En ouverture du festival Maintenant ce mardi 14 octobre, l’association Cultures Electroni[k] vous invite aux Champs Libres pour découvrir de nouveaux territoires, qu’il s’agisse de l’intéressant mélange de musique classique et d’électro avec le projet du Rennais Pavane ou de ces Fragile Territories lumineux et sonores de Robert Henke qui se révèlent dans l’obscurité. Présentation.
Pavane
Un garçon qui choisit comme nom de scène le nom d’une danse de la Renaissance, ce n’est pas si courant. Pourtant quand on se penche sur le parcours de Damien Tronchot alias Pavane, ce choix tombe sous le sens.
Le jeune homme membre du groupe Thraces avait déjà commencé à mêler les influences et les créations sur ce projet collectif aux directions foisonnantes, ayant comme objectif de cristalliser toutes les influences musicales de ses membres (des gamelans balinais à Squarepusher en passant par Steve Reich ou Frankie Knuckles et on en passe – vous pouvez écouter leur excellent album ici).
Pour ce projet solo, il a donc décidé de continuer à allier les genres mêlant ensemble musique classique et musique électronique (à la manière peut-être d’un Bachar Mar-Khalifé, les influences orientales en moins, ou dans la lignée peut-être d’un Nils Frahm ou d’Olafur Arnalds). Le déclic, explique-t-il, est venu de sa participation au concours de remix de Rone (qu’on citera également comme influence manifeste). Il décide alors de mêler sa pratique instrumentale de pianiste classique à celle de musicien électronique dans un projet solo.
Ses morceaux utilisent ainsi samples de musique classique (un sample de Messiaen sur Le Belvédère, un autre de Ravel sur La Danse des Daphnis, peut-être bien tiré de Daphnis et Chloé par exemple) et citent abondamment Debussy, Ravel (la Pavane à une infante défunte aurait-elle inspiré son nom à Damien Tronchot ?), Fauré (à moins que ce ne soit celle de Fauré ?), Sibelius ou Poulenc pour des développements mélodiques amples et foisonnants.
Associés à des rythmiques électro (on est plus sur des rythmiques à la Rone ou Boards of Canada qu’à la Derrick May ou Plastikman pour dire vite), ces développements mélodiques gagnent en relief et l’ensemble crée une œuvre dynamique et riche, agrémentée d’interludes au piano seul. L’artiste a ainsi souhaité « ralentir le rythme, tout en le maintenant omniprésent, comme le fait cette danse de l’époque de la Renaissance : la pavane » ainsi que l’explique la note d’intention accompagnant la présentation de son premier essai discographique.
Pavane devrait en effet sortir son premier ep L’échappée sur Eumolpe le 20 octobre. Une bonne occasion de découvrir son projet en avance en live aux Champs Libres où entouré de ses pédales d’effets, synthétiseurs et autres machines et d’un piano classique, accompagné par Ronan Tronchot à la guitare électrique, le musicien devrait aisément convaincre.
Fragile Territories par Robert Henke
Dans un tout autre genre, on pourra également retrouver une installation multimédia de l’artiste allemand Robert Henke dans la salle Anita Conti. Adulé pour ses productions mutantes et intemporelles, qui explorent la texture et la spatialisation du son, Robert Henke a creusé le sillon des drones et des paysages sonores sous son propre nom et a réservé ses productions plus « dancefloor » au projet Monolake qu’il a créé avec son comparse Gerhard Behles (qui quitta la formation au début des années 00’s pour développer Abbleton), sporadiquement rejoint par Torsten Pröfrock. Enfin, il faut le dire : on est loin de turbines 2.0 quand on parle dancefloor avec Monolake. On est davantage dans la lignée de Basic Channel/Chain Reaction (Maurizio, Berlin, techno minimaliste dub austère de génie, vous ressituez ?) auquel l’homme a d’ailleurs activement participé.
Quand on rajoute que l’artiste est également connu en tant que sound designer, développeur de software, initiateur du label Imbalance Computer Music, ainsi que pour ses installations artistiques et ses performances audiovisuelles (et on en passe), vous ne serez pas étonnés de savoir qu’artiste invité en résidence durant l’édition 2012 du festival, Robert Henke avait offert trois propositions très différentes au public du festival (une carte postale sonore créée à l’aéroport de St Jacques de la Lande, un live sombre et tortueux au Jardin Moderne et une performance époustouflante à l’aide de ballons gonflés à l’hélium avec Atom -voir là et là-). On est donc plus que ravi de retrouver l’artiste allemand pour une installation qu’on avait pour notre part pu découvrir au Lieu Unique.
Fragile Territories est une œuvre numérique mettant en œuvre quatre rayons laser en mouvement qui se projettent sur un mur. Les lumières des lasers sont intenses, continues quelques secondes ou crépitantes. Projetées sur le mur, les lignes lumineuses semblent être en constante transformation, vibrer, faiblir, s’éteindre, changer d’intensité ou de direction, et soudainement ressurgir sous une nouvelle forme avant de nouveau de disparaître.
L’œuvre est générative, c’est à dire sans début ni fin, pourtant, toutes les 4,2 secondes exactement, une ombre noire semble se déplacer à travers l’espace, accompagnée du son d’une grande lame qui tranche l’air.
Car l’installation n’est pas seulement œuvre visuelle. Robert Henke a en effet choisi de nous immerger totalement dans une pièce noire, simplement éclairée par le mouvement des rayons lasers à la fois calculé et lié au hasard, au milieu d’un paysage sonore complexe également créé de manière aléatoire. Utilisant des sons de piano enregistrés transformés qui s’apparentent le plus souvent à des fréquences basses et des sons mécaniques accélérés, l’espace sonore accompagne parfois les trajectoires lumineuses en parfaite synchronisation, mais parfois bifurque de façon totalement imprévisible pour suivre le chemin des lasers en parallèle.
Ainsi sons et visuels se complètent, s’agrègent, s’opposent, harmonisent et dialoguent continuellement, offrant une variation constante à l’intérieur de certains paramètres prédéfinis. En outre, le son comme les mouvements lumineux sont créés en temps réel en suivant les algorithmes des ordinateurs : l’œuvre ne se répète donc jamais et se donne à voir toujours différente. Lorsqu’elle atteint certaines limites, l’installation retourne à un état plus ou moins stable.
Immergé dans l’obscurité et dans ces paysages sonores et visuels toujours changeants, le spectateur se laisse hypnotiser, laissant son imagination découvrir des territoires nouveaux, formes ou paysages dans chacun des mouvements visuels et sonores. Des territoires intrinsèquement fragiles puisque toujours mouvants.
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Maintenant présente Pavane et Fragile Territories de Robert Henke aux Champs Libres (10 cours des Alliés – Rennes) le mardi 14 octobre de 19h à 20h.
Concert de Pavane au Pôle Musiques au 2èmé étage – Fragile Territories dans la salle Anita Conti. Vernissage ouvert à tous à 19h30.
Entrée Libre.
Fragile Territories sera visible du mardi 14 octobre au dimanche 2 novembre.
Plus d’1fos :
Le site de Maintenant : http://www.maintenant-festival.fr/
Le festival Maintenant aura lieu à Rennes du 14 au 19 octobre 2014.