Immobilier à Rennes. De Proudhon à Prada : « la propriété, c’est le luxe »

Ce n’est pas une surprise, les faits sont têtus. Depuis une dizaine d’années, les prix de l’immobilier à Rennes ont explosé(1) : + 26,4 % pour les appartements neufs, + 19,3 % pour les anciens. Dernièrement, la LGV, inaugurée sans tambour ni trompette mais à grands renforts de caviar et de champagne, n’a fait qu’accentuer le phénomène(2). « Il y a 10 ans, vous achetiez un T3 de 70 m2 dans le centre-ville pour 1800 € le mètre carré. Aujourd’hui, on est plutôt autour de 3200 € », confiait Maître Charpentier au nom de la chambre des notaires d’Ille-et-Vilaine(3). Pour qui veut enrichir sa banque et s’endetter pendant un quart de siècle, il devient foncièrement difficile d’acheter son « Home, sweet home ».

Mardi dernier, la chambre des notaires de l’Ille-et-Vilaine a tenu une conférence de presse pour faire le point sur la conjoncture immobilière. A Rennes, le constat est édifiant. Les prix ont de nouveau battu des records sur l’ensemble des marchés en un an : + 10,6 % de hausse sur les maisons anciennes, + 6,9 % sur les appartements neufs et + 8,4 % sur les appartements anciens. Pour ce type de biens, les quartiers Moulin du Comte, Sud-Gare et Maurepas arrivent en tête de podium avec un renchérissement compris entre + 11% et + 12%. La mise en service de la seconde ligne de métro et les projets de rénovation (voir ici et )  expliquent en partie cette observation.

Dorénavant, la capitale bretonne se mérite… financièrement parlant. « Un employé ne peut quasiment plus acheter à Rennes », souligne Gwendal Texier, président de la Chambre des Notaires d’Ille-et-Vilaine. Selon l’agence de l’urbanisme, la majorité des personnes en activité achetant un bien immobilier à Rennes sont des cadres ou de professions supérieures (40 %). Au contraire, ce sont majoritairement les groupes socioprofessionnels des employés et  des ouvriers (45 %) qui investissent les couronnes ; les cadres n’y représentant qu’une faible partie (16 %) [4]. Ainsi, une fois propriétaires, les classes moyennes et populaires s’éloignent du centre-ville. Le « Vivre Ensemble » a du plomb dans l’aile. Rennes, « tu l’aimes mais tu la quittes », faute de moyens.

Mais que l’on se rassure, le scénario d’une « bulle spéculative » n’est pas envisagé par les professionnel·le·s. « Les personnes qui achètent dans la ville le font parce qu’ils ont besoin de se loger, de loger leur famille, parce qu’ils y vivent et veulent s’y établir » explique Marc Laisné, notaire. Mais est-ce pour autant une bonne nouvelle ? Rien n’est moins sûr. 

Premièrement, aucune accalmie ne semble se dessiner. Située désormais à 90 minutes de Paris, Rennes attire et concentre 42 % des emplois cadres de toute la Bretagne. La demande étant continuellement supérieure à l’offre,  la flambée des prix semble inéluctable. « Je ne vois pas ce qui pourrait arrêter ce mouvement », avoue Marc Laisné. D’autant que, comme le souligne le Mensuel, l’essor de l’immobilier très haut de gamme attise la curiosité de potentiels acheteurs fortunés. « On vend parfois des appartements à 12 000 € le m2, ça ne choque plus personne », explique le directeur commercial de Lamotte.

Deuxièmement, avec des taux à leur plancher historique, les prêts s’envolent mais les mensualités restent ! Les crédits immobiliers ont, pour la première fois, dépassé 1.000 milliards d’euros d’encours l’an dernier en France. Les durées moyennes de remboursement atteignent des niveaux jamais vus à près de 20 ans en moyenne. Cette situation inquiète fortement le Haut Conseil de stabilité financière qui regroupe notamment le ministère de l’Économie et la Banque de France (voir la note). « Une hausse de l’endettement des ménages liée à la hausse des prix immobiliers peut saturer la capacité de remboursement des ménages : même si les taux bas et fixes et l’allongement des durées d’emprunt ont permis de limiter l’impact de la hausse des prix sur la charge de remboursement, on observe en France une part croissante de celle-ci », précise le HCSF[5].

Copie écran – Actualités immobilières

Localement, la politique menée par les municipalités successives depuis l’ère Delaveau, avec la complicité de la Métropole, porte ses fruits. Nos élu·e·s ont réussi l’exploit d’enterrer la réputation de Rennes, « ville rock et bon marché », sous les 9000 mètres cubes de béton blanc de la nouvelle gare. Et ce n’est pas en multipliant artificiellement les guinguettes, les grandes tablées à manger ou en invitant une star du Street-Art à venir décorer la  façade d’un immeuble haut de gamme au nom ironique de Panam’ que cela changera grand-chose.

Squattant le podium des villes où il fait bon vivre (NDLR : mais jusqu’à quand ?), Rennes truste désormais les premières places des villes les plus chères selon le dernier baromètre  LPI-SeLoger. Mais peu importe. Comme l’a déclaré la maire sortante, pas question de changer de « logiciel ». La preuve s’il en fallait une, la société publique locale Destination Rennes, dont les actionnaires sont Rennes, Métropole et Ville, a lancé cet été un nouveau marché public[6] d’un montant annuel pouvant atteindre 40 000 €. Son but ? Attirer encore plus de nouveaux parisien·ne·s actifs à venir s’installer.

Ça n’a donc pas de fin ?

 


Immobilier à Rennes : « Investir ? Nous, on veut juste se loger ! »

PLU 2019 : Un quartier affiche son inquiétude sur les murs des maisons !

 

 

 

[1] : Ces dix dernières années, les prix à Rennes ont même explosé. On le voit pour les appartements, qu’ils soient neufs (+26,4 %) ou anciens (+19,3 %). La tendance est encore plus marquée pour les maisons anciennes, un bien très recherché et qui devient une denrée rare en centre-ville  → ouest-france.fr

[2] : À l’instar de Bordeaux, Rennes voit le prix de son immobilier boosté (+ 12 % de hausse annuelle) par la LGV, la capitale bretonne n’étant plus qu’à une heure trente de Paris. Mais l’attractivité de Rennes a son revers et les logements commencent à manquer→ edito.seloger.com

[3] : En revanche, les notaires confirment une hausse régulière des prix, chaque année, dans une commune classée régulièrement dans le top 10 des villes de France où il fait bon vivre… et investir. « Il y a dix ans, vous pouviez acheter un T3 de 70 m2 dans le centre-ville pour environ 1 800 € le mètre carré, aujourd’hui, on est plutôt autour de 3 200 € », évalue Me Charpentier. Et le nombre de ventes est très important. → rennes.maville.com

[4] : Entre la ville-centre et le reste de la Métropole, le profil des acquéreurs se distingue principalement en termes de catégories socioprofessionnelles : 40 % des acquéreurs en activité achetant un bien à Rennes sont des cadres ou professions supérieures, contre 31 % dans la périphérie. Cette proportion baisse à 16 % pour les acquéreurs de biens situés dans les couronnes, parmi lesquels 45 % sont employés ou ouvriers. → audiar.org

[5]Crédits immobiliers : pourquoi l’endettement des ménages commence à inquiéter Bercy

[6]:  → lien disponible jusqu’au 31/10/2019

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