Mesparrow sera sur la scène de l’Antipode ce vendredi 22 mars dans le cadre des Embellies, afin de présenter son tant attendu premier album. Rencontre.
On attendait avec impatience la première livraison de Mesparrow pour ce début d’année 2013, tant la jeune femme a bluffé tout ceux qui l’ont déjà entendue sur scène. D’autant que pour ce premier album (Keep this moment alive), la Tourangelle a su s’entourer puisqu’on retrouve Thomas Poli et Peter Deimel à la réalisation.
Architecte vocale, Mesparrow construit ses chansons autour de sa voix, à la fois grave et voilée, à la fois puissante et fragile. Une voix qu’elle sample et boucle. Une voix dont les accents, parfois, au détour d’un couplet, vous tortillent les tripes.
En treize titres, dont un duo particulièrement réussi avec Frànçois (sans ses Atlas Mountain) en français, Danse avec moi, la musicienne parvient à imposer un album à la fois étonnamment varié et cohérent. Des compositions et des univers millefeuilles, qui mélangent mélancolie, inventivité et joie radieuse sans effort apparent.
Avec toujours cette voix à suivre comme fil d’Ariane. Une voix qui parfois s’échappe. Dévoile. Sur scène, seule avec son sampler, Mesparrow souvent bouleverse. On a donc profité de sa venue aux Embellies pour lui poser nos questions. Rencontre.
Alter1fo : Si tu devais présenter Mesparrow en quelques mots ou quelques lignes, que dirais-tu ?
Marion/ Mesparrow : Une femme orchestre qui anime une chorale de boucles. (Ça sonne mieux en anglais one woman band with a loop choir!)
J’ai trouvé une formule plutôt pertinente dans une présentation du projet, te qualifiant d’ « architecte vocale ».
J’y ajouterai personnellement un peu de Billie Holiday, un peu d’épaisseur folk, deux doigts d’âpreté à la P.J. et une pincée d’électro.
Est-ce que la formule te convient ? Comment qualifierais-tu ta musique de ton côté ? Quelles sont les influences que tu revendiquerais ?
Oui, ça me va (rires) Je prends!
J’ai du mal à qualifier ma musique. Mais ce qui me plaît, m’influence, ce sont les voix chargées en émotions comme Billie Holiday, Barbara, Jim Morisson, Johnny Cash. Les textes poétiques qu’ils soient abstraits ou narratifs (de Léonard Cohen à Laurie Anderson), les émotions retenues d’Arcade fire qui montent progressivement. L’utilisation des boucles a vraiment cette dynamique progressive qui me plaît, à l’inverse de « couplets/refrains ».
J’aime de manière générale les musiciens qui s’affirment par leur singularité. Ceux qui vont chercher en eux ce qui va faire leur différence et aussi leur sincérité.
Je n’aime absolument pas le « je fais telle musique, comme tel groupe » , je ne vois pas l’intérêt..
Trois disques sans lesquels tu ne pourrais pas vivre ?
Doolittle (Pixies), Over The Sun (Shannon Wright), Big Science (Laurie Anderson). Mais il y a beaucoup plus que 3 disques vitaux pour moi.
Ha ha ! On en a un en commun ! Pardon, je m’égare…
Tu as utilisé parfois, dans de plus anciennes interviews, l’adjectif urbain (accompagné de poétique et direct) pour définir ta musique. Peux-tu nous expliquer ?
Urbain, je voulais dire quelque chose de « moderne » par l’utilisation de la pédale de boucles, de machines, en opposition aux guitares folks plus « natures/ vieille école ». Poétique, je ne suis pas certaine de devoir l’expliquer : mes textes sont pleins de métaphores, ma scénographie et les arrangements sont oniriques, et jouent avec des images. Direct : c’est le côté performance, utilisation de ma voix comme un instrument multiple dans l’enregistrement de boucles en direct.
Comment composes-tu ? Tu pars de la voix ? De la mélodie ?
Je compose plus ou moins tout à la voix. Je démarre souvent avec des boucles. Des images arrivent dans ma tête, puis une mélodie et des paroles. Mais je n’ai pas une méthode. C’est très instinctif.
Après déjà un premier ep très réussi, ton premier album, Keep this moment alive, vient de sortir. Quelles étaient tes envies avec cet enregistrement ?
Pour cet enregistrement, qui est mon premier album, je n’avais pas d’idée précise de résultat, plutôt une envie ferme dans la démarche. Je me suis entourée de Thomas Poli, un super musicien et arrangeur qui a fait tous les sons de basses, claviers guitares « bruittistes », et Peter Deimel pour le son. On a décidé de garder la voix comme élément central et directif. Tous les autres instruments venaient accompagner, porter les voix…
On a cherché à damner le grain de la voix, en utilisant des vieux micros typés. On a passé les voix dans des bandes à l’ancienne, repassé les voix dans des chambres à écho, de vraies réverb. Bref, le but était de donner un maximum de grain et de vie. C’était une super expérience!
Les morceaux pré-existaient déjà avant l’enregistrement. Chacun partant dans des directions parfois différentes. Il semble plus fréquent que les artistes passent du studio au live. Pour toi, c’est un peu l’inverse : les morceaux existaient déjà pour la scène. Comment as-tu fait, par conséquent, pour trouver une ligne directrice à l’album ? Es-tu partie de celle que tu essaies de donner dans tes concerts ou tu t’es dit, l’album, c’est une forme figée, je pars sur autre chose, sur une autre ligne directrice?
Un peu les deux. Je cherchais à ramener du vivant et du grain, sachant que je ne pouvais pas ramener l’énergie du live. Figer les choses en leur apportant autre chose, en sublimant le grain.
Pourquoi as-tu choisi d’enregistré au studio Black Box ?
J’ai d’abord discuté avec Thomas. Je ne connaissais rien aux différents studios. Je ne voulais surtout pas enregistrer dans un studio parisien, avec une méthode « à la moulinette » où l’on passe tout dans des effets lisses d’ordinateur. J’avais eu une mauvais expérience sur un essai, il y a 2 ans et j’avais une peur : qu’on fasse de mes boucles quelque chose de lisse, de la varièt’… Il m’a parlé du Black Box, de la manière de travailler de Peter Deimel, avec qui il avait déjà travaillé. J’avais déjà beaucoup entend parlé du « Black Box », par sa réputation dans le rock ou la noise, je savais que des supers groupes étaient passés là-bas. Et en effet maintenant je n’ai qu’une envie, c’est d’y retourner avec Peter et Thomas!
Ce sont donc Thomas Poli et Peter Deimel qui t’ont accompagnée pour l’enregistrement. Comment les as-tu rencontrés et pourquoi as-tu choisi de travailler avec eux ? Que t-ont-ils apporté ?
J’ai choisi de travailler avec Thomas que je connaissais peu au départ, sur les conseils d’un ami qui le connaît bien, qui savait que je cherchais quelqu’un qui avait envie d’expérimenter des choses, et qui pourrait sans dénaturer ma musique, enrober, et sublimer mes mélodies. Et il s’est avéré que Thomas a une incroyable sensibilité et un rapport à la musique très instinctif. Assez vite il m’a montré tous ses claviers, ses guitares trafiquées, etc… Je me suis dit : « génial!! »
Et c’est donc Thomas qui m’a proposé de travailler avec Peter, et encore une fois ça a été une super rencontre. Peter a totalement compris ce que je voulais. Je cherchais un son assez brut, avec du grain, et je voulais travailler la voix comme une guitare. Que je puisse chanter en passant par des amplis etc… de manière à pouvoir interagir avec l’effet tout comme un guitariste le fait avec un larsen devant l’ampli… Et puis on a des références musicales communes et ça c’était important pour moi, j’avais besoin de pouvoir parler de Shannon Wright , Cat Power ou Pj Harvey sans devoir expliquer. J’aurais eu trop peur avec quelqu’un qui travaille uniquement dans la variété, d’avoir un son qui aurait emporté ma musique dans une direction loin de ce que j’écoute. Et ça ce n’était pas possible pour moi!
Ils m’ont beaucoup appris, la rigueur et la folie maîtrisée, qu’ils ont chacun et qu’ils maîtrisent très bien. Ils m’ont appris à choisir la juste dose de chaque élément, car j’ai tendance à mettre des couches et des couches de voix… et tant d’autres choses, mais je ne peux pas les citer comme ça une à une.
Frànçois est également venu enregistrer Danse avec moi sur l’album. Comment s’est passée la rencontre et pourquoi as-tu eu envie de l’inviter à chanter sur ce titre ?
J’ai rencontré Frànçois aux Francofolies. Puis on a fait plusieurs concerts ensemble. On s’est très bien entendu, et j’avais vraiment envie de faire un morceau avec lui. J’ai composé Danse avec Moi. Puis je lui ai proposé. S’il n’avait pas accepté, je crois que le morceau ne serait pas sur l’album, c’est lui ou rien.
J’aime beaucoup Frànçois and The Atlas Mountains, les textes, la musique, sa voix, et leurs danses africaines. Alors l’inviter à danser sur un morceau, je trouvais ça chouette!
Nous aussi !
Est-ce que tu peux nous expliquer les quatre photos qui accompagnent le livret du disque ? (Ca nous a fait penser à Deerhoof et Mansfield.TYA avec les pochettes interchangeables de Friend Opportunity et Nyx)
Merci! Je suis fan de Mansfield Tya [à retrouver en interview là et là aussi], et j’aime beaucoup Deerhoof, ça me fait plaisir. Le livret du disque, c’est Emma Picq une super photographe que j’ai rencontrée et pour qui j’ai eu un coup de cœur. Et le graphiste c’est Eric Clavier avec qui elle travaille depuis peu. Avec Emma on a discuté de ma démarche, de l’enregistrement de l’album. Puis elle a proposé de faire des images avec beaucoup de grain, des brûlures accidentelles (en ouvrant le boitier de l’appareil photo de manière aléatoire), photos sur pellicules bien sûr, puisqu’on avait enregistré les voix sur des bandes…
Et puis je voulais un vrai objet, car lorsque j’achète un album, j’aime les surprises, des éléments qu’on va pouvoir accrocher chez soi, une image comme une porte qui peut emmener ailleurs. Je ne voulais pas une affiche pliée en 4. J’ai proposé des petites photos. Puis c’est Eric qui a proposé plusieurs images. J’ai beaucoup aimé ses images très fortes et intrigantes, le feu de bengale passé au négatif et qui ressort comme une fleur de pissenlit… Il faillait aussi illustrer le titre de l’album Keep this moment alive.
En parlant des Mansfield.TYA, vous avez fait un très chouette re-Nyx avec Piano Chat. Peux-tu nous raconter comment ça s’est passé, et pourquoi vous avez choisi Nightdrive/ Apocalyps ?
Merci! On s’est bien amusés. En fait, avant on répétait dans les mêmes locaux avec Piano Chat. Un jour il est passé, je commençais à essayer des choses sur ce morceau. Il m’a dit : « moi aussi elles m’ont proposé de faire un re-nyx« , et on s’est dit que c’était l’occasion de le faire ensemble. Funken nous a enregistré. On a fait ça en une journée. On est tous les deux fans de Mansfield.TYA et on est très bons amis, alors ça n’a pas été compliqué pour nous. On a fait du chat-moineau!
(Rires) Tu viens à Rennes vendredi pour un concert au festival Les Embellies. Tu y présenteras un nouveau live ? Tu avais dit souhaiter travailler sur l’aspect visuel des concerts. Ce sera le cas vendredi ?
Oui, je viens aux Embellies, il y aura aussi Piano Chat d’ailleurs. Je vais jouer mon nouveau live, toujours seule sur scène, avec plus de sons dans ma mpc, et une scénographie qui me permet d’emmener plus loin mon envie initiale. Je travaille maintenant avec un ingé lumière, Luis Ferreira, qui travaille sur des ombres, des reflets, des effets de matière, sans vidéo, juste avec des lumières, et ça accompagne mes voix, un peu comme des tableaux. Mes morceaux sont très visuels, et cet élément me manquait énormément. Maintenant, lorsque j’arrive sur scène, je me sens vraiment comme dans mon espace de jeu à moi. Très lumineux, vaporeux…
Pour finir, quels sont tes projets à venir ? Des choses que tu voudrais éventuellement souligner ?
La tournée ! Là je vais être sur la route pendant 1 an environ, et j’ai déjà une envie de faire évoluer mon live pour l’automne. J’attends juste de voir si je peux techniquement et financièrement le faire… Et si c’est possible (je ne dévoile rien –rires-) j’aurais totalement abouti ma première idée de live/ performance en solo.
Et comme je n’ai pour le moment pas le temps de penser à autre chose, même si je commence déjà à penser à l’évolution de ma musique, je n’ai pas d’idée précise de la suite (côté album, je veux dire). Je sais juste que j’ai envie de me mettre en danger, continuer à expérimenter, car c’est ce qui me plaît .
Merci beaucoup !!
Merci à vous!!
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Mesparrow sera en concert aux Embellies avec Françoiz Breut, Piano Chat et BRNS à l’Antipode MJC (2 rue André Trasbot, Rennes) vendredi 22 mars à 20h30.
Tarifs : 9€ / 14€ / 17€ (+ pass 2 jours : 28 € / pass 3 jours : 42 €)
Plus d’1fos : http://www.festival-lesembellies.com/index.php
Site de Mesparrow : http://www.mesparrow.com/