Marre des statistiques covidées ? Marre du masque ? Marre du gel hydro-pas-alcoolique ? Marre des infos ? ça tombe bien, nous aussi ! Pour oublier cet environnement toxique, on vous propose une plongée sans filet dans notre sélection bigarrée de culture en papier sous forme de calendrier de l’avent bibliophile : Des bouqu’1 sous le sapin 4ème édition ! Notre huitième épisode nous mène dans les pas du cambrioleur pas vraiment gentleman Jack Black pour un des plus beaux récits de vie que nous ayons eu la chance de lire.
« Encore un livre des éditions Monsieur Toussaint Louverture dans le calendrier de l’avent ? » se demanderont peut-être les plus attentifs et pinailleurs d’entre vous. On confesse bien volontiers un attachement particulier à cet éditeur qui fait la part belle à une littérature sans frontière, singulière et intense. Ajoutez à ça un soin presque maladif dans la matérialité de leur publication et vous comprendrez volontiers que nous guettons chacune de leur sortie avec une attention toute particulière.
Personne ne gagne (You can’t win en version originale) est donc l’autobiographie de Thomas Callaghan alias «Jack Black». Rien à voir avec l’acteur et chanteur hilarant de Tenacious D puisque le monsieur est né en 1871 à Vancouver. Orphelin de mère, il passe son enfance dans le Missouri où il est rapidement abandonné par un père assez peu aimant. Au fil de ses pérégrinations parmi les hobos et les exclus du grand rêve américain, il va développer un rapport assez singulier à l’autorité et à la loi. Celle-ci le mène à embrasser la carrière de voleur et même à se spécialiser dans le hobby à haut risque du perçage de coffre.
Il y a d’abord le récit captivant de cette vie de petits malfrats. Avec une précision redoutable, l’auteur nous narre avec autant de bagout que d’ironie, les hauts mais surtout les bas de cette folle vie de cambriole. L’existence de jack Black est peut être enivrante de liberté et de refus du conformisme mais elle est aussi pleine d’aléas, de fatalité et de coups du sort. Les rencontres, la fraternité, la traitrise, les magouilles, les coups miraculeux ou totalement foireux, l’incroyable inventivité… tout se mêle avec une fluidité de conteur absolument irrésistible.
Mais il y a surtout dans ce livre le recul d’un homme qui a changé et qui observe sa jeunesse avec une tendresse immense mais aussi une lucidité implacable. Jack Black a connu l’addiction à l’opium, l’enfer de la prison à de multiples reprises, la violence et l’hypocrisie d’une société américaine au tournant du XIXème et du XXème siècle. Il a aussi rencontré Fremont Older, journaliste progressiste avec lequel il va partager son combat pour plus de justice sociale et moins de corruption. L’auteur utilise sa propre expérience pour militer avec une force épatante et sans pédanterie aucune pour une réforme du système pénitentiaire ou pour l’abolition de la peine de mort. Sans jugement, ni moral, il arrive à développer au sein du tumultueux feuilleton de sa folle vie un propos implacable et humaniste pour une société plus juste.
En 1932, Jack Black connait une fin trouble et mystérieuse à la hauteur du reste de son existence. Il se noie dans le port de New-York, peut-être même assassiné d’une balle dans la gorge, en laissant derrière lui quelques articles enflammés, une montre chez un prêteur sur gages et ce livre unique. Cet homme et son œuvre seront une des grandes sources d’inspiration de la beat generation, Jack Kerouac et William S. Burroughs en tête. On vous souhaite qu’il devienne également une des vôtres.
Personne ne gagne de Jack Black – 480 pages
EAN: 9791090724327 – paru en mai 2017 –
collection Les Grands Animaux
Éditions Monsieur Toussaint Louverture– 11,50€
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