Ce que la guerre n’a pas détruit le sera par l’ « urbanisme du futur » !

29 Mai 1943, l’effroi…

Alerte ! Les sirènes poussent des cris stridents à faire pâlir les morts. Le vrombissement sourd et mécanique des B-17 de l’U.S. Air Force résonne au loin. Ils s’approchent à grande vitesse. En cet après-midi ensoleillé du 29 mai 1943, la mort vient du ciel. Très vite, les bombardiers américains sont accrochés par la Luftwaffe, les bombes sont larguées précipitamment sur le nord de la ville de Rennes, loin, très loin de l’objectif de la Kriegsmarine, route de Lorient(f).. En moins de 7 minutes, près de 450 bombes de 250 kg s’abattent sur Rennes. Les pertes humaines sont considérables et les dégâts importants : plus de 200 morts, près de 300 blessés et une centaine d’immeubles détruits. Les différents témoins de l’attaque décrivent des scènes d’horreur…

« Les avions nous survolent et laissent tomber leurs bombes meurtrières dans un fracas épouvantable, que je n’oublierai jamais. Jamais non plus, je n’oublierai le bruit d’une maison qui s’écroule des carreaux qui se brisent dans la rue, de la terreur qui s’empare de soi […] et les bombes tombent…tombent autour de nous. C’est infernal…(a) »

Après le bombardement du 29 mai 1943 @ouest-Eclair

Une bombe va d’ailleurs atterrir au pied de la statue Saint-Anne de la clinique éponyme(b), boulevard Volney. Par chance, elle n’explose pas ! Sinon, nul doute que l’établissement hospitalier tout comme les maisons adjacentes auraient été rasé⋅e⋅s de la carte. Éparpillé⋅e⋅s façon puzzle…

« C’EST LA BOMBE URBAINE… »

Tout en se remémorant cette histoire tragique, une riveraine a déclaré dans le Ouest-France du 29 octobre que « ce que la guerre n’a pas réussi (NDLR : à détruire), la politique d’urbanisme et l’arrivée du métro s’y emploient(c). » Et pour cause ! La maison située au 31 du boulevard Volney, vieille de plus d’un siècle et rescapée du terrible bombardement, va être entièrement détruite.

«  La maison date de 1904 et possède un caractère patrimonial indiscutable. Sa façade conservée en l’état est un témoignage architectural de ces bâtisses construites sur les boulevards au moment où ceux-ci ont été lotis en 1898(c)»

A la place, un nouvel immeuble(d) sortira de terre. Vous savez, ce genre de résidence de « standing » ou plutôt « standardisée » au nom emphatique et aguicheur qui pullule actuellement dans Rennes

Alors oui, la métropole doit accueillir toujours plus de nouveaux et de nouvelles habitant⋅e⋅s(g)(h). Mais comment ne pas succomber à l’agacement et à la lassitude face à cette destruction programmée, méthodique et continue de nos décors familiers aux grands intérêts architecturaux, riches parfois de nos souvenirs d’antan ? Exit la maison rouge située au 11, rue de Vern. Adieu au manoir du Grand-Champeaux et à la maison-hôtel de Julien Baslé. Et que dire de la disparition sous les coups vengeurs des engins de chantier du BTP de l’hôtel des Demoiselles, rue d’Antrain ou de l’ancien hôtel Codrington, rue de Paris. Ne pouvons-nous donc pas construire tout en préservant l’existant ?

IL EST URGENT DE NE RIEN FAIRE

De son côté, la municipalité botte en touche et choisit de ne pas agir. Elle argue l’absence d’inscription de la bâtisse dans la sacro-sainte bible du Patrimoine d’Intérêt Local. C’est un choix. Mais c’est un peu facile quand on sait que l’association « Les amis du patrimoine Rennais » (NDLR : à qui l’on adresse un salut amical pour leur ténacité) s’est à plusieurs reprises « étonnée auprès de la Maire, des Adjoints et autres élus délégués à l’Aménagement et au Patrimoine du fait qu’il n’y avait aucune villa du Boulevard Volney répertoriée dans cette liste. » L’appel a été lancé, il n’a pas été entendu.

 Michel COIGNARD – Président de APR : « C’est pour le moins la troisième maison de la même époque et aussi bien caractérisée qui est démolie dans cette rue depuis ces cinq dernières années et remplacée par des immeubles industriels aux noms pompeux… »

La LGV1h25, la future nouvelle ligne de métro, le quartier d’affaires EuroRennes aiguisent les appétits féroces et cela montre une nouvelle fois la mainmise des promoteurs sur notre cité. Les élu⋅e⋅s nous assurent une amélioration de la protection des bâtiments patrimoniaux à partir de la promulgation du nouveau PLU en 2019 à l’aide d’un cadre réglementaire plus contraignant(e). Mais combien d’autres maisons aux caractères originaux pourront être détruites d’ici là ?

ÉPILOGUE

En tout cas, c’est déjà trop tard pour la maison du 31, boulevard Volney. Le sort en est jeté. Malgré tout, une procédure en justice semble être engagée contre le promoteur pour tenter de stopper les travaux. Cela reste un maigre sursis… un peu comme la dernière cigarette d’un condamné à mort avant l’échafaud.


► Les petits se font manger par les gros (via l’excellent! Mardi noir)

► Préserver le patrimoine tout en construisant

 

 

(a) Extrait de  Mon usine sous l’occupation allemande 1940-1944, Ed. du Danhouët, 1999

(b) Les pèlerins fidèles au rendez-vous de la Sainte Anne (via Ouest-France)

(c) Rennes. Une maison vieille d’un siècle va disparaître (via Ouest-France)

(d) Programme immobilier (via Kaufman Broad)

(e) Comment Rennes compte renforcer la protection de son patrimoine (via 20 minutes Rennes)

(f) Au Fil des Champs commémore le crash d’un bombardier (via Ouest-France)

(g) Rennes et sa métropole gagnent des habitants (via Ouest-France)

(h) L’Insee indique qu’avec 7,6 % de nouveaux arrivants en un an, Rennes arrive en tête du classement des métropoles françaises ayant le plus fort taux d’arrivants.

3 commentaires sur “Ce que la guerre n’a pas détruit le sera par l’ « urbanisme du futur » !

  1. Celine

    Merci pour votre mention au travail et à la ténacité des Amis du Patrimoine Rennais.
    C est très gentil. Cela nous encourage à poursuivre nos actions pour la sauvegarde du patrimoine de notre ville.
    Bonne journée

  2. M

    «Alors oui, la métropole doit accueillir toujours plus de nouveaux et de nouvelles habitant⋅e⋅s.»

    Est ce vraiment le cas ? Il y a t il une pénurie de logement vacants à Rennes (ce n’est pas une question rhétorique, une réponse chiffrée serait bienvenue) ? Ces nouveaux logements seront ils plus accessible ?

    La ville change, au frais de ces habitants, mais est ce leur choix ? Curieux de savoir combien a couté et coutera https://lundi.am/Destination-Rennes

  3. CAMILLE

    Je suis dégoutée par ce qui se passe à RENNES, vraiment! les promoteurs défigurent la ville avec toutes ces destructions de maisons partout ! elles ont presque toutes disparues du bd Volney et pourtant il y en avait de très belles style « hotel particulier », idem rue de Fougères, et Bd de Metz!! c’est lamentable! Rennes se densifie, perd de son cachet c’est affligeant et regrettable!

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