BD en juin : Odyssées intérieures

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Se parant d’atours estivaux, la sélection BD du mois vous emmène en voyage. Mais attention point question ici de charter, de valise ou de bungalow, les trajets passeront plutôt par les méandres de l’esprit humain. Mythologie baroque, onirisme libidineux et psychanalyse sensible seront les jalons de notre petit périple.

adrastée

Commençons notre ballade par un détour avec de très jolis points de vue panoramiques sur l’imaginaire mythologique humain. Déjà remarqué avec son apocalyptique et contemplatif La belle mort, le jeune Mathieu Bablet frappe fort avec le premier des deux tomes d’Adrastée.
C’est l’histoire d’un roi. Le roi d’Hyperborée. Ce homme ne peut mourir. Après 1 000 années d’existence, il a perdu depuis longtemps tous ceux qui lui étaient proches, mais également tous les habitants de son pays. Dans sa cité vide, envahie par la végétation, le roi se décide à partir en quête. Il part en direction de l’Olympe avec dans sa besace, une poignée de questions à poser aux dieux.
Le périple de son héros permet à Bablet de revisiter avec une maestria graphique impressionnante les grandes figures de la mythologie grecque. On croisera donc au fil des pages un cyclope, un sphinx, l’infatigable Héraclès… et bien sûr Poséidon ou Héphaïstos aidant ou mettant des bâtons dans les roues à notre pèlerin. Un récit à la fois mélancolique et malicieux, qui réussit à être très spectaculaire visuellement, et très touchant dans les liens que l’on peut ressentir avec notre immortel héros se débattant avec les souvenirs en lambeaux de son millénaire. On a donc autant apprécié la mise en images minutieuse et vertigineuse de figures classiques ré-haussée par une colorisation toute en ambiance, que la narration alternant avec aisance et fluidité moments poignants, contemplatifs, cocasses ou survoltés. Un très bel album donc dont on guettera désormais la suite et fin avec une grande fébrilité.

Chez Ankama, mai 2013, format 20 x 28 cm, 80 pages, 15,90 €

LesIdolesMalades

Changement radical d’hémisphère avec Les idoles malades de Sourdrille chez les formidables et pugnaces éditions Les Requins Marteaux Ne vous laissez pas abuser par l’étonnant temple en ruine de la couverture, l’auteur ne vous emmène pas visiter d’exotiques civilisations mais plutôt les recoins les plus sombres de son imaginaire tordu. Dans une version dépravée des péripéties rêveuses du Little Nemo de Windsor McKay, le gars construit une série de rêves se terminant presqu’immanquablement par un réveil douloureux justifiant l’étrangeté du récit par l’abus de fondue galloise. Portés par un graphisme en noir et blanc d’une précision redoutable, les songes de Sourdrille naviguent avec jubilation en eaux troubles. Tour à tour férocement hilarant et franchement flippant, les rêveries de l’auteur brassent très librement les obsessions du bonhomme avec nombre figures de la culture populaire. Entre deux séances de voyeurisme surréaliste, on croisera donc Batmou et Robinet, du Walt Disney pervers, un bugs bunny trash et même une fable à deux corbeaux et un jogger.
Sous le patronage du grand Crumb, l’auteur nous livre un grand moment d’onirisme érotomane politiquement incorrect à souhait, servi par un graphisme virevoltant avec notamment un encrage de pure beauté.

Toujours dans la même boutique, on surveillera avec la vigilance de sœur Anne la sortie en septembre prochain de In God We Trust, le nouvel album de Winschluss, consacré rien de moins qu’à sa vision du best-seller la Bible. Quand on a lu et adoré ce qu’il a merveilleusement fait subir au Pinocchio de Collodi, on ne peut que frémir d’impatience.

Chez Les Requins Marteaux, janvier 2013, format 21 x 29 cm, 104 pages, 18 €

géante

On boucle notre virée sur des terres plus sensibles. Géante de Fanny Michaëlis s’ouvre sur une première fois. Véra découvre l’amour avec Abel dans une scène aussi bouleversante que crue. Au milieu des tours, sur le chemin passant par des dunes de béton entre son appartement et son lycée, on va suivre au plus près cette première histoire, où surgira immanquablement Agnès, troisième sommet de l’éternel triangle amoureux. Entre réalisme gris et fantasmes hautement freudiens, l’auteur réussit avec un brio impressionnant à retranscrire les vertiges d’un amour adolescent, entre maladresse totale et désir d’absolu. Entre dureté et suspension, Fanny Michaëlis construit un conte ultra-sensible magnifiquement servi par un dessin au crayon gris entre pesanteur et flottement. Un livre magnifique, culminant dans une superbe scène de répétition de théâtre cruelle et vertigineuse.
Assurément un des grands livres de cette année pour nous.

Chez Cornélius, mai 2013, format 15 x 21 cm, 192 pages, 18,50 €

1 commentaires sur “BD en juin : Odyssées intérieures

  1. tricote

    Sans oublier la superbe BD de Jean VAUTRIN et Eugénie LAVENANT, parue cette année aux éditions Sarbacane : « Le Pogo aux yeux rouges »

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