Hillel Kogan est de gauche et a de l’humour. Parallèlement, il est aussi israëlien et chorégraphe. Et voue une passion sans limite au houmous. We Love Arabs, pièce culino-chorégrapho-politique, présentée lors du festival Mythos 2017 au Théâtre de la Paillette, est un petit bijou de subtilités.
Photos par Mr B.
Quand le processus de création n’est pas un long fleuve tranquille…
C’est un chorégraphe torturé par son processus de création qui joue les équilibristes sur scène. Ce chorégraphe soliloque et use de pseudo-syllogismes chorégrapho-intellectuels pour énoncer le pourquoi de sa présence parmi nous : il doit trouver un danseur arabe. Le but ? mettre en scène la coexistence chorégraphique du juif et de l’arabe, comme deux identités à fusionner. We Love Arabs porte assurément un message de paix et de communion fraternelle.
Mais les quiproquos de s’enchaîner : une étoile de David sur le tee-shirt pour mieux se repérer ; la banane de la mosquée sur Adi Boutros, le danseur arabo-chrétien qui s’est présenté… Un danseur arabe stoïque face aux délires intellectuels du chorégraphe israëlien, peu expansif comme pour contrecarrer la loghorrée verbale du créateur. Un danseur arabe qui devrait savoir bouger son bassin dans l’imaginaire collectif (et très personnel du chorégraphe) mais qui ne maîtrise pas la danse orientale…
Les murs invisibles dressés sur scène sont transpercés ; les combats chorégraphiques de fourchette et couteau se finissent en slow ; du up and down et du up stage pour groover la scène… Car la chorégraphie est un processus compliqué : l’identité, c’est être identique mais à l’envers, c’est ne pas réinventer la roue mais l’utiliser, c’est parler avec ses vertèbres.
Quand danse et houmous font finalement bon ménage…
Et là, entre en scène le houmous, symbole de paix et sauveur du monde. C’est la texture chorégraphique qui permet la liquidité de l’identité. C’est un pas de deux dans les sept cercles du houmous, entre pirouettes et corps à corps sublimés. C’est le lien sacré entre la scène et le public, comme un ersatz d’hostie et de communion suprême.
Vous n’avez rien compris ? c’est normal, c’est assez irracontable… Mais We Love Arabs est un spectacle fin, subtil, chorégraphiquement très travaillé, drôle et politiquement retors et plaisant. Et c’est aussi gustativement intéressant ! Hillel Kogan et Adi Boutrous parviennent à évoquer les questions graves et taboues en déconstruisant les codes sacrés de la danse et en transformant le houmous de la discorde en vecteur de paix et de relation privilégiée. Un tour de maître !
[Envie de comprendre pourquoi le houmous peut être un Instrumental Choregraphical System ? Direction la Paillette ce soir à 21h !]
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