Ca fait un bon moment que l’on suit l’excitant projet de Michel Le Faou, The Enchanted Wood (au Jardin Moderne, aux dernières Trans Musicales ou plus récemment lors de l’Echo du Oan’s). Michel Le Faou a décidé de monter son propre projet, non pas sous une forme solo, mais davantage en le pensant comme un collectif permettant les passerelles et les collaborations avec d’autres musiciens. Sur son deuxième album, Monster Parade, Michel Le Faou est ainsi accompagné d’une partie de La Terre Tremble !!! (Julien Chevalier à la guitare, Paul Loiseau à la batterie), des copains de Fat Supper (avec Leo Prud’homme au piano, Pierre Marolleau à la batterie et André Rubeillon à la basse et à la guitare), de la tripotée des Fordamage sur le morceau The Phantom Creeps et de chœurs fournis qui feraient pâlir d’envie pas mal de monde, puisqu’en plus des musiciens pré-cités, on y retrouve Astrid Radigue, Laetitia Sheriff, Tim Bewlay, Perrine Labat, Hélène Le Corre et Benoit Lauby. Bref, vous l’avez compris, Michel Le Faou sait s’entourer. Si vous ajouter à cela que le garçon est un peu collectionneur/bricoleur d’instruments, amateurs de sonorités et de timbres souvent peu usités (on pense à un dernier concert au Jardin Moderne avec un theremin) et particulièrement inspiré, vous aurez une petite idée de ce que peu donner ce projet aux ambiances sombres et cotonneuses et aux atmosphères très cinématographiques. Avant de retrouver The Enchanted Wood sur la scène du 1988 Club, retour sur l’interview de Michel Le Faou, réalisée il y a quelques mois par Mr B.
Alter1fo : La dernière fois que nous t’avions interviewé (interview ici), tu étais en plein enregistrement de Monster Parade. Le disque est maintenant sorti. Que penses-tu du résultat final par rapport aux attentes que tu en avais ?
Michel Le Faou : Je suis plutôt satisfait du résultat final. On a mis deux ans à le faire. Bon, deux ans pas très intensifs, l’idée était de vraiment prendre le temps de faire des petites sessions d’enregistrements, de laisser reposer, de réécouter plus tard pour y revenir avec de nouvelles idées. Pour moi, c’est la meilleure façon de travailler plutôt que de passer une semaine en studio au bout de laquelle, il faut tout boucler. Ça laisse le temps de travailler les arrangements au fur et à mesure de l’enregistrement, de trouver de nouvelles idées de collaborations, de son, de traitement du son.
Avais tu une idée de départ de ce que tu voulais obtenir au final ?
Oui, j’avais bien une idée générale. Il y avait dès le début ce parti-pris qui était d’enregistrer avec une stéréo très marquée entre la gauche et la droite. Mettre par exemple, la batterie ou la basse tout à gauche et les harmonies complètement à droite. Des choses qui ne sont font plus de nos jours, mais qui sont propres au début des enregistrements stéréo vers 1967-68. Je suis très attaché à cette période là et j’avais envie de retrouver ces sensations.
Et le mono ?
Ça c’était le premier album. Du coup, ça me permettait aussi de marquer une volonté d’une grande différence avec le premier, de trouver un autre parti-pris, un peu radical. Ça aura donc été un enregistrement assez long mais la cohérence vient aussi de ce parti-pris à l’enregistrement.
Après, pour le prochain album, je n’ai plus envie de passer deux ans de ma vie à enregistrer. Et puis en ce moment, on est dans une configuration qui est plus proche d’un vrai groupe. On sera donc sûrement amené à enregistrer une partie plus importante en live et donc à faire les choses plus spontanément.
Il y a un côté très sombre dans tes paroles mais aussi un côté foisonnant et très mélodique qui fait qu’on revient très facilement sur l’album. C’était une volonté de travailler sur les contrastes ?
Oui, tout à fait. Ce que je dis souvent c’est que pour moi une chanson ou un morceau, c’est avant tout quelque chose de visuel, que ça part d’une impression visuelle. C’est donc très important pour moi, les notions de premier plan, d’arrière plan, de couleur, de contrastes entre des couleurs, entre le sombre et le lumineux… tout ça on peut le retranscrire dans une chanson ou dans un arrangement en particulier.
Ta musique développe justement une forte puissance cinématographique et il y a pas mal de clins d’œil à un certain cinéma fantastique comme Freaks ou King Kong. C’est toujours aussi prégnant dans ta musique ces influences ?
Mon premier amour, c’est le cinéma. Depuis tout petit et avec des vieux films en noir blanc comme Tarantula ou Frankenstein. Tous ces films là, je les ai gobés dès ma plus tendre enfance et ça m’a beaucoup poursuivi. J’ai voulu faire ce métier et finalement la musique j’y suis venu assez tard. Le cinéma est donc quelque chose qui nourrit complètement l’univers du groupe, et en particulier le cinéma fantastique. On retrouve ça dans les ambiances sonores, dans l’usage d’instruments comme le thérémine, et puis aussi dans les textes.
Mon premier album était plus personnel et là j’ai eu le besoin de quelque chose de plus narratif. Si les chansons partent quand même souvent de quelque chose de personnel, c’est plus intéressant pour moi de les retranscrire sous forme d’histoires, avec des personnages, des situations. C’est plus facile aussi pour l’auditeur de s’y retrouver.
Il y a aussi l’aspect visuel du disque qui est très soigné, que ce soit la pochette ou les illustrations intérieures. Comment est ce que tu as travaillé sur cet aspect du disque ?
La pochette, c’est une artiste qui s’appelle Cat The Cat qui fait de la peinture dans un style qu’on peut rapprocher du mouvement pop surréalisme. Les illustrations intérieures sont de Perrine Labat, une autre artiste peintre qui pour l’occasion a travaillé sur des dessins et des estampes. Elle avait déjà fait la pochette du premier album. C’est quelqu’un qui a un univers proche du mien. L’idée était donc qu’elle fasse une illustration par chanson et j’aimais bien qu’il y ait un univers particulier sur la pochette et quelque chose de complètement différent dans le livret intérieur. On retrouve la même thématique, mais il y a une surface, et quand on regarde en dedans, il y a encore autre chose.
Tu as aussi indiqué les styles musicaux de chaque morceau. C’est une façon de refuser d’être enfermé dans un genre ?
(Rires) C’était surtout une boutade. Mais il y a aussi sûrement un petit hommage aux disques que j’ai chez mes parents. Sur les vieux disque de yé-yés ou de variétés françaises ou américaines, on retrouve toujours un style indiqué clairement. Je suis assez attaché à ça.
Tu as récemment fait la première partie d’une tournée assez catastrophique de Death In June avec plusieurs dates annulées.
Il y a eu de gros déboires mais au final, ça n’a pas du tout été une tournée catastrophique. On a réussi à sauver 3 concerts sur les 5 prévus. En le faisant de manière souterraine, parce que c’est un groupe qui fait l’objet de polémiques liées à l’utilisation d’une imagerie en lien avec la deuxième guerre mondiale. C’est un groupe auquel je suis très attaché qui a été un déclencheur pour moi pour la musique. Ça fait vraiment partie de mes influences. Pour moi, c’était très important de faire ces concerts. En plus c’était vraiment la dernière tournée du groupe, j’avais donc très envie de défendre ces dates.
Du coup, ça a donné quelle ambiance sur ces concerts ?
C’était forcément un peu tendu parce qu’on s’attend à voir débouler des flics ou des gens qui voudraient foutre le feu, mais en terme de public, c’est très hétéroclite. On y croise toutes sortes de gens, des amateurs de musiques gothiques ou industrielles, des fétichistes… et puis des gens normaux, des hipsters parisiens, de simples curieux. Au final, j’aurais vu… (il compte avec application) 6 fois Death in June en concert et ce sont les concerts les plus calmes que j’ai vus. Tous ces gens se réunissent là pour entendre de la musique. Il y a sûrement des extrémistes d’un bord ou de l’autre dans le tas mais on est tous là pour la musique et on se supporte très bien.
Sur quelle formation vous jouez et comment ça se passe ?
On joue à 6. C’est la formation qu’on essaye de mettre en avant. Il y a donc sur scène Paul (Loiseau) et Julien (Chevalier) de La Terre Tremble !!!, André (Rubeillon), Léo ( Prud’homme) et Pierre (Maroleau) de Fat Supper. Il y a donc deux batteries sur scène, ce qui est assez intéressant parce que les deux se complètent assez bien entre le style de Paul, très tribal et utilisant des objets un peu étranges, et celui un peu plus classique de Pierre. Il y a aussi du piano, de la guitare, de la basse… et des petites bizarreries comme le thérémine, la planche percutée, de la ferraille, un autoharpe, un omnicorde…
Tu as vraiment envie de fixer ton projet comme ça en ce moment ?
Il n’y a rien de définitif dans The Enchanted Wood mais on a une formule qui nous plaît. On prend beaucoup de plaisir à jouer ensemble. Il se passe quelque chose d’assez nouveau avec cette formation. Je crois que La Terre Tremble !!! et Fat Supper s’entendent très bien. Donc tant qu’il y a de bonnes ondes, on continue. Du coup, on va tourner autant qu’on peut et puis on a aussi de quoi enregistrer un nouvel album donc on va s’y atteler cette année normalement.
Toujours pas de projet de ciné-concert ?
J’y pense toujours…
Personnellement, on en rêve. Pour finir, quels sont les disques qui tournent le plus chez vous en ce moment ?
Dans la dernière interview, j’avais parlé de l’album The Peacefull Snow de Death in June. C’est un album très intéressant. Un duo piano/chant où Douglas (Pearce) a travaillé avec un pianiste qui faisait des reprises de Death in June sur Youtube. Il lui a tout simplement dit : » Mon bonhomme, c’est super ce que tu fais. Tu feras tous les arrangements du prochain album « . Ça c’est ce que j’écoutais lors de la dernière interview et entre temps Douglas a sorti les démos originales. Ce sont donc les mêmes morceaux de cet album, joués à la guitare chez lui avant de les envoyer à ce pianiste. Ça s’appelle The Snow Bunker tapes et c’est ce que j’écoute en ce moment. J’ai aussi un petit retour au post-hardcore avec Goat de The Jesus Lizard. J’ai un peu de violence à évacuer. Et pour finir l’album Trans Europe Express de Kraftwerk qui est un de mes premiers souvenirs de bonne musique puisque mon papa avait le 45 tours que j’écoutais dans ma chambre.
Classe. Merci bien.
Merci à toi.
The Enchanted Wood + Monstromery, mercredi 28 mai @ 1988 Club, 21h, 5 euros.