo, vendredi 10 août – Infiné Dj Set : 14h30 / Don Nino en concert : 16h00
Le lendemain, vous pourrez piquer une tête en compagnie de La Station Radar. Micro-label plus ou moins né des expériences à Glasgow de leurs fondateurs (organisations de soirée, flyers, etc, sur la scène très active de la cité écossaise), La Station Radar a débuté avec un retour en Provence de ses géniteurs en en 2008 avec des éditions limitées de cd-r (oui, oui !) fait main et de vinyles. Avec un réel amour du travail bien fait, des pochettes soignées, La Station Radar aime belle ouvrage, qu’elle soit musicale ou qu’il s’agisse de la conception des visuels et des objets. Connus également pour les petites éditions limitées à la main « Fake Tape Serie » , le label soigne le graphisme de ses artworks jusque dans les moindre détails. Musicalement, pas de style clairement défini, plutôt un goût pour l’éclectisme, le mélange des styles et surtout marcher à l’envie.
L’envie justement, c’est ce qui a poussé le label à sortir le second album d’Ela Orleans, Lost (2009) ainsi que son dernier opus, Mars is heaven (2011) inspiré d’une nouvelle de Ray Bradbury du même nom. Le jeune femme née en Pologne, un temps exilée au Royaume Uni ou à New York, a participé à de multiples projets expérimentaux avec des artistes de Glasgow ou New York (Hassle Hound, Jackie-O Motherfucker, Skitter…). Elle a également réalisé un split (également sur La Station Radar) avec le rock écorché de Dirty Beaches (ce dernier avait d’ailleurs livré un concert habité à la Route du Rock l’an dernier). Pourtant, pas grand chose de commun ou presque, entre le rock lacéré à mi-chemin entre sixties et Suicide de Dirty Beaches, et les plages contemplatives et fantomatiques d’Ela Orleans. Sa musique, cinématographique et ouatée, joue sur des ambiances en apesanteur. Guitare, violon, piano, voix et sons ambient s’entremêlent pour créer une sorte de pop cinématographique lo-fi, reposant davantage sur un envoûtement progressif que sur l’immédiateté d’une mélodie. On gage là encore que cette musique se mariera parfaitement au reflux des vagues sur la plage Bon Secours.
Plage Bon Secours, St Malo, samedi 11 août – La Station Radar Dj Set : 14h30 / Ela Orleans en concert : 16h00
Le dimanche, enfin, vous pourrez enchaîner les brasses et les dos crawlés au son du dj set de Pan European Recording. Les deux fondateurs du label, Arthur Peschaud (label Record Makers) et Romain Turzi (Turzi), commencent l’aventure en sortant une compilation manifeste, French Modern Psychedelic Music, sur laquelle on retrouve les artistes qui sortiront ensuite des disques sur la structure parisienne. Ode au psychédélisme, au krautrock, made in France par des artistes passionnés, cette première sortie ne sent pourtant pas la naphtaline et montre que si les références sont plutôt du côté des 70’s, le label est plutôt tourné vers un son moderne. Ce sont les belles réussites que sont les sorties de Koudlam qui permettront à Pan European Recording d’élargir encore davantage son audience. On retrouve également sur la structure parisienne des artistes tel Aqua Nebula Oscillator, Sir Alice, Service, Kill for Total Peace, One Switch to Collision, Judah Warsky qu’on retrouvera pour sa part sur la scène de la tour au Fort St Père le même soir, ou bien Poni Hoax qui vient de rejoindre le label. Autre artiste signé par Pan European Recording, le parisien Jonathan Fitoussi qu’on pourra découvrir à partir de 16h sur la plage Bon Secours.
On ne mentira pas, c’est l’un de nos coups de coeur de la programmation. Auteur du très bon Pluralis en 2011, Jonathan Fitoussi compose une musique répétitive obsédante, sérielle et minimaliste même, pourrait-on dire tant on soupçonne que l’homme a écouté Steve Reich, La Monte Young ou Philip Glass. Une musique instrumentale, qui prend le temps des silences. Des répétitions de motifs mélodiques qui s’entremêlent progressivement, et dont les variations subtiles rappellent aussi le travail ambient d’Eno, autre maître du genre. Mélange de sons électroniques et acoustiques, son travail se révèle en réalité très organique. On ne s’étonne pas que le musicien se passionne pour les techniques d’enregistrement analogiques tant sa musique semble respirer. Quand on sait que l’homme mène en parallèle « une activité de restaurateur d’archives radiophoniques au sein de l’INA » , on ne s’étonne plus de cette attention portée à la texture sonore. Là encore, la musique du Parisien devrait parfaitement se mêler à la respiration des vagues… et à celle des festivaliers allongés sur le sable.
Plage Bon Secours, St Malo, dimanche 12 août – Pan European Recording Dj Set : 14h30 / Jonathan Fitoussi en concert : 16h00
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