Littérature jeunesse en février

© Catherine Wilkin / Âne Bâté Editions 2011

 

Quand on fouille dans le bac nouveautés d’une bonne librairie jeunesse, on peut certes tomber sur quelques titres qui parleraient à certain critique mais surtout on a l’embarras du choix parmi le reste… Le coup de coeur ne suffisant plus, on se lance dans le coup de tête (de mule) en regardant les petits caractères qui disent où le livre a été imprimé et éventuellement sur quelle sorte de papier…

 

Il se trouve qu’on peut avoir, même là, le coeur qui bat quand on lit « Imprimé avec passion au pays des mirabelles », et on sent la planète qui vous pousse vers la caisse de la librairie parce qu’elle a lu plus vite que vous « La réalisation de ce livre est écologiquement réfléchie… FSC… base végétale… circuit de transport court… »

 

En ces temps de froidure et de peau qui tire, quoi de mieux qu’une crème hydradante au lait d’ânesse et d’un échange mère-fille pour se réconforter ? Catherine Wilkin nous tire les oreilles (en douceur) pour nous glisser en quelques mots son Petit quiproquo… crème d’âne. Ça sent bon, la crème d’âne, ça sent le vécu, les gratouilles, les soins maternants, la confrontation quotidienne entre deux esprits dont l’un est bien éveillé et l’autre bien curieux de ce qui peut sortir du premier !

 

Dans cet album peint et à phylactères, on ne cherche pas qui de l’oeuf ou de la poule a mis de la crème en premier, on trouve un mystère de mots enfantinement mêlés et l’évidence des entêtés. La vraie vie, page de gauche, avec les petits gestes du matin, et, page de droite, l’état dans lequel se met la maman pendant une conversation toute simple. Mais aussi, elle le cherche bien, non, avec ses questions ? Quelle idée ! Le tout est mis en images dans des couleurs doucement végétales, crayons et aquarelle se tournent autour pour détailler et nuancer, et le petit goût piquant, c’est le chardon, évidemment !

 

Petit quiproquo entre mère et fille autour d’un crème hydratante à base de lait d’ânesse mystérieusement devenue crème d’âne (titre intégral) est un jeu de mots qui fera sourire bien des parents et rigoler leurs enfants, les uns reconnaissant les autres, surtout parmi les familles à longues oreilles. Après tout, humour rime fort bien avec amour, et tendresse avec ânesse !

 

La jeune maison d’éditions dijonnaise Âne Bâté nous gâte, avec sa production d’une qualité telle que seule la courageuse et nécessaire exigence de têtes de mule la permet. On redemande de ce picotin bio et non testé sur les animaux !

 

Petit quiproquo… crème d’âne, Catherine Wilkin, Âne Bâté Editions, 2011.

 

 

© F. Malaval et P. Favaro / éditions Mas(s)ala 2009

Coiffons aussi d’un joli bonnet de ténacité asine Françoise Malaval et Patrice Favaro, et profitons de cet autre trésor à tirage limité (2000 exemplaires pour le quiproquo, 1000 pour celui-ci) dont ils nous content ici le cheminement depuis un souvenir d’enfance partagé, en passant par une actualité cruelle, jusqu’au magnifique album Ammi.

 

Une maison morte, une petite fille vivante, un seul cri « Ammi ! », maman en ourdou. Puis, au milieu de la solitude angoissée, les couleurs d’un châle, d’une balle, les jeux de quatre chatons, la douceur d’une Ammi-chat et un rêve apaisant… un réveil…

 

Le lecteur tient dans ses mains un véritable objet d’art, papier artisanal, sérigraphie, on le touche, on le sent. Les couleurs tranchent et vibrent avec sens, rebondissant d’une page à l’autre, d’un bout à l’autre du livre. La calligraphie est plurielle et unique. Et l’émotion palpable…

 

Quand on peut prendre le temps de lire les 35 épisodes du making off de cet album auto-épicé sous le nom de Mas(s)ala, quand on suit les étapes de la création, de la réalisation et de l’édition, jusqu’au chaotique voyage des exemplaires de Pondichéry au Queyras, quand on se laisse emporter par le tremblement pour devenir un instant ou l’enfant ou la mère, il ne nous reste qu’un humble mot… merci.

(et… encore !)

 

Ammi, Françoise Malaval et Patrice Favaro, éditions Mas(s)ala, 2009.

5 commentaires sur “Littérature jeunesse en février

  1. Isa

    Je faillis m’étouffer en lisant ce « critique certain » qui sent la naphtaline et, qui tout honnête qu’il fut, me sembla méprisant plus qu’à tort.
    Merci à Rue du Monde pour sa réponse…

    Je serai même tentée d’envoyer toutes les chroniques d’ici sur la littérature de jeunesse pour lui montrer de quel bois on se chauffe de ce côté là de la littérature… Non mais !

    Merci encore pour ces deux nouvelles découvertes qu’on a déjà très envie de lire. Et pour ce joli « tendresse rime avec ânesse »…

    Au plaisir de vous lire…

  2. catibou

    Ma curiosité est vraiment piquée au vif !!!! Avec ce genre de sujet, on voit bien que « l’album Jeunesse » sort de son cadre et s’adresse à un large public familial. Devrait-on lui trouver un autre nom, comment convaincre certain critique de son intérêt ???? Encore fait-il les ouvrir ces albums ! Pour certains, les plus réussis, leur évidence vous saute au visage !

  3. tiphaine

    « Littérature des familles » ? comme les agréables cafés du même nom de « concept » qui existent dans un certain nombre de villes…

  4. Isa et sa smala

    J’aime assez cette idée de « littérature des familles » plutôt que « jeunesse » , tant il est vrai que chez nous les livres sont dévorés en entrée, en plat , en dessert, matin , midi et soir. Grands moments de plaisir pour les plus petits aux oreilles grandes ouvertes, pour la grande qui bien que elle même lectrice, aime à redevenir auditrice, et pour les parents lecteurs. Les mots qui roulent, l’humour, les illustrations, il y a vraiment de quoi s’éclater dans cette littérature des familles, et à tout âge.

  5. Ax-L

    Au détour d’une conversation lors virée luxembourgeoise au marché au tissus (tu peux baver Tiphaine, c’est une vraie caverne d’Ali-Baba!), j’apprends que ma petite sœur s’est lancée dans la critique de littérature de jeunesse et qu’elle ne me l’avait même pas dit! Oh la coquine! Continue comme ça, j’en connais une qui va aller faire une virée au Préau voir si ils ont ce livre au lait d’ânesse. Et puis d’autres aussi, découverts sur le blog qui répond au « certain critique » (pfff, quel c*** celui-là! Encore un qui n’a sûrement jamais mis les pieds dans une bonne librairie jeunesse).
    Et puis au cas où l’info ne serait pas parvenue jusqu’ici, ma grande fille a opté pour un module littérature de jeunesse ce semestre à la fac, peut-être de jolis échanges en perspective entre vous?

    Des bises à tous ceux que je connais et le bonjour du pays des mirabelles aux autres!

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