Avertissement :
Si vous avez la chance de ne rien avoir entendu sur ce film, n’allez pas plus loin que ce chapitre. Courrez-y. En plus de voir un film sublime, vous aurez le plaisir de gouter pleinement à la saveur toute particulière de son premier quart d’heure.
A partir d’ici, nous supposerons donc, que vous avez au moins connaissance de l’argument principal de Tomboy : Laure (Zoé Héran), une petite fille de 10 ans emménage en plein été avec sa petite sœur (Malonn Lévana) et ses parents (Sophie Cattani et Mathieu Demy). Elle saisit le quiproquo provoqué par ses allures de garçon manqué et décide de devenir, le plus longtemps possible, Michaël, le nouveau du quartier.
Déjà remarquée avec son Naissance des pieuvres, Céline Sciamma signe un second film riche et sensible déjouant avec une aisance déconcertante tous les pièges de son «sujet». Les guillemets sont de sortie parce que justement Tomboy est tout sauf un film dossier. C’est un film sur l’été, sensuel et sensitif et c’est surtout un film à hauteur d’enfance. D’un bout à l’autre, la caméra ne quittera jamais les enfants : leurs jeux, leurs discussions, leurs troubles, leurs colères… Les parents n’apparaissent que dans leur relation avec Laure ou sa sœur. Quand ils ont une conversation entre eux, c’est hors champ. Quand les adultes discutent, c’est derrière une porte. Malgré cela, la représentation des parents et les subtiles nuances de rapports avec le père et la mère sont d’une grande finesse.
L’essentiel a donc lieu entre les mômes.
L’ensemble est construit autour de courtes séquences. D’un côté, celles avec la bande du quartier et plus particulièrement Lisa (Jeanne Disson), la voisine tombant rapidement sous le charme de Michaël. Partie de béret ou de foot, baignade, ballades dans des sous-bois lumineux, moments à la fois exaltants et tendus par la crainte de la révélation du secret de Laure. De l’autre de sublimes instants de complicité entre Laure et sa petite sœur Jeanne, entre jeux, ennui, vacherie et tendresse.
Chaque pièce de ce somptueux puzzle est une merveille de naturel et de justesse. C’est d’autant plus remarquable, quand on connait la difficulté de diriger des enfants. On n’est donc pas surpris de découvrir en interview que les dialogues entre sœurs et les chorégraphies des scènes de groupe étaient minutieusement préparés. On reste béat devant la qualité de la direction d’acteur. Le jeu tout en impassibilité de Zoé Héran est une merveille. La malice et la tendresse de Malonn Lévana sont bouleversants. Le mélange de trouble et de maitrise de la petite voisine interprétée par Jeanne Disson est tout aussi saisissant.
Pour retrouver l’urgence et la tension de son premier film, Céline Sciamma s’est aussi astreinte à une durée de tournage très courte (20 jours) avec une petite équipe et à un nombre limité de ces séquences. Ces contraintes ne sont sans doute pas pour rien dans la densité et le rythme parfaitement maitrisé du long métrage.
Avec tout ça, on en oublierait presque l’audace des thèmes centraux : la construction de l’identité sexuelle et le trouble de la sensualité enfantine. Thèmes extrêmement originaux en cinéma et surtout particulièrement casse-gueule. Pourtant, la réalisatrice parvient à les faire passer tout au long de son film sans jamais que cela ne soit lourd ou appuyé. Elle ne cesse de nous renvoyer aux attentes de la société vis à vis des filles et des garçons, mais c’est toujours avec finesse et a-propos. Autre immense qualité du film : son refus du pathos ou de la dramatisation. Le jeu prendra bien évidemment fin et aura des conséquences, mais cela se fera sans excès mélodramatique. Ce qui aurait pu donner un fait-divers sordide, sait conserver mesure et légèreté sans toutefois perdre en force. La scène de la découverte de la supercherie est d’ailleurs exemplaire à ce titre. Pas de musique larmoyante ou de crise de nerfs, juste la violence sourde d’une robe bien mal ajustée.
Un film brillant, sensoriel, grave et léger comme un jeu d’enfant, ça ne se refuse pas.
Tomboy est actuellement à l’affiche du cinéma Arvor.
Parfaitement d’accord avec cette chronique Mr B.
A noter aussi, l’excellente B.O de Para One avec cet instant suspendu qui pétille lorsque Lisa et Laure/Mickaël dansent. On croit quelques secondes que parfois le bonheur peut être simple.
La scène de danse est effectivement une pure merveille.
A noter que la dame est une habituée des B.O. électro classieuses puisque c’était Vitalic qui s’y collait dans « Naissance des pieuvres ».