Nous sommes samedi 19 novembre 2011 et c’est déjà le dernier jour de la version 2011 du foisonnant festival de création en danse et théâtre : Mettre en Scène. On aura, hélas, plus parlé de bigots en quête de couverture médiatique que de scénographie. Pour changer un peu, on ne parlera donc ici, que de danse… et de L.E.D. aussi un peu.
Wayne McGregor est un personnage pour le moins singulier. En plus de ses compétences de danseur et de chorégraphe qui l’ont mené au titre de chorégraphe résident au ballet royal de Londres, l’homme a aussi suivi des études en psychologie expérimentale à l’université de Cambridge. Sa fascination pour les neurosciences et les technologies les plus récentes l’amène à mélanger sur scène, danse et techniques vidéos ou sonores de pointe. On peut ajouter à cela un goût certain pour l’éclectisme. En plus de ses propres projets avec la troupe Random Dance, il a aussi bien travaillé avec les danseurs de l’opéra de Paris sur son projet inspiré des peintures de Francis Bacon, que sur un clip de Radiohead, la chorégraphie de la comédie musicale adaptée de Kirikou ou sur un des films de la série Harry Potter.
Ce soir au Triangle, c’est le projet FAR qui est présenté. On retrouvera sur scène dix danseurs du Random Dance. sous des spectaculaires lumières de Lucy Carter et sur une musique du formidable Ben Frost. Ce compositeur australien immigré en Islande, nous avait beaucoup impressionné avec son ténébreux et vaste album : By The Throat. Il a aussi multiplié les collaborations passionnantes avec Brian Eno, Bonnie Prince Billy, Vladislav Delay ou Bjork.
C’est pourtant sur du Verdi que le rideau s’ouvre. Le démarrage est d’une puissance peu commune. A la lumière de quatre flambeaux, un couple danse, se cherche, dans de troublantes postures animales. Puis les torches s’éteignent une à une et un panneau lumineux suspendu lance sur un flash aveuglant la musique de Ben Frost. Le mélange de sons électroniques et organiques bouleverse l’ambiance à coup de crescendos dissonants. Les tableaux s’enchaînent ensuite sur un rythme échevelé. Les solos, duos ou compositions de groupes défilent avec une intensité remarquable. La technique et le défi physique imposés aux danseurs sont très impressionnants. Tout comme l’est d’ailleurs la gestion de l’espace scénique, découpé de lumières et d’ombres. La fascinante géométrie mouvante du panneau constellé de barres de L.E.D. blanches habille la scène avec une force et une invention constante. On retrouve ce qui caractérise le style McGregor : des mouvements rapides, secs et nerveux mais d’une grande fluidité. On est cependant surpris de retrouver par moments des sauts et postures plus classiques mais qui s’intègrent assez subtilement à l’ensemble.
On peut regretter l’intellectualisation extrême de ce type de danse qui peut donner un sentiment de froideur et de prétention à l’ensemble. Ce n’est d’ailleurs pas la nébuleuse note d’intention évoquant comme piste les bouleversements de la perception du corps au siècle des lumières, qui nous aidera beaucoup dans le labyrinthe.
Pour notre part, nous nous sommes laissés emporter par la richesse et la puissance visuelle des compositions. Surtout que le spectacle est loin d’être dénué d’émotions. Particulièrement lors de passage en petits groupes se dépliant comme d’étranges fleurs mécaniques ou sur l’ultime duo, dansant devant de vacillantes étoiles, et magnifié par la boucle bancale de piano accompagnant l’angélique et fragile voix d’Helgi Hrafn Jónsson.