La Syrie est décidément le fil rouge de cette programmation du festival Mythos. La Syrie et ses atrocités, la Syrie et ses réfugiés : voilà la thématique centrale de la pièce Sous le Pont mise en scène par Amre Sawah et écrite par Abdulrahman Khallouf, tous deux syriens vivant en France.
Crédits photos :
Avec la sympathique et aimable autorisation de Valentin Asselain du collectif 18-55
Cynisme, premier round
Il dort là, dans le froid sépulcral du Vieux St Etienne, enroulé dans son sac de couchage sur un matelas miteux posé sur des palettes. Toute sa vie est condensée sur ces 3 mètres carrés. Chacun à sa place : son téléphone, son dossier d’asile politique, son réchaud, son nécessaire à thé et ses vêtements. Non loin de lui, un panneau publicitaire qui égrène les réclames pour un cabaret parisien tout emplumé ou encore un appel aux volontaires pour encadrer des matchs de foot de l’UEFA.
Cynisme, deuxième round
Jamal parle peu le français et se fait agresser : par un raciste sans scrupule, qui lui jettera une cigarette, comme on jette un os à ronger à un chien des rues ; par une clocharde qui s’évertue à lui proposer du pinard (du bordeaux, hein !) mais lui volera un sac en partant…
Cynisme, troisième round
Jamal a quitté la Syrie et laissé sa femme en Turquie. Jamal se sent abandonné par Dieu, qui lui impose toutes ses difficultés. Surgit alors cet imam, qui tente de lui trouver une place dans sa mosquée au milieu de sa communauté pratiquante. Mais Jamal ne se laisse pas embrigader. Et l’imam repart, vexé de n’avoir pu sauver son âme et ajouter à son palmarès cette brebis égarée…
Cynisme, quatrième round
Jamal doit raconter son histoire pour obtenir l’asile politique. Trois pages de feuillet administratif, pas un mot de plus ou de moins. Pour l’aider à rédiger ce simulacre de liberté potentielle, il est aidé par un syrien. Ce dernier, arrivé en France il y a 10 ans a rencontré Jamal par hasard à la Préfecture.
L’histoire de Jamal est lugubre et fait froid dans le dos. Chauffeur de taxi, il a proposé son aide aux populations du sud de la Syrie en proie aux combats. S’en suivront arrestation musclée, emprisonnement indigne et tortures inhumaines… Trois pages au final et une histoire assez sordide pour faire pleurer dans les chaumières (ou faire pleurer les pierres dans le texte). L’homme-secours providentiel repart, sans place pour l’accueillir chez lui, en lui disant simplement « Allah te sauvera »…
Cynisme, dernier round
Jamal dort, recroquevillé sur sa couchette de fortune. Deux hommes prennent enfin son destin en main : l’écrivain et le metteur en scène. Mise en abyme sombre pour la fin de la pièce : comme s’il ne pouvait y avoir de fin heureuse, comme si ce réfugié devait finalement disparaître pour faciliter les choses… « Bah, en Syrie, ils sont plus d’un demi million à mourir, c’est naturel, on aura la compassion du public ! ».
Au public de se dépatouiller avec tout ça, de réfléchir sur l’accueil fait aux réfugiés, sur la place qu’on leur laisse dans notre société, sur nos grands discours et nos toutes petites actions… Encore une fois, le festival Mythos appuie là où ça fait mal et nous questionne, au-delà du simple divertissement avec ce spectacle Sous le pont. Un grand coup de chapeau à Amre Sawah et Abdulrahman Khallouf, ainsi qu’à l’acteur, Homam Affara, ancien danseur à Damas réfugié en France il y a moins d’un an, jouant tous leurs propres rôles…
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