Essai en mars : Voyage dans l’anthropocène.

CClaudeLoriuslaude Lorius est glaciologue. En 1957, à 25 ans, il effectue un séjour d’un an en Antarctique, c’est le premier hivernage français. Par la suite, il retournera fréquemment sur le continent gelé. Un jour qu’il y déguste un whisky dans lequel il a mis des morceaux de glace provenant d’un forage, lui vient l’idée que les bulles d’air qui s’échappent de ces petits cubes peuvent nous apprendre beaucoup de choses sur le passé de notre planète.

C’est grâce à des carottes de plusieurs centaines de mètres que l’histoire du climat sera retracée, le lien établi entre la quantité de dioxyde de carbone de l’atmosphère et la température du globe.

Le scientifique est à la meilleure place pour observer les avancées de la prise de conscience que l’être humain a un impact sur la planète sur laquelle il vit. Un impact tel que la très sérieuse commission de stratigraphie de la Royal Geological Society de Londres envisage de rendre officielle la notion d’anthropocène, désignant l’époque dans laquelle nous sommes, celle où l’homme est la principale force géologique.

Pas de quoi être fier, nous sommes donc capable de bien pire que ce que nous imaginions.

La plupart des lecteurs de cette chronique ont déjà entendu parler du dérèglement climatique, savent ce qu’est l’effet de serre. Pourquoi lire ce livre ?
Parce qu’il est limpide : dans son récit, dans ses explications, dans son exposé des avenirs possibles. On voudrait recopier beaucoup de ses pages pour que son message soit transmis.
Par exemple : « Nous ne pouvons nous empêcher d’être possédés par un pessimisme profond. Oh ! Non pas que l’homme soit menacé ! Il s’entrégorgera, il se déplacera, il mourra de faim, de soif, de maladies, mais il ne disparaîtra pas … Nous ne sommes pas pessimistes sur sa survie, nous sommes pessimistes sur sa sagesse, sur sa compréhension du fait qu’il vit une époque charnière sans précédent. »

Il y a en effet de l’inéluctable dans le livre de Lorius et Laurent Carpentier, journaliste spécialisé dans les questions d’environnement. Si on les suit, la marche arrière n’est pas possible, l’atténuation ne va pas être facile, le pire a de grandes chances. Mais le pire, qu’est-ce que c’est ? C’est une question qu’ils nous posent. Comme celle de savoir ce qu’est le progrès, la science …Ils remettent la bio-ingénierie, cette quête de la réparation globale de la Terre par des techniques, à sa place.

Pour les hausseurs d’épaule, des données très simples sont apportées : 7 m de plus pour le niveau de la mer si les glaces du Groenland fondent, 70 pour l’Antarctique. Les habitants de Rennes et de ses alentours savent-ils à quelle altitude ils habitent ? Mirage ? La banquise fond déjà. Plus elle le fait, moins elle réfléchit la lumière, plus les températures augmentent, plus l’océan s’acidifie, plus il peut lui aussi rejeter de carbone, plus le permafrost peut dégeler, plus il peut relâcher son méthane, dont l’action sur l’effet de serre est bien plus important que le CO2.

L’espoir ? Les auteurs citent Hans Jonas, les actions internationales autour de l’Antarctique, puis sur l’utilisation du plomb, des CFC destructeurs d’ozone. Ils citent surtout Edgar Morin qui écrivait il y a un peu plus d’un an : « Le probable est la désintégration. L’improbable mais possible est la métamorphose. » Il nous faut une révolution. Elles existent. L’autre rive de la Méditerranée le prouve.

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