Le patron de l’époque m’avait dit : « tu vires la première personne du singulier de ta chronique, c’est pas un blog ici. » Ou à peu près, il était plus poli que ça. C’était peut-être son problème.
Mais pour parler de Bérurier Noir, c’est dur de pas prendre ça personnellement. Pis justement. Quand Tom a demandé qui ça branchait de causer des 30 nouvelles noires, si j’ai levé la main, électroniquement, c’est bien à cause des souvenirs laissés par cette bande de barjos.
Une enfance dans la variété de papa et le top 50 fracassée par un voisin de box d’internat qui balançait les Shériffs ou les Bérus ou Parabellum …dès l’allumage des néons, au réveil, ça marque.
Un concert d’adieu à l’Olympia qui passe sur l’ex-chaine qui monte, quand on a 16 ans, ça grave, dans la peau. Surtout si on a mis ça sur une VHS et qu’on se le repasse en boucle en alternance avec la version audio sur K7.
C’est loin. Et c’est là. Pour les 30 auteurs aussi visiblement. Il y a vachement de nostalgie dans ce livre. Même si la bande s’est « déformée » à Rennes en 2003, aujourd’hui Bérurier Noir, c’est du passé. Et le passé, ça peut être moche.
Donc on commence bien glauque avec « Soleil Noir » et une histoire de drogue, de prostitution et de squat.
Comme dans les opus sur les Dogs, les Clash, les Ramones et La Souris Déglinguée, chaque nouvelle a pour titre un morceau du groupe. La dernière s’appelle « Elsa, je t’aime » et comme dans la chanson, le narrateur commet le crime : chez les Bérus il tue, chez Jeanne Trommel, il viole.
De l’overdose au suicide. « Si elle n’a pas vu le lendemain, elle a du bien sentir la nuit ». En 30 histoires.
Alors tout n’est pas couleur Soulages (Pierre) là-dedans. Mais ça se venge quand même pas mal. Dans « Hélène et le sang » bien sûr, une des meilleures. Au passage, on se demande si c’est pas mieux de connaître les références. Dans « Porcherie », contre des fachos, of course. Dans « la viande hurle » qui condense plusieurs traits apparaissant ailleurs : outre le talion, on a les ouvriers qui se battent et les Bérus qui viennent jouer, sur un bus.
Le rapport au groupe n’est pas traité de la même façon par tout le monde. Si on croise Loran ou François parfois (« La mère Noël »), ailleurs, on se contente de les avoir en fond sonore (« Macadam Massacre »). La meilleure façon d’en parler, c’est quand même de l’intérieur. Le biographique peut être vachement bien fait : « Commando Pernot » raconte l’aventure vue de la boite à rythmes, imparable.
Mais le vrai, ça fait plus mal. Si le coup du bus est authentique, l’assassinat de Philippe Reniche aussi. « J’ai peur » ne s’attarde pas sur la torture qu’a subie l’ancien choriste en 2007 mais sur ce qui l’a précédée.
La vie n’est pas toujours jolie, surtout pour certains. « La nuit apache » est drôle comme un râteau en pleine gueule, pour les copains. C’est qu’à part les prolos, on rencontre du Roumain (« Sur la piste inconnue »), du Gitan (« Tzigane »), de l’Arabe (« Ibrahim », « Djebel »), même du Breton (« le cerf, le druide et le loup »).
Pas jolie mais on peut avoir ses moments doux. Et comme par hasard, pour ça, c’est Mr Thomas Fleitour qui s’y colle, avec « Manifeste » et son histoire d’amour de 16 ans au milieu des CRS. Chapeau camarade !
30 nouvelles. 30 auteurs. Tout n’est pas au top niveau. Mais quand on fait les comptes, il y a un bon paquet de 3 étoiles. Comme « J’aime pas la soupe » tient, pour apprendre à laisser tomber. Ou « Djebel », pour devenir un salaud. Oui mais cette dernière elle est signée de Jean-Noël Levavasseur, le chef : normal qu’elle est bien.
Puisqu’on donne les médailles, merci à Hervé Sard pour « Baston », voilà un truc qui se passe aujourd’hui. Pas dans la nostalgie. Pas dans un futur imaginaire. Merci aux trucs décalés aussi, même quand c’est pas parfait. Comme « l’empereur Tomato Ketchup » qui venait d’un film, je l’apprends ici, ou « Petit agité », incompréhensible, ou « Lobotomie » qui nous laisse sans savoir quoi penser …
Qu’est-ce qu’il faut penser de « La pluie » avec ce fils qui émascule son père ? Et qu’est-ce qu’il faut garder de tout ça ?
De notre jeunesse ? De nos luttes ? De nos fêtes ?
Faut peut-être aller voir « Noir les horreurs » de Stéphane Le Carre. Le narrateur il lui en reste un fils. Et dans les 30, y a 2 « Fils de » dont le premier, et son affiche volée, qui fait se demander.
Qui est punk ?
Bérurier Noir
30 nouvelle noires
Camion Blanc
294 p, 30 €