L’annonce conjointe du retour d’Electrelane sur les scènes d’Europe après un long break et de leur venue à la Route du Rock est apparue pour certains comme la meilleure nouvelle de l’indie rock de ces derniers mois. D’autant que les quatre filles ont livré une prestation dantesque que d’aucuns s’accordent à classer parmi les toutes meilleures de cette édition. On n’aurait manqué ce concert pour rien au monde et on est très heureux de retrouver les musiciennes anglaises avant leur concert…
Le retour à la Route du rock : attendu par le public… et par le groupe
Electrelane avait déjà joué à la Route du Rock un peu avant sa séparation et ce concert avait été particulièrement acclamé. Elles reviennent aujourd’hui au Fort St Père pour une de leurs deux seules dates françaises. Y’aura-t-il des différences dans leurs setlist par rapport à leur dernière apparition sur la scène du Fort St Père ? « Nous n’avons pas de nouvelles chansons à jouer. Ce sera un mélange de nos quatre albums. Je pense qu’on va jouer avec plus de plaisir et peut-être avec plus d’énergie… Du moins, j’espère… » explique Emma Gaze (batterie) en riant. « Mais ça ne va pas non plus être très différent de la dernière fois. » ajoute-t-elle. Verity Susman (guitare, clavier, chant, saxo…) précise : « Quand on a joué en 2007, on avait joué beaucoup de chansons de No Shouts, No Calls qui venait de sortir à l’époque. Mais là, on n’a pas de nouvel album, donc on peut piocher dans nos quatre disques et jouer les chansons qu’on apprécie le plus jouer en live. » Dont acte. Le Fort résonnera le soir même devant des festivaliers conquis au son de ces anciens morceaux qu’on n’avait pas entendus en live depuis longtemps. Du fait de leur séparation.
Justement d’ailleurs, les quatre filles avaient joué à la Route du Rock avant leur séparation, elles reviennent ici au moment de leur reformation. Faut-il penser que revenir à la Route du Rock représente quelque chose de spécial pour les quatre Anglaises ? Pour Verity Susman, c’est indéniable « On a fait beaucoup de concerts mais notre concert à la Route du Rock en 2007 a vraiment été mémorable pour nous. Je crois que c’était à cause de l’atmosphère, du lieu et du concert en lui-même. On a vraiment apprécié. C’est l’un des concerts dont on se souvient le plus. Revenir ici, c’est génial. » Ros Murray (basse) précise : « On avait vraiment l’espoir de pouvoir faire cette date au moment où on bookait les concerts. On espérait vraiment d’avoir la possibilité de revenir ici. On ne savait pas si on pourrait refaire La Route du Rock, mais c’était vraiment l’un des festivals qu’on espérait faire. Et quand la date a été confirmée, on était vraiment très heureuses. » Lorsque leur reprise récente de Bronski Beat (Smalltown boy) à Paris est évoquée, les quatre Anglaises confirment qu’on aura le plaisir de l’entendre aussi ce soir.
Comment définir leur musique ?
Cette séparation a duré plusieurs années. On imagine qu’elles ont écouté d’autres choses depuis la parution de leur dernier album en 2007. Les influences rock, pop, kraut et parfois même un peu garage sont-elles pour autant toujours présentes ? Sur scène, ce soir, évidemment oui, réplique Emma Gaze : « Étant donné que nous jouons les morceaux de nos quatre albums, nous n’avons pas vraiment changé notre façon de jouer notre musique. » Mais si on pense à un éventuel nouvel album, est-ce que leurs goûts et leurs intérêts resteraient toujours les mêmes ou bien y retrouverait-on de nouvelles influences ? « Oui, j’en suis sûre, poursuit Emma Gaze, car nous avons écouté d’autres musiques, différentes choses et je suis sûre qu’on serait influencées par les nouvelles musiques que nous écoutons. Mais il est difficile de dire comment ça sonnerait parce que notre façon de composer, en improvisant toutes ensemble et en voyant ce que ça donne est très organique, c’est une sorte work-in-progress. C’est difficile de dire comment ce qu’on écoute peut nous influencer. On écoute des types de musiques très différents, ça ne se traduit pas pour autant nécessairement dans la musique que nous créons. On ne souhaite pas essayer de les imiter. Par exemple, j’aime la world music, mais pour autant, on ne va pas faire de la musique africaine ou ce genre de choses. Ça ne colle pas avec Electrelane. Je sais qu’on est influencées d’une certaine manière, mais je ne crois pas qu’on veuille se fixer une influence et choisir de sonner comme ça. »
Une chronique définissait leur musique comme « le chaînon manquant entre Stereolab et Sonic Youth ». « Je pense que c’est très flatteur, acquiesce Verity Susman. Les premiers Stereolab étaient une grosse influence quand nous avons commencé. Sonic Youth, ce n’est pas un groupe que nous avons beaucoup écouté en tant que groupe, Ros en revanche, oui. Mais quand on a commencé, ce n’était pas un groupe que nous avons particulièrement écouté. Mais je pense que je comprends ce que les gens veulent dire et c’est très flatteur d’être comparé à deux groupes comme ça. » Seraient-elles d’ailleurs d’accord avec cette définition de leur musique. « Oui, c’est un moyen de caractériser notre musique, concède Verity Susman. Je pense qu’on a fait plein de choses différentes sur nos quatre albums mais je crois que ce qu’ils essaient de dire c’est qu’il y a plein de claviers, des guitares répétitives… Quand j’écoute les disques de Sonic Youth, je comprends ce que les gens veulent dire, même si on ne les écoutait pas beaucoup. »
Et en ce qui concerne leur talent pour créer des morceaux très cinématographiques, est-ce qu’elles seraient intéressées pour faire des musiques pour le cinéma ? Toutes acquiescent en chœur. Verity Susman explique : « On serait vraiment intéressées ! On adorerait ça, mais on attend seulement qu’on nous le propose. »
« Nous avions envie de rejouer ensemble »
Quand on leur demande ce qui a motivé leur reformation, Mia Clarke (guitare) répond : « Le temps a passé. Après quelques années, ça nous a manqué de jouer ensemble. Emma et moi nous vivons aux U.S.A. maintenant, Verity et Ros à Londres et comme nous avions quelques semaines de libres, nous avions envie de rejouer ensemble. »
Mais alors qu’en est-il du public ? Est-ce qu’elles souhaitaient retrouver le public qui les suivait auparavant, ou bien était-ce une façon de trouver un nouveau public et d’élargir leur audience ? « C’est vraiment très agréable, explique Verity Susman, parce qu’entre le moment où nous avons arrêté jusqu’à notre reformation, notre public s’est un peu élargi. C’était assez surprenant parce qu’on n’avait pas de nouveaux morceaux, c’était très calme, il n’y avait pas d’articles dans la presse ou de choses comme ça et c’était vraiment très agréable de voir qu’on avait de nouveaux fans malgré cela. C’est très étrange d’avoir de nouveaux fans sans rien faire ! »
Ont-elles pour autant le sentiment d’être devenu une sorte de groupe culte à cause de ce long silence ? « Trois ans, c’est un peu court pour devenir culte ! Non, ce qui nous a surprises c’est que des gens plus jeunes qui ne nous avaient jamais vues nous découvrent. On s’attendait plus à ce que ce soit des gens plus âgés qui nous écoutent maintenant ! » précise Ros Murray. « Ça a été une excellente surprise ! » conclut finalement Mia Clarke. On sait que le public français a toujours été réceptif à la musique des quatre Anglaises. Est-ce que le regain d’intérêt pour Electrelane est propre à la France ? Verity Susman ne le pense pas : « je crois que c’est en général. Mais la France a toujours été un endroit où les choses ont été meilleures pour nous, plus que partout ailleurs. Je crois qu’on est vraiment chanceuses que les fans qu’on avait avant continuent de l’être. C’est vraiment agréable de voir au concert des gens qui étaient déjà là avant. D’autant que nous n’avons pas fait de concerts depuis longtemps. »
« On n’avait plus le temps de faire quoi que ce soit d’autre.»
Tout le monde a été surpris au moment où Electrelane a annoncé arrêter. L’impression générale était qu’elles raccrochaient les gants alors que les choses avaient l’air de décoller pour le groupe et qu’elles commençaient réellement à élargir leur audience. « Oui, je comprends que de l’extérieur, on puisse le voir comme ça. Mais vu de l’intérieur, c’était différent. On était assez fatiguées, on avait tourné énormément… Ça s’enchaînait sans relâche : composer un nouvel album, l’enregistrer, tourner pour le défendre… » commence Emma Gaze. « On n’avait plus le temps de faire quoi que ce soit d’autre. Après plusieurs années durant lesquelles le groupe avait été notre priorité, on a atteint le moment où ça devenait essentiel de pouvoir faire d’autre chose que de la musique. C’ aurait été une erreur de continuer de continuer simplement parce que le groupe était dans une bonne position. Et je pense que rétrospectivement, quand je vois ce qui se passe maintenant, ce choix était vraiment le meilleur » poursuit Mia Clarke. « Vous savez, c’est étrange et agréable d’entendre que de l’extérieur, tout allait pour le mieux pour le groupe, car au moment où on a décidé d’arrêté, notre label mettait fin à notre contrat. Pour les gens autour de nous à l’époque, les choses ne semblaient pas aller si bien, on ne gagnait pas d’argent. Il pouvait sembler que les choses allaient bien, mais en réalité… » conclut Verity Susman.
Un éventuel nouvel album ?
Leur reformation a comblé les anciens et nouveaux fans du groupe. Mais tous attendent maintenant un nouvel album. Pensent-elles travailler sur de nouvelles chansons ou bien ont-elles seulement envie de faire quelques concerts ? Emma Gaze répond : «On a vraiment beaucoup de plaisir à rejouer ensemble. C’était drôle quand on a répété pendant deux semaines, cinq heures par jour, au bout de six jours on se disait ‘oh composons quelque chose de nouveau’. Fondamentalement, on adorerait en fait, mais nous n’avons pas le temps, ni l’argent, le label ou quelqu’un qui aimerait sortir ce qu’on fait. »
Le fait de trouver un label leur poserait-il vraiment problème ? Verity Susman est prudente et précise : « J’espère qu’on pourrait trouver un label pour sortir notre musique. Bien qu’il y ait aussi aujourd’hui d’autres moyens de sortir de la musique. Mais il y a aussi la question d’arriver à trouver du temps pour se retrouver pour jouer ensemble. Mia et Emma vivent aux Etats Unis et Ros et moi en Angleterre, c’est difficile logistiquement. » Et Mia Clarke de renforcer ces propos : « On fait aussi toutes d’autres choses très éloignées de la musique dans nos vies personnelles. » Mais peut-on pour autant espérer un album ? « Probablement » acquiescent les quatre musiciennes. Ont-elles une idée d’éventuelle date de sortie ? Pourrait-on espérer que d’ici fin 2012… « Non, c’est trop tôt. On n’en a aucune idée. Peut-être 2013… » disent en riant les quatre filles.
Une histoire d’image ?
On finit avec une question plus précise à propos de l’artwork. Les pochettes, réalisées par Emma nous semblent toujours parfaitement correspondre à la musique d’Electrelane. The Power out avec ses petites vignettes photographiques reprenait l’aspect kaléidoscopique de l’album qui partait dans plusieurs directions. Axes était très sombre à l’extérieur et lumineux quand on ouvrait la pochette. Comment expliquent-elles en revanche le choix de l’artwork de No Shouts No Calls ? Et Emma Gaze de se mettre à rire : « C’est intéressant parce que c’est drôle. C’est moi qui fais les artworks. Avec Axes, j’ai choisi un visuel sombre, obscur (…) Beggars, notre label à cette époque était en colère après moi à cause de cet artwork. Ils m’ont dit « on va le faire, mais on n’apprécie pas du tout », poursuit-elle en riant. «C’est pour ça que j’ai décidé pour l’album suivant, de mettre un logo énorme, avec du blanc et des couleurs primaires. C’était en réaction vis-à-vis d’eux, parce qu’ils continuaient à dire que c’était une des raisons pour laquelle on vendait peu d’album. Bon, avec ce nouvel artwork, les ventes n’ont pas décollé non plus ! » conclut-elle dans un éclat de rire.
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