Low est revenu à la Route du Rock ce samedi 13 août. Le trio du Minesotta qui a pour manifeste lenteur et simplicité et vous file des frissons d’émotions à chaque écoute a rempli le Fort St Père de ses mélodies arrache-cœur. Avec Low, la rage se dissimule dans la douceur, la colère dans des harmonies vocales étincelantes. Et le public de la Route du Rock, malgré une pluie battante, s’en est trouvé tout retourné… Là encore, on aurait manqué leur concert pour rien au monde et on est content de rencontrer Mimi Parker et Alan Sparhawk avant leur concert…
Low existe déjà depuis 18 ans. On peut imaginer que la pression inhérente à la sortie d’un nouveau disque est peut-être moins forte qu’à leurs débuts et que c’est davantage le plaisir de présenter leurs nouvelles chansons à leur public qui prédomine désormais. Alan Sparhawk modère : « Je pense qu’il y a une pression. Je crois qu’avec le temps, c’est une pression qu’on s’impose nous-mêmes. Nous voulons faire des albums exigeants. Nous voulons nous dépasser chaque fois. Certaines fois, nous voulons intentionnellement nous mettre dans une position inconfortable, pour voir ce qu’il peut en résulter, d’autres fois on procède d’une autre manière. Je crois qu’avec les deux derniers albums notamment, on s’est senti libre d’expérimenter, dans les directions qu’on souhaitait. Je crois que pour moi c’est la clé pour avoir duré si longtemps. C’est probablement la clé pour nous : on a commencé de façon très naïve, on a appris sur le chemin au fur et à mesure, et maintenant on a compris qu’apprendre, à chaque fois, c’est aller plus loin qu’on ne l’aurait imaginé dans une direction ou une autre… »
L’inconfort n’est pourtant pas le sentiment que l’on ressent à l’écoute de C’mon, leur tout nouvel album. Beaucoup s’accordent en effet à dire que jamais Low n’a été si mélodique, par comparaison à leurs précédents disques souvent plus sombres, lents et arides. Cet aspect était-il intentionnel ? « Je crois qu’on a toujours essayé de faire des chansons mélodiques. Je ne sais pas, j’ai finalement toujours été fasciné par les pop songs, avec des structures simples. C’est toujours quelque chose qu’on a essayé de faire, mais je ne sais pas, ça dépend de la production, de la manière dont les chansons sont présentées, des fois elles apparaissent plus évidentes que d’autres. C’est vrai qu’il n’y a pas tant que ça de dissonances, ou de tension sur cet album » commence Alan Sparhawk. « On a décidé de faire un album qui sonne plus immédiat, plus luxuriant… » précise Mimi Parker.
On comprend que la pop song est toujours présente à leur esprit lorsqu’ils sont en train de composer. « Oui, la plupart du temps, confirme Alan Sparhawk. Certaines chansons sont très fragmentées, minimales comparé à la pop, mais je crois que la plupart du temps, on essaie de faire de bonnes chansons, qu’on peut chanter ou jouer de différentes manières et qui malgré cela, restent de bonnes chansons. »
Sur C’mon, justement, une des chansons (Especially me) est particulièrement émouvante. Elle pourrait facilement apparaître comme un archétype de la pop song parfaite, avec ses chœurs renversants, son refrain imparable et ces cordes qui donnent encore davantage de profondeur à la chanson. On se demande d’ailleurs qui est à l’origine de ces arrangements. Les ont-ils écrits ou bien est-ce Caitlin Moe (la violoniste) qui les a composés ? Alan Sparhawk nous explique : « Mimi a écrit la chanson et a composé certains accords écrits pour des cordes au piano et d’autres choses qu’on a essayé de retranscrire sur la version de l’album. Le gars qui a produit l’album, Matt Beckley a aussi fait des arrangements de cordes. La violoniste qui joue, est vraiment excellente. C’est une joueuse de violon célèbre et elle est vraiment talentueuse… On a écrit les chansons et on savait ce qu’on voulait. » Justement Caitlin Moe a-t-elle apporté ses idées ou bien a-t-elle joué seulement ce qu’ils avaient écrit ? « Un peu des deux… » nous répond Mimi Parker. Alan Sparhawk précise : « On a l’habitude de travailler avec des gens confiants qui osent proposer des choses et ce serait difficile pour nous de leur dire : ‘ jouez ça !’ »
Pour C’mon, ils sont de nouveau allés enregistrer à Sacred Heart Studio, c’est-à-dire dans une église. Souhaitaient-ils enregistrer encore une fois dans cette église pour le son ou bien pour des raisons spirituelles, demande-t-on. « Les deux, je crois, commence Alan Sparhawk. On a toujours enregistré nos albums dans des endroits intéressants. Pour moi, l’endroit où on enregistre influence réellement ce qu’on est train de faire. Parfois vous pouvez choisir ce qui va vous influencer : est-ce que tu veux partir loin de la maison, ou rester tout près ? Est-ce que tu veux être isolé ou travailler à plusieurs ? Est-ce que tu veux enregistrer à la maison au sous-sol, ou bien dans une église où le son est vraiment très spécifique, vraiment plein ? L’église où nous avons enregistrée est tout près de la maison et c’est un studio où nous avions déjà travaillé, ce qui deux fois plus pratique. Le son de l’église nous inspire vraiment. On a joué plusieurs fois dans des églises au fil des années et on a toujours ressenti une sensation particulière, agréable. Mais je crois que l’esprit de cet endroit est très important pour moi. L’énergie du lieu peut s’imposer à la chanson. Dans les églises particulièrement, que vous soyez d’accord avec la religion ou non, vous devez reconnaître que les gens sont venus ici avec de vrais espoirs, leurs préoccupations, leur tristesse et leurs joies. Ca reste dans le lieu. Et il me semble que les églises, les vieilles églises, sont un lieu où il est plus évident de ressentir cela… Mais on pourrait aussi ressentir la même chose dans une prison » conclut-il en riant.
On est aussi curieux d’en savoir davantage sur leur façon de composer et de se répartir le chant dans leurs chansons. Arrive-t-il qu’Alan écrive une chanson que Mimi chante et réciproquement ? « En général, quand c’est Alan qui compose une chanson, c’est lui qui la chante, explique Mimi Parker. Il y a eu des exceptions, ‘Hatchet’ sur Drums and Guns. » « La plupart du temps, nous chantons les chansons que nous composons, même s’il y a eu des exceptions » confirme Alan Sparhawk. De toute façon, ils peuvent chanter tous les deux. « Oh, oui, vous savez, on est tellement flexibles… » réplique Mimi dans un éclat de rire. Alan Sparhawk précise : « Au fil du temps, il y a eu des faces B avec des versions rares où Mimi fait la voix principale à ma place. Il y a un cas à part sur C’mon, la chanson ‘You see everything’, j’ai écrit la musique et le refrain et pendant longtemps j’ai été bloqué sur le couplet. Mimi m’a dit un jour avoir trouvé un couplet. La chanson était finie. » Ils écrivent donc davantage séparément qu’ensemble ? « On écrit surtout tous les deux chacun de notre côté. C’est surprenant pour des gens qui passent beaucoup de temps ensemble mais chacun écrit sans que l’autre le sache. Et après on revient ensemble et on se fait écouter. On pourrait croire qu’on écrit un peu comme Lennon et Mac Cartney, toujours ensemble, mais en fait, non ! » termine Alan Sparhawk en riant.
Comment cela se passe-t-il alors, quand chacun découvre le travail de l’autre ? Est-ce qu’ils sont critiques… « Il a tendance à être plus prolifique, donc forcément il y a plus de matière sur laquelle je peux me montrer critique » dit Mimi Parker en riant. Elle ajoute : « Mais je crois qu’on est plutôt positifs, complémentaires. » Alan Sparhawk la coupe : « je ne pense pas, non », en déclenchant les rires. Il poursuit : « Tu es probablement ma plus grande critique, mais ça doit sûrement être comme ça. » Mimi Parker se défend en riant : « Je crois que tu es ton plus grand critique, je ne suis que la deuxième ». Alan Sparhawk conclut doucement, plus sérieusement : « Son opinion est très importante. »
Tous les deux vivent en couple dans la vie courante et on dit souvent que travailler avec son conjoint n’est pas très simple. « C’est sûr ! » confirment-ils immédiatement en chœur en riant. « C’est très difficile et très intense, poursuit Alan Sparhawk toujours en riant. C’est difficile parce que c’est une sorte de mélange entre créer, voyager, le stress, ce type d’environnement. Je crois que la plupart du temps, les gens pensent que ça peut être bien séparé, que quand vous rentrez à la maison vous ne parlez plus travail. Alors que pour nous, non. »
Mimi Parker confirme : « C’est difficile de séparer le groupe de la vie de couple. » Alan Sparhawk surenchérit : « Ce n’est pas possible. » « Les conflits du groupe deviennent ceux du couple et vice-versa », reprend Mimi Parker… Elle ajoute : « Mais c’est ce dont on rêvait, de tourner ensemble, de travailler tous les deux… » Alan Sparhawk confie alors : « Je n’aurais pas voulu d’un travail où je parte le matin en disant : ‘je te vois ce soir ‘… »
Pensent-ils que le fait qu’ils soient un couple a influencé le fait qu’ils changent trois fois de bassiste ? « Non, en général, c’est plutôt Mimi et le bassiste contre moi, ce n’est jamais nous deux contre le bassiste, rigole Alan Sparhawk. Pour être honnête, ça doit être assez difficile de travailler avec nous… Personne n’aime travailler avec ses parents, finit-il en riant. Et parfois, ça doit ressembler à ça… » Est-ce que c’est parce qu’ils sont surprotecteurs, autoritaires ? « Non, pas du tout, répond Alan Sparhawk. C’est juste notre façon de travailler à tous les deux. On se dispute, on débat… »
Mimi Parker précise : « Honnêtement, il y a une raison différente pour le départ de chacun de nos bassistes. Je pense que notre relation à tous les deux contribue peut être à tout ça, mais ce n’est vraiment pas la raison principale du départ de nos bassistes. Ca fait 18 ans qu’on est ensemble vous savez et on est marié. Nos bassistes n’étaient pas mariés avec nous, il est venu un moment où ils ont eu envie de faire d’autres choses. » « Ils avaient envie de vivre leur vie » confirme Alan Sparhawk.
« C’est notre projet vous savez, explique Mimi Parker. Non pas que nous ne les incluons pas, bien au contraire, mais, bien sûr c’est différent pour eux… » Pourtant cette troisième voix leur semble essentielle à tous les deux. « On aime avoir une troisième personne dans le groupe, qui apporte ses idées, qui nous aide à communiquer… » commence Alan Sparhawk. «Alan pense qu’on pourrait partir seuls tous les deux en tournée mais je pense que ce serait vraiment une mauvaise idée ! » plaisante aussitôt Mimi. Alan Sparhawk poursuit : « Une troisième personne apporte une meilleure dynamique, contrebalance les choses… Je suppose que c’est difficile, tout le monde a dû partir pour différentes raisons, mais c’est un travail difficile. C’est dur, vous êtes souvent loin de chez vous et vous êtes parfois très seuls et ça peut être vraiment difficile pour les gens je ne sais pas… » Il reste silencieux quelques secondes et conclut mi-sérieux, mi-amusé à propos de leurs bassistes : « On les aime tous ! »
Photos : Caro
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