La Corda sera en concert le 10 décembre à la Cité dans le cadre des Transmusicales.
Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui oeuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
La Corda est l’auteur d’un des meilleurs albums paru en 2009. Des morceaux qui jouent sur les silences et qui s’imposent, vénéneux, au fil des écoutes. Des ambiances qui se développent lentement, qui jouent sur un immobilisme feint, une voix féminine aussi émouvante qu’hypnotique, un vrai art des tensions… Tout ça a amené Jean-Louis Brossard, le programmateur des Transmusicales à les faire jouer d’abord à l’Ubu mais aussi durant les Transmusicales de cette année. On retrouvera donc le trio rennais sur la scène de la Cité le 10 décembre. Et on a très envie d’avancer que ce groupe risque fort d’être l’un des coups de cœur du festival. En attendant, c’est déjà le nôtre. Si vous ne l’avez pas encore entendu, courez écouter ce « Progress no Progress » et n’hésitez pas à faire un crochet par la Cité en décembre.
Alter1fo : Si vous deviez vous présenter en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?
Stéphane de La Corda : Certains nous disent que c’est entre du post-rock et du trip-hop, d’autres que c’est de la musique de drogués… J’avoue que j’aime bien cette idée de la fumerie d’opium.
Votre musique prend son temps pour se développer, un peu comme celle de Low qui semble être une des influences que vous revendiquez. Est ce que vous pourriez nous expliquer pourquoi vous sentez votre musique proche de celle du groupe d’Alan Sparhawk ?
Ce n’est pas une influence car on ne connaissait pas ce groupe jusqu’à ce que plusieurs personnes nous disent que La Corda pouvait faire penser à Low. Du coup, on a écouté et en effet, il y a quelque chose de proche dans la façon d’envisager l’espace, les interstices, les résonances, la manière de laisser le temps agir. Après, personnellement, je n’aime pas tout dans la discographie de Low. Mais The Curtain Hits the Cast, que j’ai donc découvert sur le tard (ça date de 1996), c’est un putain de super album.
Quelles sont les autres influences que vous revendiquez ?
Joy Division, Portishead, Steve Reich, les premiers albums de The Cure, le Velvet Underground, Tom Waits.
Plus récemment Radikal Satan, James Blackshaw…
Mais Kate et Patrice donneraient peut-être d’autres références.
Si vous deviez citer trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?
Je n’arrive pas trop à penser de cette manière.
Moi j’aime autant Tropical Gangster de Kid Creole que Ocean Songs de Dirty Three, Muse Sick-n-Hour Mess Age de Public Enemy, The Payback de James Brown, The Earth is Not a Cold Dead Place de Explosions in the Sky, Bonsai Superstar de Brainiac, Call Me de Al Green, une compile des Ikettes ou l’intégrale de Billie Holiday. De là à dire que ces disques influencent ce qu’on fait ou que je ne pourrais pas vivre sans…
J’ai lu que le groupe avait joué ensemble durant 4 ans avant d’enregistrer ce premier LP, Progress no progress. Pourquoi tout ce temps avant d’enregistrer ?
On a mis ce temps-là avant de se sentir capables d’enregistrer un album qui nous semble tenir la route. On fait toujours comme ça : ça prend le temps que ça prend.
Quelles étaient vos envies avec l’enregistrement de cet album ?
Essayer de proposer quelque chose d’un peu original, qu’on n’a pas l’impression d’avoir déjà entendu mille fois.
Faire un album cohérent, construit.
Chercher quelque chose de beau.
Que vouliez vous dire avec ce titre, Progress No Progress ?
Juste ça : Progress No Progress.
On dirait que vous ôtez tout le superflu dans vos morceaux, on pourrait même penser que vous jouez avec les silences. Comment composez-vous ? Tous ensemble ? Chacun amène ses parties ? Vous improvisez ?
C’est très variable. On peut partir d’un pattern de batterie, d’un plan de guitare, d’une boucle faite au violoncelle ou juste d’un son qu’on trouve beau. Simplement, quand on a une petite base qui nous semble intéressante, on la fait tourner et on trouve très progressivement des choses qu’on y ajoute, qui la font évoluer, qui en font petit à petit un morceau.
Et au-delà des morceaux individuellement, on essaie de construire nos sets avec une dynamique, des transitions entre les morceaux, des enchaînements. Une sorte de voyage dans lequel on se plonge.
Vous avez participé à Cultures Electroni[k] en octobre. Pourriez-vous nous expliquer ce projet un peu particulier ?
Cultures Electroni[k] nous a proposé le principe d’un ciné-concert. L’idée étant que ce soit diffusé pour l’édition 2011 du festival et que nous ayons toute une année de préparation, avec plusieurs temps de création prévus au fil des mois. De notre point de vue, c’est un peu vertigineux, car ce festival a une programmation très riche, bourrée d’idées, d’expérimentations et de belles créations. On va essayer d’être à la hauteur.
Sur ce projet, Patrice ne peut pas s’engager. Du coup, nous travaillons avec trois autres musiciens pour le « remplacer » : Jo et Romain de Profondo Rosso et Cyril Bilbeaud, qui joue de la batterie dans différentes formations. On vient de finir une première séance de répétitions avec eux et on commence à entrevoir où on va. C’est super excitant comme projet. Pour résumer, on va essayer d’aller un peu plus loin qu’un ciné-concert « de base »… Mais bon, on en est au tout début. Déjà, on a mis un temps infini à choisir le film sur lequel on voudrait faire ça, mais on a fini par trouver : ce sera autour d’un film documentaire appelé Mirages.
Electroni[k] nous a aussi proposé de nous impliquer dans l’un de leurs projets, qu’ils appellent « parcours sensibles », un « projet de découvertes artistiques et culturelles en direction de personnes en situation de précarité ». On était assez réticents là-dessus au départ, car on sait comment certaines associations utilisent les projets « sociaux » pour choper des subventions sans trop se fatiguer, mais on voit au fil du temps qu’ils font ça avec beaucoup d’intelligence et de sensibilité : ils tissent patiemment des liens avec des personnes de milieux très différents, ce n’est pas de la poudre aux yeux. Et donc voilà, il y a tout un suivi autour du projet de ciné-concert. Bref, cette association est étonnante et nous sommes super heureux de faire des trucs avec eux.
Vous êtes programmés pour les Transmusicales le 10 décembre prochain. Comment s’est passée la rencontre avec les organisateurs et comment appréhendez-vous cette date forcément un peu à part ?
On nous avait dit que Jean-Louis Brossard, le programmateur de l’Ubu et des Trans, avait la qualité rare d’écouter tout ce qu’on lui propose. Donc mi-2009, j’ai appelé les Trans pour poser un CD à son intention. Il m’a reçu super brièvement entre deux portes et m’a dit de le rappeler quelques jours plus tard. Ce que j’ai fait. C’était super bizarre car au téléphone, il m’a juste dit : « Bonjour, je trouve ça intéressant, je vous programme à la rentrée en première partie d’Orka. A bientôt. » Et il raccroche. Et plus aucune nouvelle. Du coup, tu ne sais pas s’il t’a juste dit ça pour se débarrasser de toi ou quoi. Mais quelques mois plus tard, quelqu’un t’appelle pour caler tous les détails et hop, première partie d’Orka.
Bref, on était ultra-tendus ce soir-là : l’Ubu pour nous, c’est une salle mythique. On savait que si ça se passait bien, ce concert pouvait nous ouvrir d’autres portes, mais que sinon, on serait peut-être grillés. Mais bon, sans fausse modestie, il s’est passé un truc et on a capté les gens. Kate a fini le concert sans micro pendant que Patrice jouait sur les verres, personne ne mouftait dans la salle, tout le monde était scotché. C’était en novembre 2009, donc trop tard pour les Trans 2009, mais JLB (comme ils l’appellent à l’Ubu) nous a dit tout de suite qu’il nous programmerait aux Trans l’année d’après et voilà, c’est bientôt. Je trouve que c’est un mec qui donne leur chance aux groupes, c’est assez rare pour être noté. Après, il est vraiment super cash, donc il faut être prêt à entendre des trucs potentiellement désagréables, mais au moins avec lui, tu sais exactement à quoi t’en tenir. Bref, entre-temps, les Trans nous ont payé quelques jours de répé à l’Ubu, où on a rencontré Mimi, qui est devenu notre ingé son, ainsi que les gars avec qui on va bosser pour les lumières, etc. Bref, on va jouer à la Cité et c’est super, car c’est là qu’on rêvait de jouer et ça va envoyer la bûchette. (rires)
Sur la scène rennaise, comment vous situez-vous ? Etes-vous en contact avec d’autres artistes rennais ? Desquels vous sentez vous proches ?
J’évoquais Profondo Rosso, de qui on est très proche. Je trouve que c’est le groupe rennais le plus sous-estimé. Pour moi, leur album Rue Bara est un petit chef d’œuvre. Mais voilà, c’est pas tape-à-l’œil, il faut prendre le temps de se plonger dedans.
Il y a aussi The Enchanted Wood que j’aime beaucoup. Sinon, on est tous assez admiratifs du travail de Julien Mellano avec sa compagnie Aïe Aïe Aïe. Et puis, la librairie Alphagraph, Morvandiau, Tony Papin, les éditions Kaugummi, Yves Drillet, un jeune photographe que je ne connais pas mais dont j’aime le boulot… J’imagine qu’il y a plein d’autres choses, mais j’avoue que je connais assez mal la scène locale.
Comment s’est passée votre rencontre avec T-rec ?
L’un des responsables du label est un ami de longue date. Sans leur demander directement, on leur envoyait systématiquement nos démos et puis un jour ils nous ont proposé de produire un album.
A part cette date au Transmusicales et une date au théâtre de Poche à Hédé le 20 novembre, quels sont vos autres projets, vos actualités éventuelles ?
La tournée des Trans, le projet avec Electroni[k] en 2011 donc, une tournée qu’on est en train de caler pour juin 2011 et puis on verra bien si les Trans amènent d’autres choses. En général, un concert en amène un autre, donc là, comme c’est un assez gros concert… Sinon, on va se mettre à bosser sur un album en début d’année… et c’est déjà pas mal.
Merci !
Retrouvez tous nos articles sur les Transmusicales 2010.
Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici
(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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La Corda sera en concert aux Transmusicales le 10 décembre à la Cité.
Myspace de La Corda : http://www.myspace.com/delacorda
La Corda a aussi donné aux Champs-Libres fin octobre un concert ( gratuit ! ) qui ne m’avait pas complètement convaincu. Autant la virtuosité n’est pas un gage de qualité, autant la lenteur ne l’est pas plus. Il m’avait semblé que la recherche d’émotion était un peu détournée par l’utilisation de « trucs » (instruments ou principes de composition) qu’on rencontre trop souvent… Par contre, l’article arrive à me donner envie de retourner écouter de plus prêt, sur scène ou sur CD, pour savoir si je ne me suis pas planté !
merci pour ton commentaire !
Tant mieux si cette interview te donne envie d’aller y rejeter une oreille… c’est un peu le but du truc… On compte sur toi pour nous dire après coup si tu restes du même avis ou si tu apprécies davantage ce qu’ils font…
La corda sera en concert au Théâtre de Poche (à Hédé) le 20 novembre et ce sera gratuit…
Belle interview de ce groupe qui commence à beaucoup faire parler de lui.
J’étais au concert dans la bibliothèque Champs libres et pour ma part j’étais captivée. Ils dégagent une intensité très particulière. Vivement les Trans à la Cité avec eux et Wu Lyf le lendemain!!!