40mcube : Stranger by Green de Yann Gerstberger

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L’exposition Stranger by Green de Yann Gerstberger est à decouvrir jusqu’au 12 novembre dans les locaux de 40mcube.

Endless Summer

Stranger By Green, première exposition personnelle de Yann Gerstberger, est présentée par 40mcube jusqu’au 12 novembre. L’artiste a investi les lieux avec ses assemblages exotiques qui brassent des références aussi diverses que l’art brut, le surf, les primitivismes, la musique électro, le rap, la plage et les tropiques, le tout dans une ambiance très cool, sorte de prolongation des plaisirs estivaux.

Laissons d’abord la parole à Yann Gerstberger : « À mi-chemin entre peinture et sculpture, mes travaux participent à l’élaboration d’une parade jubilatoire déviante. Les assemblages que je réalise sont liés à l’idée d’un exotisme particulier, inspiré de références multiples, du cocotier déchiqueté après une tempête tropicale aux primitivismes africain, précolombien et océanien en passant par les cultures dites outsiders, populaires ou street. Mes œuvres affichent une filiation directe avec l’art brut, naïf, primitif, ainsi que des liens de parenté explicitement non occidentaux liés aux notions de post-colonialisme. Je revendique des mélanges, du tribal, de l’ethnique et des déplacements, qu’ils soient géographiques ou mentaux… Dans mes propositions, des images de nature diverse rencontrent des éléments traditionnels. La question est alors de savoir comment faire de la sculpture avec des images. Comment concilier 2D et 3D lorsqu’une image bi-dimensionnelle peut suggérer un volume et lorsqu’une forme tri-dimensionnelle peut se voir comme une image ? »

Tout est dit. L’exposition de Yann Gerstberger que présente 40mcube jusqu’au 12 novembre est en effet tropicale et exotique. Un exotisme qui doit être pris dans le sens que lui donne Victor Segalen (1878-1919) qui note dans ses carnets lorsqu’il débarque aux Îles Marquises : « L’exotisme n’est pas cet état kaléidoscopique du touriste et du médiocre spectateur, mais la réaction vive et curieuse au choc d’une individualité forte contre une objectivité dont elle perçoit et déguste toute la distance« . L’atmosphère est joyeuse, toute en couleurs dont la vivacité égaierait la plus grise des journées dans une métropole bitumée. Les références aux arts premiers, à l’art brut et à l’outsider art, à la street culture, au surf, à la plage, tout cela s’entremêle dans des sculptures qui naviguent entre formes totémiques et objets bricolés et paraissent relever de rituels méconnus.
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Machins-choses

Le titre de l’exposition, Stranger by Green, donne d’emblée une piste pour saisir les œuvres. S’il pose la question de la couleur et de l’altérité (et de l’étrangeté qu’elle peut induire), il s’avère aussi être un anagramme du nom de l’artiste. Ce choix témoigne de l’importance de la récupération, pratique qui est à la base de l’activité de Yann Gerstberger. Il travaille en effet uniquement à partir de matériaux récupérés qu’il glane au cours de longues sorties qui le mènent du centre-ville à cette zone indéfinie qui sont les périphéries urbaines où les bâtiments abandonnés abondent parfois en trésors. L’artiste n’y va toutefois pas les yeux fermés. Ramasser des matériaux, certes, mais pas n’importe lesquels. Tous doivent entrer en résonance avec ses champs d’intérêt. Si on trouve des accoudoirs de fauteuil de cinéma dans l’exposition, c’est bien parce que leur couleur turquoise fait écho au fantasme d’endless summer qui caractérise un des aspects du travail de l’artiste. L’utilisation de matériaux usagés semble aussi pointer un certain intérêt pour l’animisme. On peut le lier certainement aux emprunts faits aux arts premiers, comme le signalent les statuettes africaines présentes dans une des œuvres. Il est impossible de ne pas prendre en considération la vie antérieure qu’ont connu les objets : ils en portent parfois les stigmates et cette charge intensifie le caractère totémique des sculptures qu’ils viennent finalement former par leur combinaison.

Art brut, plage et assemblage

Les objets et matériaux dont s’entoure Gerstberger constituent la matière première d’œuvres réalisées par assemblage. Un tronc de palmier badigeonné de torchis est combiné avec un gilet de sauvetage et des éléments de planche à voile, des bambous s’imbriquent dans une nasse faite de morceaux de cuir gainés et surmontés d’herbes de la pampa, un parasol en roseau et bambou se dresse au dessus d’un banc de musculation… Souvent proches de totems, les sculptures se présentent aussi comme des hommages à une certaine coolitude californienne. La mer n’est jamais loin, comme le rappelle le drôle de parasol bricolé. L’art brut pointe également le bout de son nez, notamment dans un petit dessin rugueux. On sent que les crayons feutre qui lui ont donné ses couleurs ont bien gratté la page du livre où il est tracé et si la forme n’est pas identifiable, elle n’en rappelle pas moins fortement les sculptures présentées à côté.
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Visual OD

L’ensemble paraît relever d’une démarche impulsive, mais ce n’est que trompe-l’œil. S’il y a bien un aspect improvisé dans le travail de Gerstberger, il n’en demeure pas moins que toute forme prend sa source à une image précise. L’artiste parle ainsi souvent de l' »oversdose visuelle » à laquelle il se livre avant de réaliser ses œuvres. En bon rejeton de la génération internet, il lui paraît presque équivalent de visiter un pays exotique que de se promener sur google map. Et la sérendipité de faire son travail : de lien en lien, d’image en image, des formes se confrontent et donnent à l’artiste la vision d’une œuvre à réaliser.

Guidé à la fois par ces images et les nécessités formelles de l’assemblage, Yann Gerstberger réalise des sculptures puissamment expressives, icônes païennes dressées en hommage à une divinité qui aurait fait de l’exotisme, du mélange, de la plage et du fun les quatre piliers d’une religion dont Gerstberger serait le prophète dépossédé de parole. Mais que ses adeptes se rassurent, ses œuvres parlent pour lui et nous convient à des réjouissances dont le mot d’ordre pourrait être emprunté aux Beach Boys : FUN FUN FUN.

Photos : Patrice Goasduff.

Yann Gerstberger, Stranger by Green
Jusqu’au 12 novembre 2011. Du mardi au samedi de 14h à 18h

40mcube
48, avenue Sergent-Maginot
35000 Rennes.

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