C’est en parcourant les collections publiques des archives d’Ille-et-Vilaine que nous sommes tombés sur la photographie ci-dessous de Charles Barmay datant de 1966. À l’arrière-plan, on aperçoit très distinctement l’immeuble qui fait l’angle de la rue Émile-Souvestre et la rue d’Isly. Mais le plus intéressant reste ces arcades qui se tiennent droites comme des I. Elles ont fières allures et en imposent. Et franchement, on ne connaissait mais alors pas du tout cette histoire, malgré les nombreux articles déjà publiés sur le sujet. Comme quoi parfois, on passe à côté de chouettes choses et l’histoire rennaise reste une source inépuisable.
En lisant la documentation disponible sur les internets, voici un rapide condensé de ce que nous avons pu trouver (liens et sources en fin d’article, merci à celles et ceux qui ont fait le taff, NDLR)
Ces arcades proviennent en fait de l’ancien couvent des Visitandines (ordre monastique féminin de droit pontifical, NDLR), aussi appelé couvent du Colombier. Pour rappel, les religieuses de l’ordre de la Visitation (le nom est pris pour rappeler la visite de la Vierge Marie à sa cousine Élisabeth, qui ne pouvait avoir d’enfant, NDLR source) ont bâti leur premier monastère sur les terrains de Touriel appartenant aux Carmélites (source) se trouvant entre la rue St-Melaine, la rue d’Antrain et une partie des anciens fossés de la ville. C’est par ici même que s’est construit bien plus tard le pole commercial de la Visitation (visitation → visitandine, il n’y a pas de hasard… tout comme à côté, le passage des Carmélites n’est pas nommé ainsi pour rien).
Mais au fil du temps et du nombre grandissant des pensionnaires, celles-ci se sentirent à l’étroit et décidèrent d’acquérir le lieu noble du manoir du Colombier (édifice destiné à loger et à élever des pigeons, NDLR) connu aussi sous l’appellation du Petit Beaumont, situé rue de la Verrerie (actuellement rue de Plélo, NDLR). Elles y fondèrent en 1641 leur deuxième monastère au sein de la paroisse de Toussaints.
En fonction jusqu’à la révolution, les Visitandines furent chassées manu-militari en 1792 et le couvent fut loué à des particuliers. De grands travaux y furent entrepris de 1825 à 1830 pour y installer une maison de réclusion, mais ce projet fut abandonné source Le couvent fut ensuite confisqué par l’État au titre des Biens Nationaux et transformé en caserne militaire d’artillerie, justifiant ainsi la réputation de Rennes, ville non pas de « punks à chiens » mais de « garnisons et de congrégations source ».
En 1954, l’Etat cède la caserne à la ville qui engage alors une vaste opération d’aménagement urbain. Sous l’initiative volontariste de la municipalité menée par Henri Fréville (maire pendant près de 25 ans, de 1953 à 1977, NDLR) et la houlette de l’architecte et urbaniste Louis Arretche, l’aménagement du Colombier est lancé. Source L’imposant mais mal fichu bâtiment est alors détruit pour laisser la place à la dalle du Colombier, au centre commercial 3 Soleils, aux immeubles de bureaux, et aux tours d’habitations de grande hauteur (cf. les deux tours accolées de l’Éperon, avec leurs 92 et 96 m de haut respectives, NDLR).
Mais dans ce énième épisode de la ville qui se reconstruit sur elle-même, tout n’a pas été perdu ou éparpillé façon puzzle. Sous l’impulsion de Guy Houist, personnage central dans la politique urbaine des Trente glorieuses, surnommé « Monsieur anti-taudis » par le magazine Place Publique dans un numéro qui lui est consacré, les arcades les plus anciennes du cloître sont démontées puis remontées (comment alors là… bonne question, NDLR)
- dans le quartier du Gros-Chêne à Maurepas,
- et dans le quartier de Bourg-l’Evêque, square Guy Houist, au pied des tours des « Horizons »
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Anecdotes
- Après d’importants travaux de réhabilitation initiés par le Conseil départemental, l’ancien couvent des Visitandines situé en plein centre-ville du Mans a été réhabilité dernièrement en un espace commercial, d’art et d’habitation.
- À Rouen, le Museum d’Histoire naturelle et le Musée des Antiquités cohabitent au sein même de l’ancien couvent des Visitandines.
- Le Fonds Régional d’Art Contemporain de Caen a emménager dans l’ancien couvent des Visitandines en 2018…
- La Visitandine de Nancy est un petit gâteau rond à l’amande, qui aurait été inventé chez les religieuses du couvent de la Visitation (appelées « Visitandines »), probablement au cours du XVIIe siècle. Selon l’Est Républicain, sa création viendrait d’une volonté de trouver une seconde vie aux blancs d’œuf, dont le jaune était utilisé pour des peintures et enluminures.
merci