[critique : série] Westworld

Produit par J.J Abrams (Super 8, Star Wars VII), la nouvelle série d’HBO est une adaptation du film Mondwest de Michael Crichton. La série a connu un développement compliqué, entre une augmentation des coûts de production et de multiples réécritures du scénario mais HBO compte sur Westworld pour prolonger les audiences phénoménales de Game of Thrones, dont l’arrêt est prévu en 2018. Après trois années de développement et un budget pharaonique de 100 millions de dollars, le succès semble au rendez-vous. Les audiences sont supérieures à la première saison de l’autre mastodonte d’HBO. Il pourrait s’agir d’une des plus belles séries produites par la firme américaine.

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Les premières notes au piano accompagnent le soleil se levant sur un ensemble blanchâtre difficile à identifier. La première image du générique est représentative de la série. Le décor en trompe-l’œil dissimule des hommes qui tirent les ficelles d’un monde qu’ils ont créé. Ève et Adam sont des androïdes et Dieu est un humain. Après le générique du premier épisode, une voix hors-champ dit calmement : « mettez-là en ligne« . Dolores (Evan Rachel Wood) entend cette voix et lui répond sans bouger les lèvres. Elle se croit dans un rêve et l’homme lui pose une question qui hantera l’ensemble de la première saison : « As-tu déjà douté de ta véritable nature?« . Elle rouvre les yeux et se trouve dans son lit, en pleine conquête de l’Ouest américain. A partir de ce moment, l’environnement nous devient familier. En effet, la série véhicule l’image constituée par l’industrie hollywoodienne avec ses endroits et personnages incontournables. Du saloon à l’affrontement avec les Indiens, la série ne transgresse pas la règle. En ce sens, l’introduction n’est pas déstabilisante mais tend à nous immerger par la beauté de ses décors. Le grain de sable dans les rouages, c’est le personnage interprété par Ed Harris. Il ne semble pas inféodé à une image d’Épinal du western. La caméra dé-zoome et nous montre la supercherie. L’action qui se déroule dans le far west n’est qu’un vaste terrain de jeux pour des personnes riches désirant assouvir leurs pulsions.

Bis repetita

La narration fonctionne sur le principe de la répétition, avec quelques modifications. Dolores suit un chemin défini par les créateurs. Elle renverse une boîte de conserve qui tombe aux pieds d’un « visiteur ». Là, une personne extérieure au parc peut suivre un scénario qui l’emmène vers des destinations prédéfinies. Tous les androïdes suivent un scénario qui permet aux visiteurs de se faire leur propre histoire. Tout ceci est voulu par le créateur du parc, le docteur Robert Ford (Anthony Hopkins), qui voit l’ensemble des arcs narratifs comme un soap opera. L’histoire américaine est transformée en parc d’attractions. Cependant, à force d’aller-retours entre le parc et la multinationale, les androïdes commencent à s’éloigner de leurs scenarii pour fabriquer leurs propres histoires. En ce sens, la mise-en-scène joue sur cette répétition tout en modifiant, avec parcimonie, les différents éléments que l’on retrouve à chaque fois. Ainsi, Maeve Millay (Thandie Newton) décide de s’allier au gang qui cambriole son bordel. Paint it black des Rolling Stones est jouée d’une manière différente de la chanson originale afin de montrer cette déformation des schémas classiques. Cette idée est accompagnée par la présence du piano. Il est filmé à chaque début de scénario et représente cette répétition mécanique des personnages. La modernité vient dérailler les schémas classiques.

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John Ford à l’épreuve de la science-fiction

Westworld est une mise en abyme vertigineuse sur les questions de libre arbitre, de conscience non-humaine. Ces thèmes sont esquissés dès les premiers épisodes. Le personnage d’Anthony Hopkins est poussé par le conseil d’entreprise à annoncer sa démission. Il lui reproche de ne pas être rentable et de ne pas aller assez loin. Au premier abord, on peut penser qu’il a une vision très romantique du parc, qu’il voit ce dernier comme une possibilité, pour un être humain, de comprendre le sens de sa vie. Mais le personnage est nettement plus ambigu que cela et c’est une belle idée d’avoir proposé le rôle à Anthony Hopkins. C’est un acteur qui dégage une certaine sagesse tout en provoquant l’effroi de par son rôle dans Le silence des agneaux. De plus, son personnage s’appelle Ford, en référence probablement au cinéaste américain John Ford. Dans le troisième épisode, il cite une réplique de l’homme qui tua Liberty Valance lorsqu’il dit : « Print the Legend ». Au-delà du clin d’œil, la série apparaît comme une relecture des films de Ford à l’aune de la science-fiction. En effet, on retrouve plusieurs thèmes traités notamment par Philip K. Dick. Un androïde peut-il être conscient ? C’est tout l’enjeu de Blade Runner de Ridley Scott. Le showrunner de Westworld, Jonathan Nolan, s’inspire évidemment du film de Michael Crichton mais aussi de ses autres livres comme Jurassic Park. Toutes ces références s’entremêlent pour donner une vision du futur assez noir. Les androïdes, en se rebellant, tuent des humains dans le monde réel. A la fin de la première saison, il semble impossible de désigner les personnages humains au milieu d’une multitude d’androïdes. Avec le personnage de Maeve Millay, nous ne sommes pas loin du post-humain.

Westworld, bien que différente, est bien plus passionnante que Game of Thrones. Elle est une déclinaison brillante du film de Michael Crichton. Jonathan Nolan signe peut-être un de ses meilleurs scripts et passe le cap de la mise-en-scène (notamment pour le dernier épisode) avec brio. L’ensemble doit beaucoup à la qualité des comédiens qui rendent crédible un monde prédéterminé et basé sur la répétition. Au vu du dernier épisode, Westworld semble avoir encore beaucoup de choses à raconter et cette première saison est ce qui s’est fait de mieux à la télévision ces dernières années.

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