Maintenant 2015 – Expérience 6, Jacques est magnifique

IMG_2114Après le décollage sonore de la veille au Vieux St Étienne, c’est Jacques (en direct) qu’on retrouve ce samedi soir dans l’ancienne église pour une Expérience 6 particulièrement sympathique (même si en rentrant un jeune gars fronce le visage en maugréant « ça sent l’église » ). A l’inverse de la soirée précédente, pas grand monde n’a les yeux tournés vers Seventeen, l’installation de Nils Völker. Ce soir au contraire, pour tout le monde (et il y a du monde), la vedette (!) c’est Jacques. Le public se masse donc en rangs serrés devant l’artiste et ses machines/objets de tous les jours avec une envie d’en pleinement profiter assez palpable.

Il faut dire que le garçon est un sacré trublion (qu’on croit traqueux et concentré), au sommet du crane rasé (mais avec des cheveux sur les côtés) et à l’énergie aussi rafraîchissante que communicative. « Le Matthew Herbert français » nous glisse dans un clin d’œil quelqu’un qu’on aime bien. Et effectivement, le rapprochement est légitime. Comme le musicien britannique, Jacques utilise une tripotée d’objets usuels comme banque sonore pour ses compositions de « techno transversale » : en plus de son ordinateur, d’un clavier maître déclenchant moult sons plus ou moins organiques (un « clavier bruitant »), de pédales d’effets, d’APC40, de consoles, le musicien a déposé une foule d’objets hétéroclites sur une table, pour la plupart reliés à des micro-capteurs (on croit ?).

Canette de Perrier, mètre mesureur, phare, brosse de balai, poste de radio bombé, extincteur et on en passe, seront tour à tour frappés, caressés, malaxés (enfin non, pas la brosse de balai) comme contrepoints étonnants aux sonorités qui sortent des machines : « J’ai envie d’entendre des sons de la vie de tous les jours. Et les sons synthétiques accentuent ces sons naturels, ça leur donne une couleur. Cela veut dire que le synthétique doit être au service du naturel » (in Tsugi).

IMG_2115C’est d’ailleurs l’un des premiers éclats de rire du public, la mise en avant de l’étrange flûte sur L’incroyable vie des choses, totalement inattendue et commentée avec drôlerie par le musicien face à un public qui n’attend que ça. Bruit du feu qui se mêle à celui de l’eau, couches de voix bouclées, cloche-extincteur, portes qui se ferment, sifflements et autres percussions métalliques se mélangent avec une sacrée réussite sous les mains de cet électron libre qui partage également avec Matthew Herbert un sens du groove assez certain. Comme une grande partie du public, tout autant amusé que dodelinant, on se laisse rapidement gagner par le rythme et la résonance particulière des sonorités sous les arches du vieux St Étienne. Juste devant, un spectateur malaxe également sa canette en rythme sans avoir l’air d’y prêter vraiment attention, mais se trouve salué d’un sourire de la part du musicien.

Dans l’univers au sérieux délirant de Jacques, la progression des tracks est bien souvent mêlée aux commentaires plus ou moins (vraiment ?) perchés de leur auteur, pleins d’un  premier degré qu’on pourrait prendre pour un second (et vive versa). C’est d’ailleurs l’une des réussites de la prestation, cet équilibre trouvé entre déconne totale, l’envie du bonhomme d’expliquer et de rendre visible comment cette musique est faite et tracks particulièrement efficaces. Parce que « faire des blagues en tout détachement, user du second degré sans se cacher derrière » c’est un peu ce qui caractérise ce zébulon monté sur ressorts qui en plus de pétrir le métal de sa canette ou de mixer en direct ce qui sort de la FM avec une certaine circonspection, se saisit de sa Gretsch pour des soli aussi hautement improbables que rythmiquement imparables. Devant nous, Jacques bondit, ou plutôt rebondit, saute d’un potard au phare de mobylette, tend un pied vers une pédale d’effet, tout en frappant consciencieusement une planche de bois sur laquelle est inscrit « ici on enlève ces chaussures » . L’ordre est immédiatement exécuté par un danseur du premier rang qui tend aussitôt sa basket au visage du musicien, après avoir précédemment proposé deux « bâtons de bergers » (la négation même du saucisson) comme baguettes percussives.

Ça y est, le public ondule désormais comme un seul homme, saluant certaines montées par des cris, accompagnant le jeu démonstratif sur la six cordes de « Jacques Président » ou « Jacques, t’es trop fort, mec » . Un garçon vient même s’incliner et donner sa casquette en offrande au musicien. Il faut dire que la danse de st Guy exécutée à la guitare par le ressort électrique devant nous est particulièrement impressionnante et libératoire. On ne s’étonne donc pas des hourras qui accompagnent « Il y a quelque chose que je ne comprends pas » , issu de Tout est magnifique (tube -à essais- particulièrement jubilatoire du premier ep du même nom sorti au printemps sur Pain Surprises Records) suspendues dans le silence et l’attente avant une montée en puissance encore plus irrésistible. Pour finir, Jacques prend la place de l’extincteur et finit de mettre le feu à sa Gretsch et au public ondulant, aidé par un spectateur embauché à la console. Indiquant sa venue prochaine aux Trans sur la scène du (très grand) hall 9, grimpé sur un flightcase (?) à roulettes, le garçon salue alors dans les cris un public ravi et en partie hilare, puis s’éclipse aussi discrètement que possible. Décidément, le Vieux St Étienne aura cette année été riche de belles Expériences.

 

Retrouvez ici tous nos articles sur Maintenant avant, pendant et après le festival.


Toutes nos excuses pour la piète qualité de nos photos prises avec un téléphone suite à un inattendu rebondissement… On est persuadé que d’ici très vite, vous pourrez jeter un œil sur celles prises par l’équipe de Maintenant par ici qui vous donneront un bien meilleur reflet de la soirée que celles-ci.


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