Mardi 23 octobre à l’Ubu, la soirée regroupant Rover et Alan Corbel était pleine de promesses. Au final, une agréable soirée mais avec cependant quelques bémols. L’Ubu étant complet pour cette soirée très attendue, on arrive avec une demi-heure d’avance : las, le public est constitué de nombreux fans de Rover, et il faut se faufiler parmi la foule dense pour espérer assister à la première partie.
Une première partie en forme de clin d’oeil, puisqu’Alan Corbel avait invité Rover, lors de sa carte blanche à Mythos. Malicieusement, Alan Corbel commence son concert par une petite boutade, en remerciant le public nombreux, venu pour Rover, l’une des révélations musicales de cette année.
On a récemment découvert la folk du Rennais à travers l’album Dead Men Chronicles et on avait été agréablement surpris par la richesse mélodique et le joli brin de voix du jeune homme. Cette impression est rapidement confirmée par les premiers titres, joués sur une guitare électro-acoustique. C’est sobre, sans prétention, mais plutôt efficace. Et puis il y a la présence de la violoncelliste Juliette Divry qui apporte un plus indéniable (on avait déjà apprécié son jeu délicat lorsqu’elle accompagnait Sylvain Texier pour la carte blanche à The Last Morning Soundtrack). Le set débute dans une énergie retenue, puis s’apaise avec le très joli titre Endless, reprise d’une composition de Mégalux (duo qu’Alan formait avec la regrettée Soazig Le Lay).
Mais à la moitié du set, Alan Corbel s’empare d’une guitare électrique et le set perd paradoxalement en intensité. Il possède un très joli grain de voix mais les envolées lyriques sont un peu trop puissantes, comme pour couvrir les notes électriques de sa guitare. Guitare qui couvre aussi en grande partie le classieux violoncelle qu’on n’entend que par bribes. Parfois le chant passe en voix de tête, mais un autre truc nous chiffonne : la ressemblance avec Jeff Buckley devient alors omniprésente, et il nous est difficile d’en faire abstraction. On passe d’une folk délicate à des mélodies pop-rock moins inventives et surtout moins abouties sur scène.
Dommage car l’intro instrumentale sur Seven Nights est un très bonne exemple d’équilibre entre riffs électriques et tension acoustique du violoncelle. Alan finit sur un titre acoustique qui nous fait retrouver la douceur de sa folk acoustique qui nous avait charmés au début du set, avec une voix plus sussurée mais aussi plus en adéquation avec les mélodies. Un joli set, parfaite première partie de Rover, mais qui manque parfois de subtilités sur la partie électrique.
Nous sommes clairement en présence d’un public venu (re)voir Rover, car le devant de scène se remplit lors de la pause, au lieu de se clairsemer pour une pause rafraichissante dans la chaleur de l’Ubu.
C’est un Timothée Régnier tendu qui prend place sur scène : il connait Rennes pour y avoir vécu, et on sent une pression particulière à l’idée d’y jouer, qui plus est dans une salle ô combien importante. Les deux premiers titres sont bizaremment aussi tendus musicalement que leur interprète, mais c’est un problème technique qui va finalement le détendre. Alors qu’il prend place derrière un clavier situé au centre de la scène pour entamer Queen of the Fools, un petit pépin l’amène tout naturellement à s’adresser au public. Ce qu’il fera d’ailleurs ensuite tout au long du set, avec beaucoup de dérision (ce qui n’est pas le cas de quelques spectateurs, à l’humour plus que douteux…).
Ce qui impressionne avant tout chez Timothée, c’est l’amplitude de sa voix, certes, mais aussi et surtout le magnifique timbre grave et chaud, qui nous rappelle à plusieurs reprises Bowie, sans que cela ne parasite le concert. Il y a bien sûr les passages en voix de tête qui constituent l’une des particularités de Rover, mais on se rend compte en live qu’elle est aussi assurée par le guitariste-claviériste qui l’accompagne sur scène. Il y a de jolis choeurs aériens, parfait complément avec la puissance des graves du chanteur. Un vrai crooner, qui joue de sa voix mais aussi du regard, parfois habité, mais souvent malicieux.
Musicalement, on est finalement assez éloigné de l’étiquette folk qui lui a été rapidement collé. Les mélodies ont une base clairement pop, à laquelle se rajoute sur scène une énergie rock (voire punk, probablement héritée de son précédent groupe The New Government), qu’on ne soupçonnait pas aussi forte à l’écoute de l’album. Les influences seventies planent aussi au-dessus de la scène, notamment lors du réussi Lonely Man. Le set est bien conçu, avec un petit ralentissement au milieu du concert pour finir sur les tubesques Aqualast et Tonight.
Un bémol cependant concerne la section rythmique : le bassiste et le batteur nous servent à plusieurs reprises des plans plan-plan, souvent ternes, parfois même hors-sujet (la batterie discoïde sur Tonight nous a quelque peu gâché le titre). On ne relève pas trop au départ, mais la faiblesse de l’ensemble finit par se faire ressentir : le tout est très (trop) scolaire, et nuit par moment aux morceaux. Même s’ils sont peu mis en avant (les trois musiciens accompagnant Timothée sont plongés dans une quasi-obscurité), ils nous ont même parfois donné l’impression de s’ennuyer (à l’exception notable du guitariste-claviériste-choriste-bidouilleur électro, qui s’active en véritable homme-orchestre).
Mais on ne remet pas en cause les qualités intrinsèques du batteur et du bassiste, puisqu’ils nous ont prouvé lors des rappels qu’ils pouvaient être très bons lorsqu’ils se « lâchaient » (sur Full of Grace, furieux rappel punk-rock). Ce bémol n’aura quand même pas trop nuit à la qualité du set, survolé par la présence fascinante d’un Timothée Régnier très classe.
Photos : Solène
soirée très agréable, nous aimerions voir Alan plus souvent en concert.
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