Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Théo Gravil a joué aux Transmusicales cette année. Il a eu la délicate tâche d’ouvrir la soirée du hall 9 (le hall le plus immense qui devient chaque samedi des Trans un immense dancefloor)… Et malgré la pression et son jeune âge, le dj rennais a assuré un set d’excellente qualité. Techno racée, minimale et dark dans l’esprit, pas tape à l’œil pour deux sous, qui prend le temps de se développer. Pas facile pourtant d’assurer le warm up des Trans. On a donc retrouvé le jeune homme quelques heures à peine après son set pour en savoir plus sur son parcours.
Ecouter l’interview :
Alter1fo : Tu as ouvert tout à l’heure pour les Transmusicales de Rennes, ce qui n’est pas forcément très facile. Comment ça s’est passé pour toi ?
Théo Gravil : Ce n’est pas facile parce que bien évidemment, les portes ont ouvert exactement au moment où je commençais mon set, quand je balançais mon premier morceau… Mais les gens sont très vite rentrés, et au fur et à mesure que le mix a avancé, parce qu’il s’est bien déroulé, les gens sont rentrés de plus en plus et il y avait finalement un vrai dancefloor qui s’est créé… Donc c’était cool !
Effectivement. On y était et on a vraiment beaucoup apprécié ton set.
Merci. J’avais quand même travaillé ce set, et c’était important.
Justement, c’est un set que tu as monté et travaillé spécialement pour les Transmusicales ?
C’est à dire que j’ai quand même une esthétique qui s’articule autour de morceaux porteurs dans le sens où ils font danser les gens mais ils sont aussi très darks… Il y a un univers assez froid dans les morceaux que je passe. Je ne vais pas dire que ça restreint mon esthétique mais en tout cas, j’ai pu quand même faire venir les gens avec l’esthétique qui est la mienne et sans prétention…
On a vraiment eu l’impression que les gens sont vraiment rentrés dedans.
Oui, je pense aussi. Je ne vous cache pas que j’aurais bien mixé une heure de plus pour que ce soit vraiment l’apothéose…
Oui, on se doute. Comment Jean-Louis Brossard est-il venu te contacter ? C’est lui qui est venu ? C’est toi qui es allé le voir ?
C’est moi qui ai envoyé une démo à Jean-Louis il ya bientôt deux ans et il l’avait bien kiffée… Même si je dois le dire, je la réécouterais maintenant, je cracherais dessus… Mais bon… (rires) Je l’avais envoyée en même temps à Ismaël Lefeuvre qui s’occupe de moi aujourd’hui. Ils se sont parlés de moi mutuellement et ça a créé le truc…
Ils m’ont fait jouer à l’Ubu d’abord, l’année dernière et après aux Transmusicales dans le cadre de la Green Room. Ca s‘était bien passé. Donc maintenant les choses se déroulent plutôt bien…
Oui et directement le hall 9 aux Transmusicales après !
Pas tout à fait directement car il y a quand même eu des dates avant.
On nous a en effet parlé d’Astropolis qui était une belle date justement…
Oui, une très belle date, la meilleure date jusqu’ici je pense…
Mais elle est vraiment comparable à celle des Transmusicales car c’était aussi l’ouverture et j’ai commencé avec personne et fini avec un dancefloor assez plein, surtout à Astropolis où c’était vraiment plein ! C’est vraiment comparable.
Oui, et puis Astropolis, c’est un festival plus électro donc les gens ont peut-être plus tendance à rentrer dedans aussi…
C’est vrai.
Les Transmusicales, c’est quand même revendicateur de musiques éclectiques. Mais surtout le public breton est un très bon public. Il se met assez vite dans le truc et ça marche vraiment bien…
Parlons un petit peu de tes influences. Ici on va dire qu’on te compare beaucoup avec Ivan Smagghe.
Oui, pour moi cette comparaison… C’est difficile franchement. Je redoutais cette question. J’aime ce que fait Ivan Smagghe mais pour être comparé à lui, non pas que ce soit une star ou tout ça, mais il a quand même une connaissance musicale qui est autrement plus importante que la mienne…
Astronomique oui !
Mais cette comparaison est due, je pense, au fait que mon univers est aussi assez dark mais en même temps très dansant. On peut dire aussi que c’est aussi l’étiquette qui lui a été attribuée quand on parle d’étiquette…
Il y a des artistes qui t’inspirent toi, plus particulièrement ?
Oui. En premier lieu, il y a Optimo, un groupe de Glasgow, qui depuis des années fait des soirées le dimanche soir. J’ai eu la chance de travailler au Sub Club pendant 3 semaines cet été, c’est à dire là où ils font leur soirée.
C’est vraiment l’influence que j’aime parce qu’ils ne sont pas trop dans ce côté dark, froid ou dur que j’ai développé. Ils sont presque dans un côté disco festif, et justement ils arrivent à créer ce juste milieu entre la froideur de la techno et la chaleur du disco. Ca vraiment, ça m’intéresse…
3 disques sans lesquels tu ne pourrais vivre ?
C’est vraiment très dur comme question. Ouh la la… J’ai du mal. Je demande réflexion. Je dirais en premier lieu un album qui m’a vraiment retourné… Ah la la, c’est dur…
Tu as le temps…
Alors Let’s dance de David Bowie, vraiment « Criminal World » je pense que je ne pourrais pas vivre sans ce morceau…
Dj Hell, Mish Mash, à la fois un mix et un album de remixes. Je parle de cet album parce que c’est le premier album que j’ai acheté. C’était en quatrième je crois et je l’avais vraiment adoré. En fait, je m’étais intéressé à Dj Hell alors que je ne le connaissais pas du tout parce qu’il était cité dans le morceau de Daft Punk, Teachers. Ils disaient le nom de tous les artistes de l’époque, et j’avais vu Dj Hell. J’avais compris Hell en anglais et j’avais acheté Mish Mash…
Et le troisième, ah la la… C’est toujours le plus dur. La chanson de Roland de Nova Nova. C’est mon père du coup, c’est vrai je n’aurais pas pu vivre sans ça…
Il serait content de voir qu’il est dans les trois disques… Quand même c’est plutôt flatteur !
C’est vrai qu’on a tendance à dire que je suis le fils de… parce que mon père faisait partie du duo Nova Nova…
Sur F Com…
Voilà, en 1994, sur F Communications… Non pas que j’ai du mal à parler de ça, mais certains auraient tendance à penser que c’est plutôt péjoratif… Mais je pense que j’ai quelque chose à prouver.
On imagine que ce n’est pas toujours facile…
Non, ce n’est pas toujours facile, mais en même temps je n’ai pas de mal à le dire.
Pour le moment je n’ai trouvé que très peu de titres de toi…
C’est normal. Je commence tout juste dans la production. Ca ne fait qu’un an que je peux me permettre de faire de la musique au sens propre du terme. C’est tout juste en ce moment que je commence à faire des morceaux qui ressemblent à quelque chose qui tourne. J’en ai joué un ce soir en clôture de mon set. J’espère que certains l’auront apprécié…
Nous, en tout cas oui…
(rires) Merci. En tout cas, je n’ai pas envie de sortir de merde, donc c’est pour ça que je n’en ai pas sorti avant et aussi pour ça que je ne sortirai pas trop de titres après non plus, pour ne pas me griller.
Oui, tu veux prendre le temps de bien faire. La production, cela dit, c’est quelque chose qui t’intéresse ?
Oui, bien sûr ! La production, c’est quelque chose qui me fascine, ne serait-ce que pour recréer mon univers ailleurs que dans mes mixes puisque ce ne sont pas mes morceaux que je joue.
Et qu’est-ce que c’est pour toi, un bon mix ?
Un bon set de dj (c’est ce que je dis à tout le monde alors il y en a qui vont rigoler en entendant ça…) ? Le dj doit créer une histoire pendant son mix. Il doit y avoir une espèce de courbe, de schéma qui doit être lisible, intelligible. Ca ne doit pas être l’autoroute. Chaque morceau ne doit pas être interchangeable par exemple. Je n’ai pas la prétention de le faire mais en tout cas, je fais tout pour. Un morceau est là parce qu’il doit y être et pas ailleurs.
Et dans ce cas-là, tu penses à tes enchaînements avant ou bien c’est selon ce qui se passe avec le dancefloor ?
Alors là, c’est vrai, pour les Transmusicales, j’avais un set.
Je l’ai joué. Je l’avais préparé. Il n’était pas improvisé. Après, bien sûr, dans tout mix et dans toute prestation, il y a une part d’improvisation.
Après, pour mes dates en club ou ailleurs, j’improvise. J’essaie qu’il se passe vraiment quelque chose entre le public et moi.
Ce qui est d’ailleurs moins facile dans un grand hall.
Oui, dans un grand hall effectivement… De même, je n’aurais jamais fait ce set à cette heure-ci, c’est à dire de 21h30 jusqu’à 22h45, dans un club. Je n’aurais jamais fait ce set-là. Mais je me suis dit qu’aux Transmusicales, il fallait y aller. Un groupe rock ou pop, il fait ses morceaux, il ne se pose pas de questions. Qu’il y ait 0 ou 3 000 personnes, c’est pareil pour eux.
Bien sûr, ça ne peut pas être comparé à un dj parce qu’un dj doit quand même passer des morceaux qui sont dans l’atmosphère du moment, vivre l’instant…
Mais aujourd’hui, le meilleur truc à faire c’était de faire un set porteur, qui fasse danser les gens. Je ne vais pas présenter un truc que je n’aime pas aux Transmusicales. Je voulais vraiment créer quelque chose (ce qui n’est pas facile en une heure quinze) de représentatif de mon esthétique.
Tu fais partie des artistes Fake. Comment as-tu rencontré Ismaël et comment ça se passe maintenant ?
Au tout début où je commençais à mixer, il y a un pion de mon lycée qui m’a fait mixer dans un festival à la campagne et c’était marrant, je dois dire. Et là, une personne de l’association Fake m’a repéré. Elle m’a dit qu’elle était intéressée, que ça intéresserait aussi Ismaël, qui est aujourd’hui le responsable de cette association.
Il m’a dit : « je te fais jouer à l’Ubu et on voit ce que ça donne… »
Comment te situes-tu sur la scène rennaise ?
Je n’aime pas trop me positionner sur le fait d’être rennais, etc. Je n’ai pas de prétention bien sûr, mais il n’y a pas de juste milieu entre la renommée et l’anonymat. Je n’ai pas envie d’écumer les clubs de Bretagne et de faire ma vie en Bretagne. Si jamais il doit se passer quelque chose en musique, c’est à l’international et si je vois que ça ne doit pas arriver, je ferais autre chose.
En plus de nos jours, la dernière chose à faire, c’est faire de la musique, pour gagner sa vie en tout cas…
Après il reste le plaisir…
Oui, le plaisir, mais pour moi le plaisir passe après.
Pour finir, as-tu des projets, après cette date qui était quand même importante ?
Oui, mais je n’ai pas trop le droit de les dire. Je sais qu’il y a une date au Liberté Bas avec Erol Elkan et avec une scène qui n’est pas une scène qui fait partie de mes influences, mais je suis très content de faire cette date.
Merci beaucoup.
Merci à vous, surtout.
Prise de son, montage, photos -except nova nova artwork- : Caro
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(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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Myspace de Théo Gravil : http://www.myspace.com/graviltheo
Il est vraiment cool le Théo, et le papa Michel il devient quoi ce grand philosophe ?
Le digne fils de son père : « porter au plus haut ce que l’on fait ! » Félicitations à Théo.
Le père travaille sur son prochain livre, bien sûr…