La Route du Rock collection Hiver nous proposait cette année une date inaugurale à l’Antipode, pour une soirée à la programmation audacieuse qui a tenu toutes ses promesses, avec notamment la splendide prestation de James Blake.
20h30. Nous pénétrons dans la salle de l’Antipode quasi-déserte, mais pour peu de temps. En effet, la programmation va accueillir un public aux oreilles curieuses, pour assister notamment à la prestation attendue du nouveau prodige James Blake.
La soirée commence avec le set de Lia Ices, qui débarque sur scène, toute frêle, micro en main, accompagné d’un trio guitare-basse-batterie. A l’exception du premier et du dernier morceau (Unchosen One, Twins), tirés de son premier album Necima, Lia Ices nous a présenté les titres de son dernier album Grown Unknown.
Après la bonne surprise d’un album plutôt réussi, on attendait de voir le rendu scénique : malheureusement, le set va se révéler trop lisse, avec la sensation gênante d’entendre une simple transcription de l’album sur scène. A tel point que sur le très joli Daphne, on attend encore la voix de Justin Vernon, en duo avec Lia sur l’album.
La New-Yorkaise nous délivre pourtant sa très jolie voix cristalline, avec une utilisation maîtrisée des ruptures, mais le tout ne décolle pas vraiment. Et à l’exception notable du batteur (et son jeu de mailloches tout en finesse sur Grown Unknown), les autres musiciens donnent l’impression de faire le boulot sans grand enthousiasme. Certes, ce folk atmosphérique ne prête guère aux gesticulations inutiles, mais sobriété ne rime pas avec apathie…
On a le droit à quelques jolis moments, notamment cette envolée rythmique à la fin d’Ice Wine, ou bien le bottleneck aérien sur New Myth.
Le tout est très agréable à écouter mais ça ne nous embarque pas plus que ça. Peut être une question d’univers dans lequel on rentre ou pas, la porte s’est seulement entrouverte pour nous.
A contrario, Cameron Mesirow alias Glasser va nous enthousiasmer scéniquement à défaut de nous avoir complètement convaincu sur disque. L’arrivée des membres du groupe nous surprend déjà vestimentairement parlant : des combinaisons mi-futuristes / mi-camouflages pour les musiciens et une tenue d’inspiration asiatique pour Cameron. On remarque assez rapidement que le jeu scénique de la chanteuse est particulièrement élaboré et rodé, celle-ci évoluant au rythme de la musique de manière gracieuse.
Après un premier morceau très percussif, Apply, le groupe enchaîne sur Treasure of We et ses petites boucles électro japonisantes.
Le claviériste / dj’s, le batteur et le guitariste accompagnent Cameron avec une réorchestration intéressante de l’album Ring.
Le set va prendre une autre dimension avec le magnifique T, complètement réarrangé pour la scène avec la sublime voix seulement accompagnée de quelques notes synthétiques de guitare (si, si !). Le chant devient prière et on mesure alors l’amplitude de la voix, sans tomber dans la performance vocale. L’Antipode retient son souffle pour ce moment de grâce unique. L’enchaînement avec le tubesque Home est particulièrement réussi et le set va garder cette intensité jusqu’au dernier morceau, Mirrorage, qui n’est pas sans nous rappeler la voix de Björk.
Glasser est une très jolie surprise sur scène pour une artiste qui a su, l’espace d’un concert, nous emmener dans son univers.
Habituellement, à la fin d’un set, le public s’éloigne de la scène pour reprendre sa respiration, mais au vu du nombre de personnes restant sur place, on se dit que l’artiste suivant est particulièrement attendu.
Après avoir découvert le dubstep qui tabasse de Magnetic Man aux Transmusicales en décembre dernier, le public rennais est invité à découvrir le dubstep qui caresse de James Blake.
3 EP plus tard, le londonien vient de sortir un album éponyme qu’il nous présente ce soir pour la première fois en France. L’album recèle quelques pépites mais on se dit aussi que certains morceaux devraient difficilement passer l’épreuve de la scène. Autant dire que l’attente était grande.
Et dès le premier morceau du set, Unluck, il balaie nos doutes. Avec une formation réduite (batterie, guitare, claviers), le londonien dépouille sa musique pour aller à l’essentiel. Là où on aurait pu imaginer des tonnes d’artifices pour épaissir les compositions, James Blake se met à nu, avec sa seule voix et son piano, parfois accompagné par le batteur et le guitariste dans un jeu tout en retenue.
Même les grosses basses d’Unluck, que le guitariste envoie à partir d’un boîtier à touches préenregistrées, restent étonnement sobres.
On pourra nous objecter que James trafique sa voix à coups de vocoder (Lindisfarne) ou de superpositions de voix par nappes successives (I Never Learnt to Share), mais c’est toujours au service du morceau. Et puis le monsieur n’a pas besoin d’artifices vocaux pour masquer quoique ce soit. Comme sur le splendide Give Me My Month, dans un simple piano-voix, avec des modulations du timbre à vous coller des frissons. Et que dire de plus lorsque les musiciens qui l’accompagnent posent guitare et baguettes pour l’écouter, dans un mélange de recueillement et d’admiration.
Il y a aussi The Wilhelm Scream, véritable pépite avec une montée en puissance qui nous rappelle l’étiquette dubstep qui lui a été collée (hâtivement ?).
Et comme si cela ne suffisait pas, le britannique nous achève définitivement avec la magnifique reprise de Feist, Limit To Your Love. Il s’est déjà réapproprié le morceau de manière très inventive, ce qui en fait l’un des titres les plus remarqués de l’album. Mais il pousse encore plus loin le morceau en live, avec des infrabasses monstrueuses associées à un jeu de baterie qui s’accélère, en contraste complet avec sa voix et son jeu de piano tout en douceur : et de réussir la prouesse de conserver une cohérence au morceau.
Cet immense artiste par la taille est doté d’un talent encore plus grand.
Un grand merci pour ce moment de pur bonheur à l’Antipode, en espérant revoir à Rennes une partie des prochaines collections Hiver de la Route du Rock.
Photos : Solène
Certains, sûrement, n’auront pas apprécié James Blake, mais de mon côté, j’ai vraiment adoré.
D’autant que l’autotune fait partie de mon top des trucs les plus ignobles et mauvais goût… et que j’ai été obligée de carrément revoir mon point de vue initial… cette utilisation de l’effet était vraiment « toujours au service du morceau »… grande classe le Monsieur…
Grosse déception pour moi que cette soirée « dépressive » à l’antipode et particulierement avec la déception de la soirée (du moins pour moi) James Blake et sa musique boursouflée d’effet vocoder, de nappes planantes, d’echo. J’ai trouvé ça vraiment peu intéressant et anecdotique. Curieusement (et contrairement à vous) c’est presque Lia Ices que j’ai le plus apprécié dans cette soirée.
Ouais, ben heureusement que Disso était là ! sinon je me serais ennuyée à mourir. Pas du tout apprécié cette soirée. Glasser et son costume de bigoudène contemporaine m’ont fait penser à du sous-Björk de supermarché. Quant à James Blake, non décidément, cela m’a semblé mauvais à l’écoute dès les deux premières chansons. Finalement, Lia Ices que j’avais trouvée gentillette aura finalement le mieux tirer son épingle du jeu lors de cette soirée.
Arf, des goûts et des couleurs…
Je viens de lire quelques avis sur la toile concernant cette soirée (presse musicale, généraliste, blogs…). Lia Ices semble faire l’unanimité quant à la tiédeur de sa prestation. Pour James Blake, on adore ou on déteste ! Il a au moins le mérite de ne pas avoir laissé le public indifférent… Et c’est déjà énorme pour un artiste !