Situé dans l’État de Californie, long de presque 3 km, et reconnaissable à sa couleur rouille-orange, nous connaissons toutes et tous le plus célèbre des ponts suspendus, le bien-nommé Golden Gate Bridge. Malheureusement, et il faut le dire, c’est aussi le monument au monde où l’on se suicide le plus. Entre 1937 et 2012, plus de 1600 corps ont été repêchés de personnes ayant sautées du fameux pont, surnommé tragiquement le « Pont de la Mort ». Une chute de 67 mètres ne laisse guère de chance de survie.
Près de Rennes, à Cesson-Sévigné, et dans les années 1930, il existait aussi un pont communément appelé « Pont de la mort » comme le montre cette carte postale disponible sur le site du musée de Bretagne. On lit : « Cesson-Sévigné : le Pont de Grippé dit Pont de la Mort. »
Mais attention, ici, point de suicide. Non. Ce surnom était simplement lié aux nombreux accidents de la route qui pouvaient s’y produire. En effet, on arrivait sur le pont qui surplombait la côte de Grippé par un virage si dangereux que les conducteurs et conductrices les plus étourdies ou malhabiles finissaient bien souvent dans le ravin(1)(2). N’est pas Fangio qui veut !
Pire. La route sinueuse et étroite, au lieu d’épouser le tournant du pont, semblait faire croire aux novices qu’elle continuait en ligne droite. Sans barrière, ni délimitation au sol, ni avertissement, la sortie de route était malheureusement inévitable, et comme l’arme, fatale. De nombreuses automobiles ont ainsi été retrouvées sérieusement amochées (comme leurs propriétaires) en contrebas près de la ligne de chemin de fer.
Il n’était pas rare que le café-restaurant Chantrel situé à quelques mètres de là soit réquisitionné pour recueillir certain·e·s blessé·e·s en attendant l’arrivée des premiers secours, avant leur transfert à l’hôtel-Dieu. Au passage, Paulette Demay, de l’association Cesson mémoire et patrimoine précise qu’« entre 1940 et 1944, une salle du restaurant Chantrel fut réquisitionnée par l’armée allemande pour installer la Standortkommandantur du secteur de Cesson-Sévigné. » (Cela n’a rien à voir avec le sujet de l’article mais bon, puisque nous avions retrouvé cette info, autant la placer ici, NDLR)
Malgré sa dangerosité bien connue, cela n’empêchait pas quelques organisateurs de courses cyclistes avides de sensations fortes de faire passer le peloton sur ce pont comme ici en 1932, pour la troisième édition du circuit H-Nogues (Monsieur Noges était un célèbre coureur cycliste avant de devenir un sympathique marchand de vélo de la place Saint-Anne, NDLR).
Mais en 1939, on dénombrait 3 accidents dont deux graves en à peine 5 jours. C’en était trop ! Le Conseil Général rendait dans la foulée un avis favorable à la modification du tracé du pont pour obtenir une meilleure sécurité. C’était le début de la fin du « Pont de la Mort ».
PS : Mardi 22 février 2022, la nouvelle passerelle piétons/vélos, située route de Paris, a été posée. Ce nouvel aménagement au-dessus de la voie SNCF, permet dorénavant aux cycles et piétons de relier le secteur du Haut Grippé et le centre-ville rapidement et en toute sécurité.
Comparaison Cesson-Sévigné : Pont de Grippé 1950 – aujourd’hui
(1) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k661843x/f4.item.r=%22pont%20de%20gripp%C3%A9%22.zoom
(2) https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k497209x/f6.item.r=%22pont%20de%20gripp%C3%A9%22.zoom