On se doutait que Madjo relèverait le défi en live, elle qui a sillonné les scènes de sa région natale pendant plus de 4 ans avant de se produire dans les bars parisiens pour des prestations intimes. Elle a aussi beaucoup appris du Chantier des Francos qui lui a permis de faire des premières parties sur des scènes plus importantes.
C’est pourtant tout timidement qu’elle entre sur scène, seule avec sa guitare. Mais dès qu’elle entonne les premières notes de Neighbour’s Bed, on se dit qu’il y a des voix qui ne laissent décidément pas indifférent.
Silence dans la salle, puis applaudissements pour saluer le morceau, et l’arrivée sur scène des choristes / musiciens. Avec, par ordre d’appartition, Julien (percussions, beatbox, chant), Claire (chant, percussions) et Joro (chant, basse).
Le combo nous propose alors les deux tubes de son album Trapdoor, et on se pose la question de savoir s’ils vont nous enlever les quelques réticences que l’on avait à l’écoute de l’album. Cet opus, enregistré lors d’une longue session studio de 9 mois, bénéficiait d’une production très (trop) soignée. Très intergénérationnels (à l’image du public présent ce soir), certains titres manquent de simplicité, avec des orchestrations parfois trop chargées. Or les compositions, entre folk et pop, sont pourtant souvent réussies, mais on attendait de voir le rendu sur scène, espérant quelque chose de plus dépouillé.
On est rassuré d’entrée de jeu avec Leaving My Heart, beaucoup plus épuré, avec un très joli final a capella à 4 voix. Puis enchainement avec Le Nid Des 100 Soucis et une intro gospel inédite du plus bel effet.
Les bases sont posées, on ne va pas assister à une simple transposition de l’album sur scène. Un soin tout particulier est apporté à l’intro et au final des morceaux, réorchestrés pour l’occasion. Même si les titres en anglais sont plus réussis, les morceaux en français prennent un relief avantageux sur scène.
On entend clairement les instruments (basse, guitares, percussions), joués sobrement mais efficacement, sans les arrangements chargés qui parasitent parfois les titres de l’album. On assiste même, étonnés, à des saturations de guitare et de basse ! Le Coeur Hibou, très jazzy sur galette se fait plus rock en live.
Cette simplicité musicale se retrouve aussi dans la beatbox de Julien, qui ne cherche pas la performance. Au contraire, son jeu vocal va à l’essentiel et est redoutablement synchronisé sur les titres, et en harmonie avec son jeu simultané aux percussions. Ce dépouillement musical se retrouve même dans l’utilisation de sacs plastiques qui font office d’instruments doux et sensibles (Le Coeur Hibou).
Une orchestration épurée qui permet surtout d’apprécier à sa juste valeur le timbre de voix de Madjo : une voix chaude, grave, légèrement rauque, et très soul (purée, quelle voix…).
Et ses musiciens qui l’accompagnent ne sont pas en reste, Claire et Joro alternant timbre grave et voix de tête, soutenus de temps en temps par Julien (de très jolis choeurs sur Insomnia notamment). L’harmonie des 4 voix est parfaite, pas une fausse note : on sent l’énorme boulot derrière ce mariage vocal réussi.
Au milieu du set, avec sa guitare pour seul accompagnement instrumental, Madjo nous délivre Catch The Bird, qui impose un silence remarquable dans la salle. Puis le quatuor, regroupé face à la salle (toujours avec une seule guitare), entonne Where Did You Sleep Last Night, encore plus réussi que sur l’EP. Ca nous rappelle Jimmy de Moriarty, dans la mise en scène et dans le style musical, entre country et americana.
Des voix à l’unisson mais aussi une présence scénique particulièrement généreuse. Madjo se lance dans des danses tribales ; Julien et Joro dansent derrière la chanteuse de manière parodique (Lion Monkey Husband). Pas de mise en avant de Madjo, les quatre artistes sont au premier plan sur l’essentiel des chansons. On sent la complicité qui unit le groupe, mais surtout ils réussissent à transmettre au public leur bonheur d’être ensemble sur scène. Ca peut sembler assez bateau d’écrire ça, mais ce n’est finalement pas si fréquent de voir un tel enthousiasme sur scène. Ils font participer le public (claquements de mains sur Lion Monkey Husband, choeurs sur Trapdoor In A Wall). Mais ils ne se limitent pas à faire participer les gens. Ils applaudissent la salle, multipliant les cris de joie (mention spéciale pour Joro) et les gestes de satisfaction.
Le combo n’aura eu besoin que de quelques morceaux pour faire bouger tout le monde, et de manière très naturelle. Et c’est tout aussi naturellement qu’ils descendent de scène directement dans la salle à la fin du set pour rejoindre la petite guérite de L’Antipode à la rencontre des spectateurs. Tous les 4 sans exception se prêtent au jeu des dédicaces avec une simplicité désarmante. Lorsqu’on échange quelques mots avec eux, ils nous apprennent qu’ils espèrent pouvoir tourner jusqu’à la fin de l’année, avec notamment une tournée prévue au Canada.
Un concert tout en simplicité, qui vous colle un sourire qu’on n’attendait pas aussi grand.
Photos : Solène