Les amateurs d’électro ambitieuse connaissent bien Caribou, le projet de Daniel Snaith, qui en plusieurs sorties discographiques racées et stylées, a su rallier un public toujours plus nombreux et curieux. Il sera à la Route du Rock ce vendredi 13 août, l’occasion pour nous de présenter un peu plus le bonhomme à ceux qui ne le connaissent pas encore.
Au départ, Caribou ne s’appelait pas Caribou, mais Manitoba. Mais le frontman des Dictators, Handsome Dick Manitoba (ça ne s’invente pas !) ne l’a pas entendu de cette oreille et le canadien a dû abandonner son premier pseudonyme. Dommage car Manitoba s’était déjà fait remarquer et ses deux premiers albums Start Breaking my heart (2001), dans l’esprit de l’electronica d’Aphex Twin et Up in Flames (2003), déjà plus pop, ainsi que quelques singles avaient rencontré une critique très favorable. Qu’importe, l’homme n’en a eu cure et a ressorti ses disques sous son nouveau nom. Seuls ceux qui classent leurs disques dans l’ordre alphabétique sont finalement embêtés (c’est mon cas !) et public et critiques suivent le nouveau Caribou.
D’autant qu’en 2005, l’homme sort un troisième album excitant, The Milk of Human Kindness. Le virage amorcé par l’album précédent se confirme, et les sonorités pop se font plus présentes.
Entendons nous bien, il ne s’agit pas de pop au sens classique du terme (guitare, basse, batterie, couplet, pont, refrain, le tout axé sur la mélodie) mais de pop fabriquée à partir de sons vintages, de samples, mêlant les influences les plus diverses (des bols tibétains, des choeurs psychédéliques, qui peuvent rappeler Animal Collective ou le psychédélisme des sixties, des rythmiques parfois disco, parfois krautrock, parfois electronica).
On pense parfois aux formes complexes d’un Four Tet, mais qui auraient choisi de s’habiller de simplicité pop.
On lit partout que Dan Snaith est au départ professeur de mathématiques, issu d’une famille de scientifiques afin d’insister sur la complexité des structures qu’il utilise.
C’est effectivement quelque chose qu’il revendique, mais pour autant, l’homme habille sa musique de tuniques pop bariolées qui rendent le tout frais et sautillant.
L’album suivant, Andorra (2007), gorgé de soleil comme le voulait son auteur, va encore plus loin dans la ré-appropriation du psychédélisme des sixties et seventies. Bien sûr, on pense aux Beach Boys. Et plusieurs titres sont véritablement des tubes : « Sandy », « Melody Days » ou « She’s the one »… Mais si l’album commence par cette pop à la fois complexe et sautillante, Dan Snaith n’oublie pas pour autant ses amours électronica et achève le disque avec deux morceaux qui flirtent avec une electro plus mentale. On y entend les filtres des Boards of Canada, des rythmiques un peu plus froides. Mais pour autant, les voix restent présentes et donnent une chaleur solaire à cette fin plus « Four Tet-ienne »…
Et puis Dan Snaith tombe sur les productions de James Holden, la tête pensante du label Border Community. Ce dernier a su dynamiter les structures complexes et froides de la techno pour leur insuffler cette mélancolie pop, cette revendication mélodique. On a appelé ça de la techno progressive. Et le label a rencontré un succès inattendu sur les dancefloors (le remix imparable de « The Sky was pink » de Nathan Fake, et oui, c’était James Holden) et a envoûté pas mal d’oreilles…
Dont celles de Dan Snaith, qui l’explique dans Chronicart : « La première fois que j’ai entendu The Idiots are winning fut comme une épiphanie, un reset. Tout y est incroyablement fluide et organique, les éléments coulent comme le sang dans les veines, alors que dans mon souvenir la techno était un genre surtout rigide et métallique. Paradoxalement, la technologie permet enfin à la musique électronique de se libérer des carcans des machines, et je trouve ça très excitant » (Chronicart.com).
Aussi Dan Snaith choisit d’axer son album suivant, Swim, sorti en ce début d’année, autour de la dance-music. Les morceaux seront d’abord pensés en tant que structure rythmique pour danser.
Mais pour autant, l’homme a teinté ce nouvel opus de mélancolie. Les ambiances restent dansantes mais s’assombrissent. Dan Snaith ne plombe pas sa musique pour autant, mais lui donne encore davantage d’épaisseur avec cette retenue mélancolique.
Sur scène, à la Route du Rock, justement, mais collection hiver, l’homme nous avait un brin déçu. Derrière sa batterie, avec ses compagnons de scène (car l’homme sur scène produit une musique peut-être plus organique avec de « vrais » musiciens, contrairement à ses albums sur lesquels il est seul à officier), Dan Snaith nous avait semblé en deçà de ses productions discographiques.
Certains avaient bien sûr apprécié ce côté scénique plus hypnotique. Pour notre part, nous aurions espéré retrouver autant de subtilité que sur ses albums.
On attend donc sa prestation sur la scène du Fort Saint Père avec impatience… Un caribou peut en cacher un autre !
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Caribou – vendredi 13 août à La Route du Rock. Myspace de Caribou : http://www.myspace.com/cariboumanitoba
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