Avec Only Lovers Left Alive, Jim Jarmusch reprend un des plus grands thèmes de la culture populaire : les vampires. Exit les tentatives débraillées par d’autres ces dernières années autour de ce thème (on évitera de citer qui que ce soit, mais vous voyez bien de qui l’on parle), le réalisateur, bien au contraire, rend toutes ses lettres de noblesse au célèbre mythe des buveurs de sang.
Nous sommes dans les années 2010, entre les villes de Detroit et de Tanger. Dans la première vit Adam, musicien impénétrable s’enfermant dans un cocon d’instruments de toutes les périodes, et dans la seconde Ève, s’enivrant quant à elle d’ouvrages littéraires de toutes sortes. Ces deux protagonistes, amants, vivent leur idylle fusionnelle depuis des siècles, côtoyant les plus grands de ce monde, et ont échoué avec une nostalgie palpable dans notre époque en regrettant le monde des humains qui s’effondre petit à petit autour d’eux. Adam, en pleine crise existentielle, plus sombre que jamais, est rejoint par Ève dans un Detroit en ruine. Leurs retrouvailles sont perturbées par l’arrivée d’Ava, gamine insouciante qui va venir troubler leur vie quotidienne.
Il est difficile de trouver les mots pour décrire avec justesse ce film. Rarement film a-t-il capturé en lui tant d’émotions et tant de frissonnant romantisme dans l’époque actuelle, lui permettant de réinscrire en lettres d’argent l’art gothique (celui de Shelley et de Poe, bien entendu) dans la culture moderne. Only Lovers Left Alive dépasse l’expérience cinématographique classique pour proposer un art plein de vibrations, de sensations, de rythmes émouvants captivant le spectateur dès la scène d’ouverture. Teinté d’une musique lancinante tout bonnement envoutante, de scènes peintes au détail, ce film capture le spectateur dans l’obsédante spirale du vide existentiel de deux éternels amants. En même temps que dépeindre une société humaine qui se dégrade, rejetée par ceux qui l’ont toujours connue, Jarmusch nous offre une vision d’un amour de la vie, d’un amour au delà de la vie, en même temps qu’un hymne à l’art sous toutes ses formes (bien que nous puissions parfois regretter la tendance quasi-maladive à l’abus de noms et de citations).
Un film qui est soutenu par une plastique irréprochable, une BO à écouter en boucle, et surtout par la prestation de deux acteurs incroyables (Tilda Swinton et Tom Hiddleston), réussissant à peindre un couple d’une fusion incroyable, d’une beauté hors du commun, et de deux caractères opposés mais si complémentaires qu’il semblerait impossible de les séparer l’un de l’autre.
À voir au cinéma, pour pousser l’expérience du total-nuit, et pour profiter des images splendides tout autant que de la parfaite bande originale.
“Life, although it may only be an accumulation of anguish, is dear to me, and I will defend it.”