Maintenant 2016 – Frémissante impatience : les premiers noms [La prog’ détaillée Part I]

Les rares fois où l’on se surprend à penser à la rentrée avec impatience, c’est lorsqu’on se souvient que le festival Maintenant a lieu en octobre. Et cette année du 7 au 16 exactement. Pour un peu, ça nous ferait presque déjà espérer la rentrée. Alors même si Maintenant, ce n’est pas vraiment tout de suite, l’identité visuelle ainsi que les premiers noms de cette édition ont été dévoilés et ça s’annonce formidablement bien. Présentation.

bandeau Maintenant 2016 - Katie scott

Un festival ambitieux à taille humaine et aux propositions souvent atypiques

On peut en effet dire qu’on l’attend avec une impatience toute frémissante, cette nouvelle édition de Cultures Electroni[k] renommée Maintenant depuis trois ans. C’est que l’association Electroni[k] a complètement réussi à nous alpaguer au fil des années avec ces propositions éclectiques, souvent décalées, à l’incongruité jouissive. A cause de cette bourricote d’équipe, on a dormi dans un dojo plein d’inconnus et écouté un concert en pyjama, on a entendu des légumes faire de la musique (mais on n’a pas mangé la soupe, faut pas exagérer!), on s’est caillé les miches dans la piscine St Georges pour une diffusion subaquatique qui nous a fait frissonner au sens propre et figuré, on a écouté un quatuor à vents en forme de cornes de brume. On a aussi regardé une tapisserie devenir vivante, fait des bulles en forme de montgolfières, et même allumé un nuage sur la place Hoche : bref, on a fait un paquet de trucs qu’on n’aurait jamais imaginé vivre.

identité visuelle maintenant 2016 par Katie ScottEn plus des offres plus classiques, Electroni[k] s’attache ainsi à constamment expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public : des lieux apparemment  incongrus (une piscine, un dojo, une maison de retraite…), des formats étonnants (des concerts sous l’eau, des installations qui s’écoutent sur des lits suspendus, des performances qui se découvrent au cœur de dispositifs sonores englobants ou de visuels hallucinants, des concerts au casque…). Et surtout, une volonté de s’adresser à tous les publics. Alors oui, chaque année, on attend octobre comme Noël avant l’heure, persuadés que l’équipe d’Electroni[k] aura caché mille surprises dans sa programmation.

Là, pour le moment, bien sûr il est un peu tôt pour en parler en détail, étant donné que la programmation en question n’a qu’en partie été dévoilée. On peut juste d’ores et déjà affirmer qu’en plus de 2 journées de rencontres autour de la créativité numérique (les bien nommées Demain !, les 14 et 15 octobre), cette édition se déclinera en pas moins de trois (!) nuits électroniques, une nouvelle Super Boum ! débridée à la Salle de la Cité (le 8 octobre) suivie d’un Super Week-end ! (tout aussi joyeux et foutraque) la semaine suivante (au Cadran les 15 et 16 octobre), une Nuit Arts, Sciences & Technologies au Diapason le 13 octobre qui risque bien d’être une nouvelle fois passionnante, et là-dedans et en dehors, une tripotée d’expos, de concerts et  autres performances, d’ateliers, de rencontres et d’expériences forcément, toujours avec un grand E. Bref pour les amateurs de chiffres pas moins de 25 lieux concernés avec en tout 75 artistes internationaux ou locaux.

Maintenant, c’est bientôt : les premiers noms

Bon, on l’avoue, nous les chiffres on s’en tamponne légèrement le coquillard, et ce qui nous intéresse, c’est plutôt les différentes propositions artistiques dont on va se régaler cette année. Pour le moment, donc, pas de détails, mais une dizaine d’artistes d’ores et déjà annoncés, on ne sait trop encore avec quelle proposition.

On est cependant dès à présent plus qu’impatient de découvrir en vrai le travail de Yasuaki Onishi tant les réalisations du plasticien, photographe, sculpteur (et on en passe) sont à la fois féériques, fascinantes et émouvantes. Ses dernières créations en date (Reverse of Volume ou Vertical Emptiness) allient ainsi matériaux simples (bâches en plastique, fils de pêche, glue blanche ou noire…) et univers onirique en concevant « des espaces comme des marges ou des négatifs » afin de « capturer l’invisible » .

Vertical Emptiness par Onishi Yasuaki - Crédit Photo Oshima Takuya

Vertical Emptiness par Onishi Yasuaki – Crédit Photo Oshima Takuya

Travaillant autour des notions d’espace, d’air, de volume, de gravité, jouant tout autant sur le volumineux et la légèreté, le monumental et la fragilité, Yasuaki Onishi inverse ses paysages (la montagne inversée de Reverse of Volume, la forêt tête-bêche de Vertical Emptiness dont les blanches branches pendent du plafond jusqu’au sol), travaille les contrastes (la forêt immaculée se détache sur un panneau de graphite noir, la masse montagneuse inversée transformée en membrane qui respire, frémit au simple passage du spectateur, la lumière et l’ombre jouent ensemble à travers la bâche de plastique) et le temps (le geste patient de l’artiste qui laisse la glue noire s’égoutter fil après fil, les œuvres qui se répondent elles-mêmes dans le temps : glue noire ou blanche, forêt figée et masse montagneuse frémissante). Il se pourrait donc fort bien que l’installation proposée par Yasuaki Onishi pour cette nouvelle édition de Maintenant marque autant les esprits que celles de Zimoun, Nils Volker (Seventeen), Caitlind R.C.Brown et Wayne Garett (Cloud) des éditions précédentes. C’est en tout cas tout le mal qu’on lui/vous/se souhaite.

On en avait rêvé. On remercie donc à genoux Maintenant de programmer Julia Kent pour cette édition 2016. Il faut dire que la violoncelliste canadienne (from Vancouver, mais installée à New York) est de celle dont la musique nous déchire l’âme et le cœur toujours aussi sûrement. Jouant sur de nombreux disques (de Devendra Banhart à Barbara Morgenstern en passant par Au Revoir Simone ou les Swans !), un temps repérée avec Rasputina et Anthony and the Johnson, la jeune femme s’essaie dès 2007 sur un premier opus solo  Delay, avant Green and Grey (2011 chez Important Records, excusez du peu) sur lequel elle continue à mêler différentes strates de violoncelle, bouclant son instrument grâce à ses pédales, mêlant ses sonorités aux programmations électroniques et field recordings. Le violoncelle fait corps avec les machines, acoustique et technologie fusionnent dans un même mouvement pour un résultat centrifugeant ensemble cœurs et âmes.

juliaKent_photo presse

Avec Character encore (Leaf Label, 2013), le violoncelle se démultiplie, les textures se superposent, les morceaux atteignant des sommets d’expressivité. Swqw parlait de la « douceur d’un effondrement« , on n’aurait pas mieux dit. On ne se doutait pas alors qu’Asperities le quatrième et plus récent album solo de la musicienne nous renverserait tout autant (si ce n’est plus), écorchant tout autant nos épidermes de ses aspérités que de ses douces caresses. Les cordes et les textures électroniques s’y frottent, jouets d’une  tectonique des plaques à l’irrésistible puissance dévastatrice. Mais s’y mélangent également, se fondant les unes aux autres, la musicienne semblant parfois vouloir effacer les frontières entre textures organiques et électroniques. A noter : Julia Kent a également  composé des bandes originales de films, de la musique pour le théâtre et la danse. Pour Maintenant, on n’en sait pas plus, si ce n’est que ce sera le 12 octobre (on a déjà marqué le calendrier d’une croix de sang) dans un « lieu secret ». Bigre. On se promet des frissons.

jackson - photo presse - credit keffer

On se souvient d’avoir découvert Jackson Fourgeaud, alias Jackson and his Computerband il y a fort longtemps, notamment son premier album Smash, dont on passait constamment Rock On sur les platines devant les copains, quitte à les trainer au milieu d’un public clairsemé dans le hall 9 pour l’entrée en matière d’une soirée aux TransMusicales (2005 on croit ?). L’album s’éloignait alors des poncifs french touch, navigant crânement entre electronica, hip hop, rock et funk-soul, sortait chez Warp (!) et s’amusait de collages hallucinés, tout en denses strates, fourmillant d’idées elles-mêmes en équilibre instable sur des rythmiques déstructurées. Les cuts accidentés du bonhomme nous avaient accompagnés un bon moment et puis le garçon avait disparu des radars. Pour son retour aux affaires avec Glow (2013), Jackson avait alors notamment travaillé son live et tenté de donner vie au Computer Band en fabriquant une sorte d’objet-sculpture-instrument, interface sonore lui permettant en même temps de déclencher des effets, des sons et de contrôler les visuels.

De là, les projets du musicien ont naturellement évolué vers la création d’instruments électroacoustiques uniques utilisés dans le cadre d’installations/ performances musicales. Pour Maintenant, c’est donc Light Metal Magic que nous découvrirons. D’abord créée pour la galerie parisienne Kamel Mennour, Light Metal Music accompagnait l’exposition de Daniel Buren Au fur et à mesure, travaux in situ et situés. L’artiste y utilise des surfaces métalliques et d[es sortes d’] instruments à cordes pour articuler prismes multicolores, sombres drones technos et mélodies célestes sur des courants électriques bruts » . On a hâte de le découvrir en live.

 

Ben-UFO_photo presse maintenant 2016

On sait que pour ses soirées clubbing, Maintenant aime concocter des programmations pointues, alliant talents en devenir, têtes chercheuses et efficacité sur le dancefloor avec des artistes emblématiques d’une recherche actuelle, qui parlent tout autant à la tête qu’aux jambes, histoire de danser toute la nuit sur un futur en train de s’écrire… On se doute donc qu’on risque bien de danser all night long avec des maîtres des platines, certifiés grands crus par les dancefloors du monde entier. Notamment avec le Britannique Ben Ufo qui a choisi de se concentrer uniquement sur le djing. Boss du prestigieux label Hessle Audio (avec Pearson Sound et Pangaea) également connu pour ses mixes sur Rinse Fm, passé par l’incontournable et prestigieuse case Fabric, mais surtout adulé sur tous les dancefloors de la planète pour ses mixes racés qui n’ont pas peur de culbuter les frontières entre les genres (house, dubstep, techno, garage, bass…), Ben Thomson devrait sans conteste ravir les clubbers rennais.

pearson-sound-credit-Sima-Korenivski - photo presse maintenant

Pour cette édition de Maintenant, on retrouvera également un autre des co-fondateurs d’Hessle Audio, Pearson Sound (qu’on connaissait également sous le moniker Ramadanman pour ses amours dubstep et UK bass). Dj et producteur, notamment de maxis souvent enthousiasmants et d’un premier album (2015) plutôt ambitieux, dans lequel l’affinité pour la création sonore expérimentale du garçon se dévoile sous la forme d’un beat rachitique -parfois absent- et mental et d’un groove schizophrénique à la fois fruste et souple, David Kennedy (pour l’état civil) devrait également combler les oreilles avides de sets éclectiques et classieux, qui savent rester efficaces. Pour preuve, les derniers titres en date du jeune Anglais (avec même du Sleeparchive dans Freezle Sound).

On a également un léger faible pour la productrice, photographe et vidéaste new yorkaise Aurora Halal, responsable de la création des soirées Mutual Dreaming à Brooklyn (en gros, visuels live immersifs et techno underground  privilégiant l’expérience sensorielle -« it’s got to be more than just a show« – depuis 2010 ), décliné ensuite en label et en festival avec le Sustain Festival (mêmes mots d’ordre) qu’on retrouve également dans la programmation de cette édition. Productions à la fois sensuelles et hypnotiques, mêlant spirales synthétiques et rythmiques efficaces, très sûrement inspirées par la techno axe Detroit-Berlin, les premiers titres d’Aurora Halal, déclinés sur quatre eps depuis 2014, laissent présager d’un set (live ?) sensible et envoûtant.

lena willikens photo presse

On risque tout autant d’apprécier la prestation de l’Allemande Lena Willikens signée chez les toujours décalés et créatifs Cómeme (mené depuis 2009 par Matias Aguayo). Basée à Cologne, la jeune femme s’est fait connaître notamment par ses soirées au Salon des Amateurs de Düsseldorf, avec des sélections toujours un brin décalées, justement, si ce n’est imprévisibles. Elle est également responsable des très récentes soirées Nikotin avec Jennifer Cardini. Des sets qui jouent avec les limites, qui donnent une vision élargie du dancefloor, des productions particulièrement léchées (très chouette ep 6 titres -ou mini-album ?- Phantom Delia en 2015), qui allient sons bruts et mélancoliques, proto techno pleine de grains et minimalisme, textures abstraites et viscérales, et définissent un univers personnel particulièrement fascinant. Voire passionnant. Vivement.

L’Américaine Avalon Emerson devrait elle aussi rallier les clubbers sur la piste de Maintenant. Partie d’Arizona pour s’installer à San Francisco, et accessoirement organiser ses premières soirées mensuelles avec ses coloc. d’alors dans la warehouse où ils habitaient, puis relocalisée à Berlin, Avalon Emerson s’illustre elle aussi en même temps comme dj et productrice. Live ou dj set pour Maintenant, là encore, on n’en sait rien. Mais la techno  progressive et organique de l’Américaine (si l’on en croit notamment son sixième ep The Frontier sorti sur Whities Records – 2016) devrait sans peine rallier les suffrages;

On aura ensuite le plaisir de retrouver Le Comte (que les plus attentifs d’entre vous auront pu également reconnaître derrière les synthés des Juveniles) qui est actuellement en train de peaufiner son premier live (à écouter en avant première au festival Big Love pour les cinq ans de Crab Cake ce week end) qui navigue entre electronica et ambient résolument classes. A découvrir.

En plus de cette première avalanche d’artistes présents en octobre, l’équipe du festival a également dévoilé l’artiste responsable de l’identité visuelle de l’édition 2016.

L’identité visuelle confiée à Katie Scott

L’identité visuelle tient chaque année une grande place dans le festival. Tous les ans, un artiste avec un univers singulier signe le visuel du festival, qu’il s’agisse du robot de Jean Jullien, de l’éclipse de Vincent Broquaire, de l’inquiétant manège d’Andrea Wan, des foisonnantes créatures d’Hell’O Monsters ou du monde fourmillant de poésie d’Ori Toor pour ne parler que des dernières années. En 2015, on avait donc interrogé l’équipe d’Electroni[k] pour en savoir plus sur le comment du pourquoi d’une identité visuelle confiée tous les ans à un artiste différent. Gaétan Naël et Cyril Guillory nous avaient expliqué : « L’identité visuelle du festival est la première création présentée au public. Chaque année un artiste français ou international est sollicité pour proposer sa vision du festival. Les artistes graphiques sont une réelle source d’inspiration, leur créativité est stimulante. Ils développent des univers personnels riches aux techniques diverses: illustrations à l’encre, dessin, dessin assisté par ordinateur…

identités visuelles maintenant electronik

Toutes ces techniques qui se renouvellent et se croisent, tous ces univers nous plaisent et nous avons l’envie de les partager. C’est aussi le cas avec d’autres projets d’Electroni[k] (résidences, expositions ou ateliers par exemple). Chaque année est l’occasion de donner une couleur particulière à l’édition du festival, l’identité visuelle est un élément communicant pour tous les projets. C’est un élément marquant qui va focaliser l’attention de nos équipes, des partenaires, des journalistes et bien sûr de nos publics. Nous aimons renouveler l’image du festival tout en gardant une constance dans la qualité et l’exigence de la réalisation. L’identité visuelle doit intriguer tout en étant accessible, elle doit être communicante tout en étant issue d’un univers personnel. Un challenge utopique que nous aimons relever avec passion tous les ans ! « 

Cette année, c’est donc Katie Scott, jeune et talentueuse illustratrice basée à Londres, qui signe l’identité visuelle du festival. Marquée par les réalisations de l’artiste et scientifique Ernst Haeckel, de l’illustrateur d’encyclopédie pour enfants du 20ème siècle Cornelius De Witt ou encore par celles du Cabinet des curiosités naturelles du pharmacien et zoologiste Albertus Seba, Katie Scott crée son propre univers en mêlant imagerie scientifique/pédagogique et imaginaire. A son actif, la jeune femme compte aussi bien des réalisations pour le New York Times que plusieurs ouvrages pour Big Picture Press (Animalium en 2014 notamment ou le plus récent Story of Life Evolution – avant Botanicum à venir en septembre 2016), des couvertures du Journal de l’Association Norvégienne de Médecine qu’une pochette d’album pour le Bombay Bicycle Club (A different kind of Fix), des affiches pour des événements, des papiers peints pour House of Hackney, des wallpapers animés et on en passe…

De sa création pour l’identité visuelle de Maintenant, dévoilée en mai dernier, l’équipe d’Electroni[k] apprécie « Le trait, le sens du détail, la beauté des couleurs [qui] donnent vie à des univers fantastiques dont l’apparente rigueur scientifique rend l’étrangeté plus troublante encore. » Mais surtout associe tout à la fois sobre élégance, richesse des interprétations et une jolie audace. A l’image de ce qu’est bien souvent le festival Maintenant.

maintenant 2016 - katie scott - grande taille


Maintenant 2016 aura lieu du 7 au 16 octobre 2016. Plus d’1fos.



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