Le libraire de Géronimo (Metz) a parfaitement raison : la première chose qui saute aux yeux, après l’épaisseur et donc le poids de l’ouvrage, c’est la richesse des documents qui parsèment ce livre signé Geneviève Bürher-Thierry et Charles Mériaux.
Intitulé « 481-888, la France avant la France », il est le premier, si l’on suit l’ordre chronologique, d’une collection en 13 volumes dirigée par Joël Cornette qui a pour prétention de nous raconter l’histoire de notre pays.
Au XXIè siècle, quelle pertinence a encore la focalisation sur l’échelon national, quand les régions poussent à la reconnaissance et l’Union Européenne promeut une culture à sa dimension, sans parler de mondialisation ?
D’autant plus que, sans vouloir insister pour donner des gages aux folkloristes locaux, toutes les cartes présentes dans le livre confirment que la Bretagne est globalement peu concernée par ce qui se raconte dans ce tome-ci.
L’intérêt est dans la dimension choisie. 4 volumes pour le Moyen Age, 4 pour l’époque moderne avant la Révolution, 1 sur celle-ci et son prolongement napoléonien, 1 sur le XIXè siècle jusqu’à la défaite du neveu, 1 autre sur la IIIè République jusqu’à la grande boucherie, et encore 2 pour arriver jusqu’à nos jours (2005) : le développement est permis. Ce qui rend le tout particulièrement copieux pour le néophyte total mais carrément alléchant pour l’amateur ayant déjà de bons repères.
Alors raconter l’histoire de France quand son gouvernement fait le tri entre les détenteurs de carte d’identité et les populations qui passent par son sol, c’est sans doute bienvenu.
Il n’est pas interdit de rappeler que le passé éclaire le présent. Mais finalement, c’est l’altérité de l’époque Mérovingienne puis Carolingienne qui passionne.
Encore une fois : pourquoi ce récit-là plutôt que celui d’une autre contrée ?
Sans doute parce qu’il est si proche et si loin. Sur un territoire à peu près identique, entre aujourd’hui et hier, les vies et surtout les façons de voir ces vies, sont radicalement différentes. Et pourtant.
Richesse des documents par les cartes, les textes, les images, tous au service d’une construction de l’histoire. On en apprend ainsi beaucoup sur les Francs mais aussi sur le XIXè siècle et sa manière de fabriquer du national quand il s’empare des descendants de Clovis.
Dans ce livre (et on imagine dans le reste de la collection), la place est donnée au débat, des historiens sont cités, l’évolution des conceptions est présentée.
Les textes des premiers siècles du Moyen Age étant en nombre limité, les ressources de l’archéologie sont mises à contribution, et notamment les découvertes les plus récentes. La dernière partie de l’ouvrage s’intitule « l’atelier de l’historien », elle décortique un peu plus le traitement des sources.
Comment instituer une religion ? Qui étaient Frédégonde et Brunehaut ? Pourquoi être fils de Charlemagne c’est moins gratifiant qu’être père de Louis le Pieux ? Où se situaient la Neustrie et l’Austrasie ? Que cultivait-on au VIIIè siècle ?
A peu près tout ce qu’on peut attendre de l’histoire comme discipline se trouve ici : généalogies des souverains, bien sûr, mais aussi économie, sociologie …
Ce volume est sorti à l’automne dernier, en même temps que ceux sur l’absolutisme royal et les Guerres Mondiales. Au printemps prochain, la collection devrait être complète avec l’arrivée des deux derniers : L’âge d’or capétien (1180-1328) et La France des Lumières (1715-1789).
La France avant la France
481/888
Geneviève Bührer-Thierry; Charles Mériaux
Belin
687p, 36 €