On avait été happé par Rio Baril à sa sortie, lors d’un trajet en voiture, heureusement assez long. Comme pour ces livres que vous ne voulez plus lâcher jusqu’à la dernière page, on avait dévoré ce « disque-roman » d’une traite, deux fois de suite. On s’était ensuite laissé rattraper par la subtilité des arrangements et la richesse mélodique de l’album au fil des écoutes. On avait attendu la sortie de Frère Animal avec impatience et entre temps, plongé dans Gargilesse, ce premier album déjà plein de promesses.
Florent Marchet est revenu cet automne avec un nouveau disque sous le bras, Courchevel, à la pochette décalée (Florent moustachu avec sa guitare assis sur une peau d’ours devant la cheminée, l’air résolument candide et dépassé) et aux morceaux souvent émouvants. Une nouvelle fois. Pour ce retour : un duo avec Jane Birkin, la présence encore d’Erik Arnaud lors de l’enregistrement, avec les amis de Frère Animal, de Syd Matters pour n’en citer que quelques uns. Mais surtout, cette justesse dans l’écriture.
Florent Marchet a un réel talent pour croquer en deux phrases, en quelques mots, les vérités qui se dissimulent, la vie dans les plis comme aurait dit Henri Michaux. Il parvient à mettre à nu l’humanité des petits riens de nos quotidiens ou les déboussolements des grandes ruptures. Après la sortie du très bon Rio Baril, on imaginait qu’il avait champ libre pour un troisième opus. Pourtant, le musicien a rendu son contrat à Barclay au printemps 2009 afin de se sentir plus libre pour écrire ce troisième album.
Depuis la sortie de Courchevel, Florent Marchet arpente les salles de France et de Navarre avec son groupe pour présenter ce nouveau projet. Il sera au festival Art Rock ce dimanche 12 juin pour un après-midi frenchy (Zaza Fournier, chanteuse- accordéoniste accompagnée de quatre musiciens, remplace en effet Agnès Obel au pied levé pour un set entre chanson réaliste et rock sixties). Interview.
Alter1fo : Gargilesse, Courchevel ou Rio Baril, vous donnez toujours des noms de lieux (réels ou imaginaires) à vos albums, pourquoi ?
Florent Marchet : Parce que pour moi le point de départ en écriture, ou le point désir devrais-je dire, est toujours lié à un lieu, à une géographie. Ce ne sont jamais des lieux choisis au hasard, il y a toujours derrière une forte symbolique, sociale ou romanesque. C’est l’environnement premier qui me permet de créer mes personnages, mes histoires. Je travaille aussi beaucoup autour de cette problématique : être un étranger chez soi. Sans lieu, pas d’histoire !
Comment est-ce que vous composez ? Vous commencez par un instrument en particulier ? Vous pensez déjà à tous les arrangements en commençant à enregistrer ? C’est d’abord le texte qui vient ?
Pas de règle même si je compose très souvent en même temps que j’écris le texte. Me vient le plus souvent un début de mélodie et de texte qui va avec. Je ne cherche pas à analyser. On est dans cette fulgurance que j’appelle starter. Ce point de départ me permet d’imaginer très vite les matières sonores qui vont venir habiller l’histoire. Le tout est très “work in progress” et on passe son temps à faire des allers et retours (pas toujours agréables d’ailleurs) entre le point de départ inconscient et le fantasme qu’on se fait de la chanson finalisée… Ca peut prendre des mois comme quelques heures. La création est quelque chose de très mystérieux et finalement ce n’est peut-être qu’une question d’autorisation, au delà de la technique, de la pratique, même si ces deux dernières restent fondamentales.
Quelles influences musicales revendiqueriez-vous ?
J’aime autant la musique folk américaine (Elliot Smith, Sufjan Stevens…) que la musique du 19ème (Chopin, Schubert..), la pop anglo-saxonne (Belle and Sebastian, Divine Comedy…), la musique africaine (Toumani Diabaté…), l’électro (Kraftwerk, Aphex Twin…) Sans oublier la chanson française (Gainsbourg, Ferré, Murat, Dominique A, Miossec…). C’est assez large, j’aime beaucoup de styles, c’est une nourriture essentielle à la création…
Pourriez-vous nous donner 3 disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?
Non je ne peux pas, ça change trop souvent. Je fais beaucoup d’allers et retours. Comme je suis bien incapable de choisir entre du salé, du sucré…. Comme disait Brassens, sur une île déserte il faut tout emporter….
Vous êtes un extraordinaire conteur de ces petits moments de l’existence qui cachent des vérités souvent poignantes. Qu’est ce qui vous inspire ?
La vie de ceux que j’aime, ma propre vie, des faits divers, une photo, un roman, un film, une discussion glanée dans un train…. La vie des autres en général. Raconter ma petite affaire privée n’a pas beaucoup d’intérêt. Raconter la société dans laquelle on vit, telle qu’on la ressent, c’est déjà mieux.
Sur ce nouvel album, beaucoup de morceaux traitent de la disparition, qu’il s’agisse de Roissy bien sûr, mais aussi de Pourquoi êtes vous si triste ?, Narbonne Plage ou même peut-être La Charrette. Pourquoi ?
Je m’intéresse aux points de rupture et pas uniquement parce que le romanesque vient s’y loger. Parce que le bonheur c’est quand les emmerdes se reposent et que nous sommes tous fébriles à l’idée qu’elles se réveillent.
Dans vos textes, vous changez souvent de points de vue. Vous restez souvent à la première personne, mais parfois vous vous glissez dans la peau d’une amoureuse (L’eau de Rose), ailleurs dans celle d’un enfant (Pourquoi êtes vous si triste ?), d’un ado dans l’émouvant Sous mes draps… Ou bien vous êtes un personnage qui s’adresse à un autre (Courchevel). Pourquoi choisir ces différents points de vue ?
Je pense qu’un photographe ne peut pas passer sa vie à faire des portraits serrés.
Au cinéma c’est la même chose. On change de plan pour donner du relief, de la perspective… Et puis c’est une chose formidable que de rentrer dans la peau de multiples personnages. Ce n’est pas réservé qu’aux comédiens heureusement…
Est ce que vous pouvez nous expliquer votre rencontre avec Arnaud Cathrine et l’équipe de Frère Animal ? Qu’y a t -il de prévu pour la suite pour ce deuxième projet ?
La rencontre avec Arnaud a été très importante pour moi. On s’est beaucoup apporté je pense. Grâce à lui je me suis autorisé à lâcher le format chanson et lui est monté sur scène pour chanter, jouer…Un frère animal numéro 2 est en préparation.
On a été très impressionné par Rio Baril, d’abord à cause de la subtilité des mélodies et des arrangements, mais aussi à cause des textes. Raconter une histoire sur tout un album, c’est vraiment un exercice de voltige du point de vue de l’écriture. Sur ce nouvel album, on ne retrouve pas une histoire tout du long mais davantage une collection de « vignettes » qui racontent chacune leur histoire, un peu comme sur Gargilesse. Pour quelles raisons ?
Je sors de 2 “albums romans” avec Rio Baril et Frère animal. Un nouvel album se fait toujours en réaction aux précédents…
Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est Nodiva. Un studio? Un label ? Les deux à la fois ?
Nodiva est une structure montée autour d’un studio d’enregistrement. C’est un peu l’arche du musicien d’aujourd’hui. Avoir son propre outil de production est devenu essentiel si on veut pouvoir continuer à créer en respectant son rythme… Et ça me permet aussi de produire d’autres artistes, d’être au service des différents univers, pas seulement le mien.
(…)
Et pour finir…. Mais pourquoi cette moustache ?
Parce qu’il faut toujours une question décalée pour terminer une interview et que je suis sympa, vous n’avez pas eu besoin de vous creuser la tête (rires).
(Rires… ) Trêve de plaisanterie, merci d’avoir pris le temps de nous répondre !
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Art Rock présente Florent Marchet au Grand Théâtre de la Passerelle, le dimanche 12 juin à 15h00, avec Zaza Fournier.
Tarif 15 euros.
Myspace de Florent Marchet : http://www.myspace.com/florentmarchetmusic
Pour plus d’informations sur le festival : site d’Art Rock
c’est vrai ca pourquoi cette moustache ? 😉 vous avez tiré dessus pour voir si c’est une vraie ? 😉
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