TNB – Mettre en scène 2012 : quand le public hue Ostermeier…

Mettre en Scène 2012 :  C’était la Première hier soir de la création Ostermeier produite par la Schaubühne de Berlin et coproduite par le TNB. Une Mort à Venise qui a déclenché salves d’applaudissements et huées de la part d’un public rennais qui exprime son avis de façon bien plus consensuelle d’habitude…

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TNB-Ostermeier : une longue histoire d’amour…

Ostermeier n’est pas un inconnu pour les afficionados du TNB. En 2004, il présentait Nora (Maison de poupée) de Henrik Ibsen. Suivront Hedda Gabler en 2007 et John Gabriel Borkman en 2008 (chroniqué ici par Alter1fo).  Puis il vient présenter son travail sur Shakespeare : Hamlet et Othello (chroniqué ici par Alter1fo) en 2011.

En général, ces présentations ont remporté un vif succès auprès du public rennais. Une scénographie grandiose et torturée, des acteurs époustouflants, un ton résolument moderne, bref des pièces assez décoiffantes.

Une Mort à Venise en deux parties

Ostermeier revient donc aujourd’hui au TNB dans le cadre du Festival Mettre en scène avec La Mort à Venise, de Thomas Mann. Un texte vaguement subversif, un thème plutôt provocateur : voilà qui promettait, entre les mains du metteur en scène allemand, d’être assez explosif…

Rappel – Mort à Venise, ça raconte quoi déjà ?
À Venise, Gustav von Aschenbach, un grand écrivain, espère échapper à sa discipline de travail. Comme lui, Tadzio, un jeune noble polonais de 14 ans, se retrouve avec les femmes de sa famille, dans l’Hôtel des Bains du Lido. Aschenbach est pris par une violente passion, qu’il n’avait jamais connue. Il croit avoir trouvé dans cette descendance étrangère, l’incarnation de son idéal artistique. Le désir ardent de l‘artiste, qui s’approche de la mort, envers cette beauté pubère, se transforme en une sauvage et mortifère obsession…

Il n’en est rien dans la première partie de la pièce, fortement inspirée du film de Visconti. Un narrateur lit, en français, le texte de la nouvelle de Thomas Mann, de façon monocorde, comme un arrière-plan sonore. Arrière-plan sonore complété par le jeu de Timo Kreuser au piano.
Les personnages prennent place : Aschenbach, interprété par Josef Bierbichler, qui dégage une présence tout à fait étonnante ; Le frêle Tadzio, en boxer puis en marinière bleu-marine ; les sœurs, trois jeunes femmes-filles vaguement hystériques ; la gouvernante. Ils se croisent, se décroisent dans ce Grand Hôtel. Les phases d’observation et de regards entre Aschenbach et le jeune Tadzio sont plutôt bien traduites par l’utilisation de la vidéo, utilisée à bon escient pour une fois. La tension monte…

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Et d’un seul coup, tout le décor disparaît. Laissant place à un fond blanc sur-éclairé. Une pluie de morceaux de plastique noir déchiquetés tombe du ciel et les trois sœurs, sortes de sorcières d’Eastwick décomplexées, entament une danse du sabbat. Se déshabillant, pour finir à moitiés nues sur scène.
Trois corps à la plastique superbe, mus par des mouvements semi-érotiques, semi-décharnés. Trois longues chevelures s’entremêlant, telles des harpies en furie, sur une partition musicale/sonore de l’artiste au piano, malmenant avec mains et baguettes les cordes et l’intérieur de cet instrument.
Une seconde partie, longue, très longue… des spectateurs quittent la salle… En observant le public, plongés dans le noir mais dont les visages sont éclairés par ce fond de scène ultra-lumineux, on lit l’interrogation, l’incompréhension, l’ennui.

Sous les huées et les applaudissements du public…

Quand le noir complet se fait, après l’interprétation par Josef Bierbichler des Kindertotenlieder (Chants pour enfants morts) de Gustav Mahler, caution musicale inspirée du film de Visconti et non de la nouvelle de Thomas Mann, le public laisse exploser ses sentiments. Certains applaudissent à tout rompre, d’autres refusent d’applaudir. Et étonnement : certains se mettent à huer  et siffler les acteurs, à crier : « c’est nul ! », « Remboursez ! »

De toute ma vie d’abonnée au TNB, je n’avais JAMAIS vu ou entendu ça de la part du public rennais. Un public plutôt consensuel, parfois très entier et reconnaissant, osant une ovation et plusieurs rappels (plus de trois, c’est un miracle).
Là, c’est la stupeur, comprise, et semi-partagée. Des réactions négatives, vivement exprimées. Les acteurs sur scène semblent s’en moquer, ou s’en amuser (c’est le cas de Bernardo Arias Porras le guitariste qui s’est mis à rire).

Un étonnement partagé par Sylvaine Salliou, journaliste de France 3, qui tweetait ce matin même :

ostermeier-tnb-tweet-s-salliouSource : https://twitter.com/sylvainesalliou/status/267553925455032321

Alors, quoi ? le théâtre contemporain va-t-il trop loin ? cette seconde partie, dénudée et dansée, était-elle de trop ? le public rennais ne supporte-t-il plus qu’on lui impose des interprétations ultra-conceptuelles ? le public rennais se réveillerait-il enfin, sortant d’une longue nuit amorphe et sans jamais aucune critique négative, face à ce qu’on lui propose ?  Questions qui restent sans réponses…

Reste à savoir si ces réactions se reproduiront, cette création Mort à Venise étant programmée au TNB salle Vilar tous les jours (sauf ce dimanche 11 novembre) jusqu’au 17 novembre.

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Mort à Venise, de Thomas Mann
Mise en scène Thomas Ostermeier

du 10 au 17 novembre 2012, au TNB.

2 commentaires sur “TNB – Mettre en scène 2012 : quand le public hue Ostermeier…

  1. Laurent Carn

    Et vous avez bien du mérite, amis rennais, d’être aussi patients. Le regretté Bernard Thomas, critique théâtre au « Canard enchaîné » avait créé « l’échelle de Nordey » pour mesurer l’ennui généré par une pièce. Et vous avez récupéré l’étalon. Courage !

  2. Lisenn

    @Laurent : est-ce que l’échelle de Nordey comporte une modération/amplification en cas de lectures de Pasolini et de présence de trampoline ? 😉

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