#PayeTonUtérus… A Rennes, une soirée-débat sur les violences gynécologiques

Mardi 27 novembre, la salle du 4bis est pleine à craquer. Sold-out comme on dit. Mais ce soir, le public nombreuSe (oui, oui, vous avez bien lu…) est venu découvrir le documentaire « Paye (pas) ton gynéco » de Nina Faure. Ce documentaire d’une vingtaine de minutes aborde frontalement la question des violences gynécologiques sans détour ni fausse pudeur.

Car aujourd’hui, un constat s’impose. Paternalisme, propos déplacés ou culpabilisants, injures sexistes, humiliations, absence de consentement, manque d’écoute voire pire, examens brutaux… la liste des maltraitances médicales est aussi longue qu’une table d’examen avec étrier. Et pourtant, les femmes les ont intégrées, acceptées insidieusement, perçues comme inhérentes et inévitables à la condition féminine. « Il faut souffrir pour être belle… »
Mais avec l’avènement des réseaux sociaux, la parole s’est libérée. Pour preuve, moins de 24 heures après l’apparition du hashtag #PayeTonUtérus en 2014, plus de 7000 femmes balancent leurs témoignages à la face du macho-monde des violences gynécologiques et obstétricales. Plus récemment, le tumblr, plate-forme de microblogage, « Paye ton gynéco » est lui aussi devenu un espace dédié à héberger ces maux mots. « Grâce aux réseaux sociaux, au partage d’informations, les femmes prennent conscience de formes d’oppression qu’elles ignoraient subir avant. » indique Martin Winckler, ex-médecin, romancier et essayiste. Plus de honte, plus de tabou, les femmes osent désormais les dénoncer publiquement. « Ces nombreux premiers témoignages furent une prise de conscience sur ce que subissent les corps des femmes, y compris au sein même de l’espace médical » précise Nina Faure. « Ils seront suivis quelques années plus tard par les récits sur les violences sexuelles à travers les hashtags #Metoo et #BalanceTonPorc. »

Haut Conseil à l’Égalité

Et même si tou·te·s les professionnel·le·s de santé ne sont pas auteur·e·s d’actes sexistes, les chiffres attestent d’un phénomène répandu. Nous sommes donc loin de « réconcilier soignants et soignés » selon la formule signée par Baptiste Beaulieu, médecin généraliste et romancier. Certain·e·s gynécos sont d’ailleurs toujours dans le déni ou dans la négation du problème. Nina Faure l’analyse parfaitement. « Au cours de mes entretiens, j’ai été marquée par cette volonté féroce de protection corporatiste qui est selon moi, liée à une conception du pouvoir médical très patriarcal ; avec cette idée que le corps des femmes ne serait qu’un objet mis à disposition. »
C’est pourquoi, l’indispensable équipe du Planning Familial 35 a organisé cette soirée-débat pour faire avancer la cause et réaffirmer qu’« un acte médical quelque qu’il soit ne doit pas être douloureux, ni humiliant. La parole des femmes doit être écouté, le consentement et l’accord des femmes sur tout acte médical doit être demandé ».

Le débat qui a suivi la diffusion du documentaire a principalement permis de questionner la construction et l’évolution de notre médecine moderne occidentale, née sur les cendres des bûchers aux sorcières. « S’il fallait retenir une profession où le sexisme est patent, c’est sans nul doute la formation et l’exercice de la médecine », écrivait déjà en 2011 l’urgentiste Patrick Pelloux dans un billet Le silence du sexisme. Les pratiques médicales s’en ressentent : des étudiant·e·s en médecine s’exercent toujours au toucher vaginal sur des patientes endormies, sans leur consentement, et certain·e·s internes ne voient toujours pas où est le problème. « Le monde médical fut longtemps exclusivement masculin. Les outils furent conçus par des hommes comme le spéculum ou les forceps donnant une puissance symbolique. » observe la réalisatrice. « En faisant cette enquête, j’ai appris que les recommandations de l’OMS sont simples : pas de frottis ni de palper mammaire avant 25 ans. » Pourtant plus d’un tiers des femmes de cet âge en ont déjà subi un. Il est bon d’entendre clairement qu’aucun·e praticien·ne ne peut imposer un examen intime de manière systématique et Nina Faure de poursuivre, « personnellement, j’ai eu la totale à chaque examen. C’est une conception qui nous amène à penser que notre corps est potentiellement malade tout le temps et qu’on ne saura pas le reconnaître. C’est la base de la dépossession de dire que le corps féminin est par essence malade en opposition au corps masculin qui lui est fort et musclé. » Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes alerte justement dans un rapport rendu public en juin dernier « une constante dans toutes les sociétés : la volonté d’emprise des hommes sur le corps des femmes, afin de maîtriser leur capacité d’enfanter. » A travers ces rendez-vous annuels presqu’imposés, « comme un contrôle technique pour une voiture », on reproduit ici le modèle de hiérarchie des sexes et des stéréotypes sexistes : la fragilité féminine, la puissance masculine.

Pour conclure, Nina Faure explique l’enjeu des années à venir. Selon elle, « nous devons déconstruire cette histoire pour créer une forme de médecine sans rapport de pouvoir et surtout permettre aux femmes de se réapproprier leurs corps. Et à nous de réfléchir aux mots que l’on emploie, le langage est un moyen puissant de représentation. Appelons une vulve, une vulve pour éviter cette gêne qui nous éloigne de notre corps ! ».

Agressions sexuelles, viols, violences psychologiques, mutilations sexuelles, mariages forcés, inégalités salariales, harcèlement de rue, charge mentale, charge émotionnelle, sexisme… le quotidien des femmes est un véritable parcours du combattant. Plutôt que de fleurir chaque année la tombe du soldat inconnu sous l’Arc de triomphe de la place de l’Étoile, il faudrait rendre hommage à toutes ces anonymes qui luttent. Et le prochain mec qui me révèle son fantasme de se fondre un jour dans la peau d’une femme pour pouvoir se toucher les seins, je lui fous mon pied dans les couilles.

 

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Témoignages de sexisme, violence verbale et/ou physique dans le milieu de la gynécologie-obstétrique.

Le Planning Familial – 35

Nina Faure chez Cp productions

Femme, sois sage et tais-toi !

 

La ville n’aurait donc de féminin que son nom ?

 

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