Si on aime autant la programmation de la Route du Rock, c’est en partie parce qu’elle a toujours fait la part belle aux découvertes. Revue de troupe, choisie en toute subjectivité parmi les groupes les moins connus de cette édition.
Si ce n’est pas toujours facile d’attirer les foules avec autant de groupes confidentiels, la Route du Rock peut au moins se vanter d’avoir un sacré flair. S’il y a bien sûr eu quelques déceptions à la clé, nous avons aussi eu plus que notre lot de splendides surprises et de grosses claques inattendues : les Grizzly Bear en raccroc de luxe en 2006, Patrick Watson et Owen Palett coup sur coup au Palais en 2007, MGMT à la session hiver de 2008… la liste est longue et hautement personnelle (à vous de voir).
Qu’est ce que le festival nous réserve pour 2012 ? Tentative périlleuse de pronostic sous forme de quarté.
Commençons par la petite indy-sensation de cette édition. Initialement nommés Films (ils ont au moins eu la lucidité de changer), le quatuor anglais Δ (le symbole mathématique delta, mais à prononcer Alt-J, du nom du raccourci clavier permettant de l’afficher sur un clavier Mac anglo-saxon, histoire de simplifier les choses) a affolé la presse musicale et la blogosphère en sortant en mai dernier leur formidable album An Awesome Wave. L’enthousiasme pour leur 13 ritournelles (plus un morceau caché, quand on vous dit qu’ils sont joueurs !) est unanime et on ne boudera pas non plus notre plaisir puisque le disque tourne en boucle chez nous depuis juin. Leur mélange sophistiqué et délicieusement minutieux de hip hop lancinant et de folk anglais mélancolique fait mouche à tous les coups. Leurs arrangements subtils et discrets offrent un écrin parfait pour les irrésistibles harmonies vocales fondées sur le contraste entre la voix nasillarde mais habitée de Joe Newman et les chœurs de Gus Unger-Hamilton et Gwil Sainsbury.
Issus en grande majorité d’une école d’art, les gars pourraient sembler prendre la pose. Ils en feraient presque trop en détaillant sur leur soundcloud les influences de chacun de leur morceau. On y trouvera pêle-mêle des inspirations venues de Max et les Maximonstres ou de Last exit to Broocklyn mais également des derniers mots du Léon de Luc Besson ou des ultimes pensées de Rober Capa après avoir marché sur une mine. Tout ça serait un peu pesant, si les gars ne faisaient preuve d’une grande maturité dans leur disque et aussi d’un humour tortueux dans leurs clips. Celui de l’affolant Breezebrocks montre une terrifiante scène de ménage montée à l’envers, et le récent Tesselate parodie le Tableau de Raphaël : l’école d’Athènes, en le peuplant de gangstas ricanants et de bimbos dépressives.
Quoi qu’il en soit, l’album est un assemblage alambiqué mais toujours captivant et d’une fraicheur surprenante. De plus, les vidéos de concert qui circulent sont plus que rassurantes sur les capacités en live de la bande. Attention, cet immanquable concert est placé tôt dans la soirée mais comme de toutes façons il ne faudra pas non plus manquer la prestation des Yeti Lane qui les précédera, vous n’avez aucune excuse.
vendredi 10 août – 19h15 à 20h00
On ne va pas tourner autour de la main morte, The Soft Moon est tout simplement le groupe dont l’équipe attend le plus cette année. Fondé à San Francisco autour d’un projet solo initié en 2009 par Luis Vasquez, ce trio devenu quatuor avec l’ajout d’un batteur, avait frappé très fort avec son album sans titre de 2010. En 11 titres rageurs, le groupe se plaçait directement dans le haut du panier des groupes du revival cold wave. Leur musique froide et sèche comme un coup de trique, se démarquait du lot par son énergie sans faille (à peine un morceau pour reprendre son souffle) et par le soin maniaque apporté au son. L’EP Total Decay confirmait amplement le talent des zigues avec quatre titres encore plus radicaux et imparables, laissant présager un prochain second album ravageur. Nous piaffons donc d’impatience en chœur, de découvrir sur scène la ténébreuse énergie dégagée par cette musique. Si les gars sont à la hauteur de nos attentes, ils devraient constituer la rampe de départ parfaite pour les démoniaques rythmiques de Squarepusher.
vendredi 10 août – 01h05 à 01h55
On reste dans les joyeusetés avec le post-punk destructeur de Savages. Jehnny Beth (de son vrai nom Camille Berthomier du duo John & Jehn) délaisse momentanément son homme pour rejoindre trois autres filles. Le quatuor n’a pour l’instant sorti qu’un 45 tours (produit d’ailleurs par John) mais celui-ci comporte deux pépites noires imparables et leurs première tournée en Angleterre leur vaut une réputation scénique flatteuse. Les deux titres et les vidéos trouvables sur le net évoquent flatteusement la fureur de Siouxsie Soux, la froideur saisissante d’un Joy Division ou plus récemment la métronomie punkoïde des Liars. On trépigne donc de savoir si tout ça n’est qu’une bonne opération marketing ou l’annonce réelle d’un ouragan de glace. Le concert de John & Jehn en 2009 à la Route du Rock hiver ne nous avait pas totalement convaincu, mais avait au moins confirmé l’évidente présence scénique de la belle. On souhaite donc fortement que l’on se retrouve samedi face à la seconde option.
samedi 11 août – 20h20 à 21h05
On termine avec des gars aux bagages (un peu) plus conséquents. Cloud Nothings est d’abord le projet du Dylan Baldi. En 2009, le gars bricole tout seul dans son garage de Cleveland, Turning on, un premier album au son ignoblement lo-fi mais avec un sens de la mélodie power pop déjà assez imparable. Avec l’aide de Chester Gwazda (Dan Deacon, Future Islands), il sort à peine un an plus tard un second disque sans titre, tout aussi solaire, irrésistible et sans la moindre once d’originalité dans le style. Attendu au tournant, le bonhomme a l’idée de se tourner vers le légendaire Steve Albini pour produire son troisième essai. Le résultat s’appelle Attack on Memory et il dépasse toutes les espérances. Le sens mélodique de Baldi s’allie avec un bonheur ineffable aux rythmiques appuyés et autres dissonances dont Albini s’est fait l’apôtre. Le résultat est un disque d’indy-punk-rock, regardant clairement dans le rétro, mais qui garde une urgence adolescente et une évidence telle qu’il est bien difficile d’y résister. S’y enchainent les tubes qui font mouche instantanément (Stay Useless, Cut you) mais le clou reste les neuf minutes d’un Wasted Day furieux et têtu comme une bourrique.
Le public de la Route du Rock n’est certes pas connu pour être spécialement agité, mais on voit mal comment il pourrait résister au bondissement général si le groupe se montre capable de retranscrire un minimum de l’énergie de leur galette.
dimanche 12 août – 19h15 à 20h05
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