Gone Girl est-il un film misogyne ou féministe ? Le nouveau David Fincher réveille les polémiques, avec encore un film à plusieurs facettes.
Jacques Mandelbaum dit pour Le Monde « Il joue sur deux genres » une comédie noire, une espèce de satire du mariage, et puis l’aspect « purement polar …avec surprises dans la manipulation », Franck Nouchi vante ses qualités de réalisateur « Il sait manier une caméra comme personne », « les acteurs sont très biens » mais ils sont tous les deux sceptiques sur son honnêteté et sur le fond du film « Il va pousser trop loin le côté je suis très malin, et je fais une mise en scène qui vous mystifie ».
Au delà de ça il semblerait que Fincher, dans sa malice verrait son film critiqué plus autour du fond, de la question du féminisme apparent et la misogynie sous-jacente. Ou est-ce le contraire?
Les critiques les unes après les autres traiteront de la misogynie qu’implique la vision de certains, cette « fille » est une femme, manipulatrice, pleine de ressentiment, antipathique et vaine par dessus tout, qui incarne alors la perversion féminine par excellence, l’arme psychologique qu’elles savent utiliser pour contrecarrer le pouvoir de leurs hommes. Rions.
Certains trouveront cela féministe : The Guardian cite Todd Van Der Werff, apparemment car par sa vengeance, Amy, “rend le pouvoir à toutes les femmes”, dans Vox, le film est “peut-être un des films les plus féministe de la zone mainstream depuis des années”. Bref, on s’en mange les doigts, car si certains comme Van der Werff perçoivent encore le féminisme comme une reprise de pouvoir sur les hommes et non comme une recherche d’égalité et d’acceptation, bah on peut commencer à parler de misandrie.
Remettons le film à sa place. Une adaptation d’un roman de fiction. Nick, le mari égoïste est quelque peu stéréotypé, mais surtout elle, est extrême: elle à tous nos vices, amplifiés.
Avez-vous déjà demandé à votre ami: “t’as besoin de l’ordinateur” sachant qu’il allait dire non, et qu’alors il ne pourrait pas vous refuser le droit de vous le prêter à ce moment-là? Dans ce cas, vous-même avez déjà manipulé. Vous avez-déjà menti à votre conjoint? Vous avez-fait pire? Sûrement, et vous n’êtes pas fondamentalement mauvais, ni fous, les diagnostiques mentaux sont basés sur des tests par rapport à la norme, ils rassurent. Mais nous savons bien que psychopathe ne veut rien dire, car les comportements et les tendances vont au delà des catégories. Ce qui nous rend bons ou mauvais n’est pas palpable et changera en fonction des expériences et de ce à quoi nous sommes confrontés temporairement.
Si vous lisez le livre de Gillian Flynn, Les apparences dont le film est une adaptation, vous vous apercevrez que le film met de côté certains détails qui font d’Amy une personne complexe avec des dysfonctionnements mentaux extrêmes. Ceux-ci sont les résultats d’expériences, d’influences et d’une situation qui la dépasse, résultant en explosion de psychose et de pulsion.
L’adaptation de son personnage doit-il être confronté à des attentes de modèle féministe? Espérons que non, sa personnalité est gravement troublée.
Cependant doit-on considérer la morale sous-jacente comme outrageusement misogyne? Les personnes s’inquiétant des tendances des hommes à se méfier et à penser que les femmes sont voraces, manipulatrices et peuvent faire ce qu’elles veulent grâce au bouclier de victime le diraient. Si certains ont peur de cet argument venant de la part de certaines personnalités sexistes, disons que de toute manière leur perception du film était faussée d’avance par leur misogynie. Et puis qui sont ces hommes? Restons optimistes, et sachons que la beaucoup ne pensent pas ainsi.
Le film est théâtral, c’est un thriller réussi qui met en abîme le système de pouvoir, la perversion dans les relations intimes ; il ne recèle pas un réel absolu mais une situation unique et fictive. C’est un film, ça dépend de ce qu’on en fait.
La misogynie prendrait alors place dans les interprétations et non dans la fiction elle même. Les profils féminins sont différents les uns des autres, la femme, la sœur, la policière ont des fonctions, des personnalités, des qualités différentes et les hommes aussi. Finalement, aucun des personnages n’est vraiment admirable, l’histoire est sombre, et effectivement effrayante.
L’acte féministe lui, se trouve peut-être dans la présentation de l’auteur d’un personnage principal féminin complexe. Il ne s’agit pas d’une dualité entre la femme réduite au stéréotype de victime, ou celui de “psycho-bitch”. Il s’agit de mettre en protagoniste une femme, au centre, comme il en manque dans les énigmes, et morale sexiste ou non, elle s’ajoute au faible nombre de personnages principaux féminins difficiles dans la fiction et elle est comme elle est, dans toute son imperfection, sa noirceur, et l’inception.